[CRITIQUE] – Les Animaux Fantastiques (2016)

Par Pulpmovies @Pulpmovies

Réalisé par : David Yates

Avec : Eddie Redmayne, Catherine Waterston, Colin Farrell et Ezra Miller

Sortie : 16 novembre 2016

Durée : 2h13min

Distributeur : Warner Bros. France

3D : Oui – Non

Synopsis :

New York, 1926. Le monde des sorciers est en grand danger : une force mystérieuse sème le chaos dans les rues de la ville, tandis que la communauté des sorciers se voit menacée par les Fidèles de Salem, groupuscule fanatique des Non-Maj’ (version américaine du « Moldu ») déterminé à les anéantir. Ignorant tout de ce conflit qui couve, Norbert Dragonneau débarque à New York avec sa valise – en apparence – banale. Elle renferme néanmoins un secret qui, s’il était libéré, pourrait bien créer une catastrophe.

3/5

J.K Rowling n’en a définitivement pas fini avec Harry Potter ! Malgré ses diverses incursions romanesques, notamment dans le roman policier, avec les aventures de Cormoran Strike (bientôt adaptées dans une série réalisée en collaboration entre la BBC et HBO), la créatrice du petit sorcier à la cicatrice est revenue à son univers fétiche. D’abord sur Pottermore, en publiant quelques récits annexes et éléments complémentaires sur le futur de ses héros, puis en co-écrivant Harry Potter et l’Enfant maudit avec Jack Thorne et John Tiffany. Ventes monstres, pièce de théâtre complète à Londres jusqu’à la fin de l’année… les fans sont toujours là.

Et JKR compte bien les ramener dans les salles obscures en célébrant une nouvelle ère de l’histoire de la magie : celle des Animaux Fantastiques, portée par le fantasque Norbert Dragonneau (Eddie Redmayne). Avec d’ores et déjà cinq films prévus au compteur (tous réalisés par David Yates), l’écrivaine doit faire la différence. D’où son décalage temporaire, plusieurs décennies avant Harry Potter, et géographique : adieu l’Europe (que l’on retrouvera au second volet situé à Paris) et bonjour New York ! Cette mise à distance est-elle suffisante pour faire des Animaux Fantastiques une franchise qui se tient par elle-même ? C’est mi-figue, mi-raisin.

NOUVEL UNIVERS, NOUVELLES MENACES… OU PRESQUE

Il faut le dire, le pari est osé. Dans l’univers de Rowling, Les Animaux Fantastiques, ce n’était qu’un livre d’apprentissage, souvent mentionné à travers la saga Harry Potter (par notre chère Hermione, bien sûr !). Un livre que l’auteure a elle-même écrit et fait publier au même titre que Les Contes de Beedle le Barde, en prenant le nom de Norbert Dragonneau. Comment faire pour apporter une légitimité à la présence du personnage dans cet univers et comment faire de lui le point d’entrée d’une nouvelle saga ? Voilà tout l’enjeu de ce premier volet introductif, qui a pourtant de quoi faire pour offrir du renouveau. Dragonneau prend le large pour les Etats-Unis, et nous fait ainsi découvrir toute une autre vision de la magie, qui s’imbrique habilement dans la période choisie par Rowling : New York en pleine crise économique et prohibition, dans la fin des années vingt, la lutte avec le fascisme à travers le monde, une Europe ravagée par la guerre… et la montée d’un mage noir, Grindelwald.

Norbert Dragonneau débarque là-bas comme un cheveu sur la soupe, avec sa valise débordante de bestioles. Un peu fou-fou, maladroit, il représente le côté lumineux de la magie… et l’émerveillement que l’on éprouvait lorsque l’on découvrait les débuts d’Harry Potter dans son premier volet. Un ton léger, qui va de paire avec le personnage du « non-maj » (moldu) Jacob Kowalski, incarné par Dan Fogler, véritable comic relief du film qui enchaîne vanne sur vanne, telle une version de Ron Weasley sous adrénaline. Comme la saga Harry Potter à ses débuts, Les Animaux Fantastiques met en avant des acteurs en pleine ascension, pas encore connus du grand public, mais aussi quelques grandes têtes d’affiche : Catherine Waterston et Alison Sudol incarnent les sœurs Goldstein, Tina et Queenie, toutes deux radicalement opposées bien qu’affectées par le malheur – Tina manque de reconnaissance et ne cache pas sa tristesse, Queenie joue sur l’extravagance pour cacher son mal-être et ses talents. Colin Farrell et Ezra Miller représentent un pan plus sombre et ambigu du scénario, dans la peau d’un Ministre de la magie et de son assistant.

Le problème, avec ce renouveau, c’est qu’il est finalement bien vite désamorcé par quelques références à l’univers de base, qui se transforment bien rapidement en parallèles plutôt hasardeux : bien qu’il ne soit présent qu’en toile de fond, Grindelwald est déjà fortement évoqué dans la saga Harry Potter. Son histoire est donc – dans les grandes lignes – déjà connue. Les Animaux Fantastiques semblent pourtant davantage s’orienter vers l’ascension de ce mage noir, reléguant ainsi les bêtes elles-même vers le divertissement plutôt que de les mettre réellement au service de l’intrigue. C’est là toute la complexité des Animaux Fantastiques : le film manque cruellement de clarté sur ses intentions.

UNE INTRIGUE DIVERTISSANTE MAIS SOUS-EXPLOITÉE

L’un des reproches à faire au film est qu’il néglige les aspects plus sérieux de son scénario, au profit d’un trop plein d’humour qui vient quasiment « marveliser » la saga. Trop d’humour tue l’humour, bien que certaines scènes entre Dragonneau et Jacob soient tout à fait réussies (l’affaire du Niffler, cette petite bestiole qui vole tous les objets de valeur sur son passage). Les Animaux de Dragonneau renferment tout le capital mignonnerie du film (mention spéciale à l’irrésistible Pickett), mais n’influent pas tant sur l’histoire qui développe davantage encore les thèmes récurrents dans la sphère Potter. Ces thèmes, vous les connaissez déjà : la peur d’être rejeté à cause de sa différence, la difficile cohabitation entre sorciers et moldus. Si cette dernière est au centre du récit, elle manque pourtant de crédibilité puisqu’elle est davantage mise au service de l’humour (avec ce jeu entre Queenie et Jacob) plutôt que traitée sur le plan de la politique et des médias, représentés par l’un des ténors du cinéma américain, Jon Voight. Il est même particulièrement surprenant de voir à quel point les sœurs Goldstein sont dénuées de tout charisme, effacées pour un homme pour l’une, limitée à un rôle de folle de service pour l’autre (une Luna Lovegood avant l’heure).

La traque des animaux représente bien évidemment une bonne partie des 2h13 du film, mais elle fleure bon le remplissage tant ceux-ci représentent une absence totale d’enjeux : on se doute bien que Norbert va retrouver ses Animaux, étant donné à quel point le message de leur préservation est martelé. On sourit de retrouver cet émerveillement d’une magie un peu naïve, mais c’est lorsque Les Animaux Fantastiques évoque sa noirceur qu’il devient enfin intéressant. Dommage que cela n’arrive que très tardivement, et avec une subtilité aussi proche de celle d’un éléphant dans un magasin de porcelaine : les plot twists sont bien trop facilement discernables, la faute à la mise en scène bien trop appuyée de David Yates. Heureusement pour lui, il a un peu progressé en effets spéciaux. Reste le plaisir de redécouvrir un monde à l’esthétique bien marquée (on sent la continuité d’une saga à une autre, et quelques subtilités entre le Ministère de la Magie britannique et sa version américaine). La musique signée James Newton Howard s’immisce parfaitement dans cet univers et rejoint admirablement les anciens compositeurs de la saga, John Williams en tête.

Il ne faut pas s’attendre à ce que Les Animaux Fantastiques soit une continuité des huit précédents films Harry Potter mais bel et bien un renouvellement. Malheureusement, la chose n’est pas aisée pour ceux qui ont déjà vécu avec cet univers (ou du moins certains d’entre eux, comme une partie de notre équipe), ayant ainsi l’impression d’assister à une redite en découvrant à nouveau cet émerveillement provoqué par la magie. Sans doute apparaît-il nécessaire pour embarquer au chemin une nouvelle génération qui ne connaît pas encore l’univers de J.K. Rowling (et tant mieux), mais force est de constater que cet enthousiasme zappe tout enjeu dramatique : cette naïveté conforte nos héros, les rend quasi invincibles, ce qu’assure également l’avenir tout tracé de la saga et de ses cinq films. Comment ne pas s’inquiéter quand tout va bien dans le meilleur des mondes, à Hollywood ?

Avec Les Animaux Fantastiques, J.K Rowling captive et divertit, mais pose maladroitement les bases de cette nouvelle saga, négligeant une juste noirceur au profit d’un humour trop prononcé.

Cette critique recueille l’ensemble des avis de la rédaction de Pulp Movies, qui a découvert le film entre Londres et Paris !