Nous avons abordé précédemment quelques lieux naturels envisagés essentiellement sous un cadre métaphorique.
DES LIEUX NATURELS POUR VOTRE SCENARIO (1)
Continuons notre tour des horizons possibles.
La montagne
Indéniablement, la montagne porte en elle un sentiment de grandeur. Elle favorise la retraite volontaire, la méditation.
Mais elle est aussi une source de défis essentiellement extérieurs. La montagne est comme la vie parfois escarpée et d’autres fois, nous prenons le temps d’admirer le paysage.
Parvenir au sommet est comme atteindre la sagesse. C’est l’ultime destination. Tous n’y parviennent pas.
Pour John Truby, la montagne est cette quête de la vérité, de notre compréhension du monde et de notre place dans celui-ci.
Il l’assimile volontiers à la révélation sur soi-même que tout héros devrait connaître.
Chaque victoire sur la montagne sont de ces moments clefs de découverte qui font basculer l’intrigue vers un niveau plus intense.
Ainsi, chaque palier que parcourt le héros le rapproche de la connaissance.
Par ailleurs, la montagne peut être vue aussi comme une hiérarchie dont l’ordre relate celui de puissants contre des opprimés.
Sa métaphore sert alors à désigner des privilèges. Elle est une relation maître/esclave.
La plaine
La plaine caractérise ce qu’il y a d’essentiel dans le libre-arbitre. Elle offre la même liberté de mouvements que les profondeurs de’l’océan.
Il n’y a pas non plus ce sentiment d’étouffement que procure la jungle (ou les métaphores assimilées).
La plaine est véritablement le lieu de l’égalité, de la liberté et de la justice.
Mais cette liberté à un coût et s’accompagne inexorablement de conflits à surmonter. Elle est comme la surface de l’océan mais contrairement à ce dernier, la notion de profondeur n’intervient pas en plaine.
L’un des motifs majeurs qui sied bien à la plaine est que la liberté doit être gagnée.
Souvent la plaine est montrée en opposition avec la montagne. Ainsi la diégèse d’une histoire comporte deux arènes : la montagne où les puissants résident et la plaine, lieu de résidence des médiocres, du troupeau.
Mais cette comparaison peut aussi servir à illuminer et à expliquer les qualités essentielles et contraires de deux forces qui s’opposent.
Le fleuve
La rivière que l’on remonte est souvent une manifestation du parcours que suit le héros dans les mythes.
C’est un parcours qui structure le récit.
Un exemple parmi d’autres est celui de Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad qui décrit la déshumanisation de l’homme au fur et à mesure qu’il remonte le fleuve.
John Truby rappelle cependant que les lieux naturels utilisés plus ou moins symboliquement ou métaphoriquement doivent se révéler fondamentaux à l’histoire.
Et que vous devriez les utiliser d’une façon originale afin d’éviter le cliché. Donc nos exemples ne sont que des exemples.
Les conditions climatiques
Elles ne sont pas à proprement parler un lieu mais elles décrivent physiquement une intériorité et viennent recouvrir le lieu qu’elles imprègnent.
A la fois description de l’expérience intime d’un personnage et évocation de sentiments forts chez le lecteur.
John Truby liste quelques corrélations entre le temps et l’émotion habituellement reconnues :
- Le tonnerre et la foudre renvoient à la passion, à la mort.
- La pluie illustre la tristesse, la solitude, l’ennui. Pris d’une manière positive, elle désigne aussi la chaleur douillette d’une situation en se mettant à l’abri de la pluie par exemple.
- Un vent fort est un présage de destruction et de désolation.
- Le brouillard est un synonyme visuel de l’occultation, du mystère qui entoure certaines circonstances.
- Le soleil évoque le bonheur. Ainsi que la liberté lorsqu’il inonde la plaine et que ses rayons dardent sur tant d’horizons possibles.
Négativement, cependant, il est un signe de corruption sous des atours fallacieux. - Quant à la neige, elle évoque irrésistiblement l’endormissement d’une nature parfois un peu trop agitée. Elle apporte une vraie sérénité presque inaccessible.
Mais elle peut être aussi une mort annoncée, la fin d’un cycle.
Les paysages urbains
Les paysages urbains sont le moyen d’expression le plus évident pour décrire nos sociétés modernes.
D’ailleurs, ajoutez cette notion de modernité est un peu faux puisque si vous situez votre histoire au moyen-âge par exemple, vous aurez à disposition un ensemble de paysages urbains liés à l’époque concernée.
Pour qu’un paysage urbain fasse sens avec votre histoire, il doit refléter non seulement la personnalité de votre héros mais aussi la société dans laquelle il vit. En d’autres termes, la problématique consiste à faire comprendre la nature profonde des relations qui existent entre votre personnage principal et les autres personnages qui peuplent ces paysages urbains.
Le foyer familial
Elément essentiel des paysages urbains, le foyer (que le personnage principal y habite seul ou en famille) décrit l’espace vital de votre héros.
Un foyer vivant, qui n’est pas abandonné, appartient par nature au présent de l’histoire. Il fait partie de la diégèse. Il a un rôle significatif dans l’histoire.
Si ce foyer est en ruines (réellement ou symboliquement), c’est alors une information sur le passé du personnage. Un personnage pourrait revenir sur les traces de son enfance, par exemple.
A la recherche de ce Je t’aime que nourrissait le cocon familial (Merci Patrice !)
Le foyer est le séjour de la famille. Celle-ci est le noyau de la vie sociale. Chacun des personnages qui la compose est un.
Briser le noyau familial, c’est briser l’individu.
Si le thème d’une histoire est la perte, c’est presque forcément que le foyer sera en arrière-plan.
Autrement, notez l’importance du foyer familial dans My Left Foot de Jim Sheridan. Notez l’espace que chacun s’approprie et l’espace commun. Le pub, par exemple, est un refuge pour le père.
Ce sont des oppositions visuelles que vous devez connaître avant de vous lancer dans le processus d’écriture.
Ce sont ces oppositions qui donneront au lieu tout son potentiel dramatique, dixit John Truby.
La chaleur du foyer apporte un sentiment de protection. C’est pour cela que l’antagoniste frappe souvent le foyer en premier.
L’intrusion au cœur même du foyer est la pire des violations et la pire des menaces.
Et ce motif se retrouve dans American Nightmare comme dans Harry, un ami qui vous veut du bien.
John Truby accorde une importance particulière au foyer qu’il considère comme le lieu de départ de nombreuses aventures. Le foyer n’est pas tant l’illustration de l’apparent équilibre du monde ordinaire du début de l’histoire.
C’est au contraire une fenêtre vers l’aventure.
Un personnage très marqué par son foyer sera aussi quelqu’un qui a les pieds bien enfoncés en terre, très marqué par ses racines.
Un personnage tourné vers la spiritualité pourra quitter plus facilement son presbytère, le cas échéant.
Néanmoins, le foyer familial n’interdit pas le sentiment religieux.