Seulement le 3ème long métrage en tant que réalisateur après "Peau d'Ange" (2001) et "Si j'étais toi" (2006) pour Vincent Perez, acteur avant tout dont le dernier film "important" remonte à "Un Prince (presque) charmant" (2013) de Philippe Lellouche et qu'on reverra en Eddie Barclay bientôt dans "Dalida" (2017) de Liza Azuelos. Cette fois l'acteur-réalisateur revient avec un film assez ambitieux pour lequel il a dû aller chercher des financements à l'étranger car "les français ne voyaient pas l'intérêt de raconter une histoire allemande". Adapté du roman éponyme (1947) de Hans Fallada Vincent Perez en a toutefois gardé qu'une partie, à savoir l'histoire du couple Otto et Anna Hampel (Quangel dans le film) en rôles principaux alors que les autres personnages sont aussi importants dans le livre. Le réalisateur-scénariste s'est aussi inspiré à moindre mesure du journal d'incarcération (1944) "Stranger in my own country" de Hans Fallada. "Seul dans Berlin" a déjà connu deux adaptations allemandes, deux téléfilms en 1962 et 1970 et un film en 1975. Perez a d'abord commencé à écrire le scénario avec l'écrivain Jorge Semprun avant que, malheureusement, l'auteur décède en 2011. Le projet redémarre après sa rencontre avec le producteur allemand Stefan Arndt. Ce dernier adore le livre et a produit des succès comme "Le Ruban Blanc" (2009) de Michael Haneke, "Good Bye Lenin" (2002) de Wolfgang Becker et "Parfum d'Absinthe" (2004) de Achim Von Borries, des films qui ont leur importance puisque l'acteur Daniel Brühl (dans ce deux derniers films rejoint le casting) et Achim Von Borries devient co-scénariste auprès de Perez. Néanmoins le producteur a des difficultés à financer et doit accepter de ne pas tourner en langue allemande !
Pour un tel projet, se plonger dans le Berlin des années 1940-1943 avec 100% des protagonistes berlinois c'est un soucis non négligeable. Dans les rôles principaux de Otto et Anna le choix se porte donc sur deux acteurs aussi magnifiques qu'expérimentés avec Emma Thompson (britannique) et Brendan Gleeson (Irlandais) qui ont déjà tourné ensemble sur la saga "Harry Potter". Tourné essentiellement dans la ville de Görlitz (ville à la frontière polonaise, non bombardée à l'époque, qui a déjà servi pour ce genre de films comme "La Voleuse de livres" en 2014 de Brian Percival), le film s'offre une reconstitution minutieuse du Berlin de l'époque et offre un panel de personnages représentatifs de l'Allemagne d'alors même si il y a une évidente empathie, on pourrait presque croire qu'il y a pratiquement autant de anti-Hitler que de pro-nazis. Les intentions sont louables mais on aurait aimé un peu plus d'audace et de prises de risques. Sur le fait que la très grande majorité des allemands étaient encore pro-Hitler. De plus, le film parait bien sage et timoré comparé au livre originel. Le livre dénonce la barbarie et la cruauté du IIIème Reich, mais aussi insiste sur les bassesses allant de la lâcheté à la haine ce qui donne une autre dimension à la minorité résistante et à leur courage.
Vincent Perez signe un film qui évite soigneusement d'être trop violent ou trop vindicatif. On ne voit franchement pas grand chose de ce dont était capable les SS et le fait d'être non adhérent au Parti Nazi n'est jamais franchement abordé. Beaucoup trop prude pour un tel sujet. Néanmoins le climax est idéalement mis en place, l'osmose musique-reconstitution, les performances d'acteurs et la force du sujet nous touchent forcément même si la portée réelle de ces 18 petits cartons (dans une ville comme Berlin) est loin d'être ce qui a été des plus efficaces et/ou courageux. Le film touche et émeut surtout par cette "mission" dont ces parents martyrs se sont investis, dans la logique que ce sont les gouttes d'eau qui font les grandes rivières. Des cartes assassines anti-Hitler (plus que anti-nazie, nuance !) comme une idée insidieuse qui doit s'éveiller. Primo Levi disait du livre qu'il était "l'un des plus beaux livres sur la résistance allemande antinazie", la déception vient du fait que Vincent Perez signe un film nécessaire, beau par bien des côtés mais trop sage et académique pour être ou devenir un grand film. Toutefois c'est un film émouvant qui mérite d'être vu.
Note :