Des lieux naturels pour votre scenario (1)

Ne cédez pas à la tentation d’un paysage pour votre scénario si ce paysage n’a que peu de rapport avec l’histoire.
Chaque paysage, chaque univers que vous décrivez est porteur de sens.

Face au monde que vous mettez en place dans votre histoire, chaque lecteur en tire une signification. Elle est d’ailleurs souvent la même à quelques différences près.

Pourtant en tant qu’auteur, vous ne pouvez négliger l’écho produit par les lieux que vous décrivez. Vous devriez donc être un peu au fait des significations qui en transcendent.
Et de déterminer le lieu et la signification qui exprime le mieux votre histoire, vos personnages et votre thème.

L’océan

L’imaginaire humain distingue entre la surface et la profondeur. Notez que nous utilisons l’océan à la fois comme une réalité physique mais aussi comme métaphore.

Ainsi, tout espace dont on peut distinguer à la fois la surface et la profondeur pourra servir d’arrière-plan à votre histoire.

Pour John Truby, la surface de l’océan est une abstraction qui intensifie le sens de la compétition, de la lutte pour la survie. Tout espace ouvert, non borné, devient alors un lieu aux mille dangers.

Les profondeurs révèlent une atmosphère sans apesanteur. Une sorte d’éther où les créatures sont libres de leur mouvement. C’est le lieu du libre-arbitre. Pour John Truby, les profondeurs océaniques sont le siège de mondes utopiques.

Mais si nous élaborons davantage sur la métaphore, les profondeurs sont aussi l’Erèbe, les Ténèbres souterraines.
Séjour des divinités chtoniennes, les profondeurs attirent ce qui est en surface. C’est le lieu des mondes anciens, des créatures antédiluviennes et des secrets enfouis attendant d’être redécouverts.

Les étendues intersidérales

Pour John Truby, l’espace intersidéral véhicule sensiblement les mêmes significations que l’océan.

C’est un abîme de ténèbres qui cache une multitude d’autres mondes. Mais peut-être que cet espace si particulier nous renvoie à notre vanité.

Ce qu’il faut admettre aussi est que n’importe lequel d’entre nous est capable de se mouvoir dans l’obscurité. Le chemin sera difficile mais il illuminera les qualités les plus essentielles de celui qui ose l’affronter.

Truby ajoute que la science-fiction qui utilise directement l’espace intersidéral comme terrain de jeu emprunte la forme originelle du mythe car ce dernier non seulement exploite très efficacement le parcours d’un héros mais surtout parce qu’il explore ce qu’il y a de plus fondamental dans la nature humaine.

De l’obscurité à la lumière, voilà un motif sur lequel on peut broder une infinité d’histoires et de scénarios. Et sans avoir recours à des effets spéciaux.

Cet espace intersidéral pourrait être l’image de notre intériorité. Autant l’océan pourrait représenter notre persona (en surface) et notre vraie nature (en profondeur), l’espace intersidéral vise notre regard intérieur.
Et en tant que tel, il est plus apte à traiter de questions spirituelles.

La forêt

John Truby compare la forêt à une cathédrale. Elle évoque irrésistiblement le mentor, à la fois précepteur et protecteur du héros.

La forêt convoque un lieu de méditation mais aussi un endroit où les amants se réfugient pour s’aimer.
Mais la forêt peut être aussi un signe de malheur ou de dangers à venir.

Gardez à l’esprit que cet article fouille métaphoriquement des lieux. Vous pouvez employer dans votre scénario une forêt véritable mais il est bon aussi d’y penser en ce qu’elle a de symbolique.

La forêt est très proche du labyrinthe. Il faut en sortir pour voir enfin la lumière.Sachant qu’elle peut être aussi un intense regard tourné vers la conscience de soi, elle peut symboliser la lente progression de la folie vers la sagesse.
Qu’elle que soit la signification que vous souhaitez donner à ces deux termes.

La forêt est ce lieu caché où résident les vies passées qui hantent encore le captif. Perdu dans ses propres limbes, le malheureux y est traqué par ses propres démons.
S’il ne parvient pas à se pardonner, la forêt engloutira celui ou celle incapable de trouver en lui ou en elle la volonté de vivre.

Pour compléter ce paragraphe, nous vous conseillons fortement de lire :
JOSEPH CAMPBELL : ESSAI D’EXEGESE – PART 1

La jungle

Alors que la forêt se rapporte davantage à la vie intellectuelle et spirituelle, la jungle est foncièrement corporelle.
La jungle remet l’homme à sa place exacte face à la nature.

Alors qu’il y a quelque chose de policé, de civilisé avec la forêt, la jungle est l’étendue sauvage dans laquelle l’homme doit survivre.
La jungle fait appel aux instincts les plus primitifs de l’homme : survivre et la survie de l’espèce.

Bien sûr, la jungle est aussi le lieu primordial de la théorie de l’évolution encadrée par sa loi du plus fort.

Les étendues désertiques

Le monde de votre histoire peut inclure autant d’endroits différents qu’il le souhaite. Vous pouvez mêler intimement une jungle et une étendue intersidérale ou bien développer deux lignes dramatiques qui se jouent en parallèle dans une forêt et une étendue désertique.

Le désert est un environnement adéquat lorsqu’il s’agit de montrer le combat de la volonté d’un homme contre la brutalité d’un monde qui ne cesse de lui rappeler sa fragilité.
Cependant, la solitude affermit aussi l’homme et lui permet de grandir.

Une île

Une île n’est pas comme l’étendue désertique où un homme se retrouve face à lui-même afin de grandir.
L’île place l’homme dans un contexte social en miniature, un microcosme.

Alors que l’homme est isolé dans le désert, l’endroit où il vit est isolé du reste du monde. Comme l’écrit John Truby, l’île est une sorte de laboratoire qui permet d’explorer l’homme et sa communauté.

Pour Truby, l’ïle est l’environnement qui procure le plus de possibilités d’histoire.
Structurellement, le scénario commence par dépeindre la société normale et le cadre de vie des personnages.
Puis les personnages sont déplacés dans un autre environnement (l’île). C’est une nouvelle société aux règles et valeurs différentes du monde originel. Même s’ils n’en ont pas conscience, cette île est la manifestation d’un désir des personnages.
Les relations entre eux seront différentes de ce qu’ils connaissaient avant. Les personnages feront face  à de nouveaux conflits qui leur permettront de se rapprocher de leurs vraies places dans le monde.

L’idée est peut-être de faire de la société un lieu à l’image de l’homme plutôt que de contraindre l’homme à s’adapter à des normes qui ne lui correspondent pas nécessairement.
Mais la déception peut être grande et le paradis s’ouvrir sur une dystopie.