Inferno, purgatoire rétinien

Publié le 18 novembre 2016 par Rémy Boeringer @eltcherillo

Thriller complotiste à la petite semaine, Inferno vient compléter le triptyque d’adaptation cinématographique de l’œuvre de Dan Brown. Pour la troisième fois aux commandes de la saga, Ron Howard, lequel a quand même réalisé des films comme Willow ou Cocoon, qui ont marqué notre enfance, livre une aventure sans relief où les apparences règnent sur le fond comme sur la forme.

Robert Langdon (Tom Hanks dont on avait parlé dans notre article rétro sur Forrest Gump) se réveille, complètement sonné, avec des problèmes de mémoires, dans un hôpital florentin. Alors que le docteur Sienna Brooks (Felicity Jones que l’on a vu dans The Amazing Spiderman : Le destin d’un héros) lui explique les symptômes dont il souffre, la carabinière Vayentha (Ana Ularu) vient pour l’abattre. Traqué par une organisation secrète et par l’OMS, le voilà obligé de résoudre une nouvelle énigme.

Robert Langdon (Tom Hanks) et Sienna Brooks (Felicity Jones)

N’insistons même pas sur la piètre prestation de Tom Hanks, aussi fatigué que son personnage est groggy, ce n’est pas le pire défaut de cet enfer moderne. Dans le genre eschatologique, cela faisait un bail que les artifices n’avait pas été aussi grossier. L’équipe des effets spéciaux d’Inferno a dû passer trop de temps à côté de la machine à café et a transmis leurs crises de tachycardie. La mise en scène de la première partie, faisant la part belle aux effets jouant sur l’amnésie du héros, devient très longue, à mesure que le montage anarchique et les flous cinétiques envahissent l’écran jusqu’à la nausée. Cette exagération fort désagréable, dont semble absent toute considération photographique, amènent l’une des pire colorisations numériques que l’on ait vu. Les visions de ce Tartare semblent sorti d’une animation des années 90 et font tâches aux milieux des œuvres sublimes exposées dans la Galerie des Offices. Des œuvres elle-mêmes maltraitées constamment, filmées vraisemblablement sans amour, à peine mise en valeur pour servir le script. Même Venise la Sérénissime dont il est pourtant aisé de tirer le meilleur est relégué, dans des plans serrés, et dans les égouts, à un simple nom sur une carte. Étant donné la vacuité du scénario, accumulant approximations scientifiques et raccourcis narratif, il est vraiment dommage qu’un soin plus sérieux ne fut apporté à mettre en valeur le patrimoine dont l’œuvre de Dan Brown pille à la fois la symbolique. En effet, hormis une réalisation hasardeuse, cherchant le spectaculaire dans des plans numériques très vilains, Inferno usurpe quasiment le libellé de thriller. Il n’y a pour ainsi dire que peu de surprise et surtout aucun suspens.

Robert Langdon (Tom Hanks) et Elisabeht Sinskey (Sidse Babett Knudsen que l’on a vu dans L’hermine)

La plupart des rebondissements sont le fruit de la mémoire défaillante de Langdon, du moins du retour de ses souvenirs. C’est accommodant, convenons en, mais si facile que le procédé agace. La plupart des sous-intrigues sont balancés dans la fosse comme de la nourriture à cochon, sans préavis, et surtout, sans raisons valables. Sous-engeance du Spectre bondien, l’organisation paramilitaire évoquée dans Inferno prête plus à rire qu’ à l’inquiétude. La représentation quasi-militaire de l’OMS est aussi drôle que pathétique ; le quotidien des fonctionnaires de l’institution internationale s’orientant davantage vers la prévention et les recherches scientifiques que dans une sorte d’imitation des pratiques de la CIA. Il ne suffit pas d’utiliser des mots qui font peur en les entourant de folklores universitaires pour faire ressentir un semblant d’angoisses aux spectateurs. Inferno manque cruellement d’une ambiance. Et l’enrobage intellectuel du propos se limitent aux apparences, soulevant des questions qu’il se garde bien de mettre en débat. Pourtant au cœur du synopsis, que reste-t-il des questions de surpopulations et d’écologie en fin de compte ? Strictement rien. C’est sûrement de la faute du livre, mais nous ne l’avons pas lu : les premières pages de Da Vinci Code, nous avait, à l’époque donné des sueurs syntaxiques ; toutefois les personnages en pâtissent et demeurent sans reliefs, ne s’interrogeant qu’à peine sur le sens de leur gesticulations saugrenues. Inferno, le film, est un univers vide, au sens propre, les lieux visités sont tout à coup sans âme qui vivent pour laisser le temps au héros de disserter sur du vide, comme au sens figuré, ne faisant que se survoler lui-même.

Christophe Bouchard (Omar Sy que l’on a vu dans X-Men :Days of the future pastSamba et Jurassic World)

Un quatrième livre reste à adapter qui, d’après le réalisateur, ne le sera certainement pas car il serait trop compliqué à transcrire. Vu la difficulté certaine qu’Howard a ressenti à mettre en image les trois premiers dont l’intrigue tient pourtant sur un mouchoir usagé, c’est peut-être mieux pour tout le monde. Surtout qu’on ne le sait pas, mais qu’on a encore échappé à une extinction de masse. Rires.

Boeringer Rémy

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