Enfin, je trouve un peu de temps pour vous faire part du vent de fraîcheur et de douceur qui a soufflé en salle ces dernières semaines. Et cette jolie surprise s'intitule. Sortie à la mi-octobre, cette dramédie est réalisée par Matt Ross, acteur de petits rôles dans de nombreuses séries et scénariste pour les dernières saisons de Mon Oncle Charlie. Un type plutôt discret donc, mais ce second long-métrage pourrait lui permettre de laisser son empreinte en tant que réalisateur. En effet, Captain Fantastic ne manque pas de se faire remarquer, notamment en festival. Sur notre sol, en mai dernier, il a remporté le Prix de la Mise en Scène dans la catégorie Un Certain Regard du Festival de Cannes. Puis, en septembre, c'est au Festival du Cinéma Américain de Deauville qu'il rafle deux prix, celui du Jury mais également celui du Public de Deauville. Il est également récompensé en République Tchèque, en Corée du Sud, à Palm Springs et à Seattle. Quant au public, il est conquis par l'histoire de cette famille hors-normes vivant recluse dans les forêts du nord-ouest des Etats-Unis. Mais alors, de quoi ça cause ? c'est l'histoire d'un couple qui a décidé d'élever ses enfants dans les denses forêts du nord-ouest américain, loin de la civilisation pourrait-on croire. Dégoûtés du monde moderne et des valeurs capitalistes, Ben et Leslie ont élevé leurs enfants pour en faire de vrais adultes libres, autonomes et en capacité de se défendre, tant intellectuellement que physiquement. Mais voilà qu'un jour, un événement tragique pousse la petite famille à sortir des bois pour renouer contact avec une famille qui n'a jamais accepté leur façon de vivre.
Matt Ross avoue volontiers que le personnage de Ben est né de son propre fantasme de père. Ce qu'il admire chez lui c'est sa capacité à " vouer sa vie à faire en sorte que ses enfants soient des adultes responsables ", peu importe s'il commet des erreurs. Car s'il y a une question à retenir de Captain Fant a stic , c'est bien la suivante : qu'est-ce qu'un bon parent ? Si le réalisateur pointe du doigt une piste particulière -protéger ses enfants du monde en leur donnant les capacités intellectuelles et d'action de le combattre-, chacun pourra trouver la réponse en son for intérieur. Par extension, le film s'interroge aussi sur l'éducation à donner à nos jeunes esprits. Si l'intrigue présente une famille coupée de la société, il faut y voir une référence directe à l'enfance du réalisateur. A ce sujet, Matt Ross confie : " Quand j'étais enfant, je ne dirais pas que l'on vivait coupés du monde, mais nous vivions dans des communautés en Californie du Nord et dans l'Oregon, au milieu de nulle part, sans télévision ou accès à la plupart des innovations technologiques. " La philosophie principale de Captain Fant a stic c'est de refuser les dogmes et d'encourager chacun à trouver son propre équilibre. Mais le film soulève quelques pistes intéressantes. Par exemple, celle du rapprochement avec la nature. Dans le film, cette nature abrite, nourrit et entraîne les individus à repousser leurs limites. Si les citadins cueillent leurs fruits et légumes dans les rayons des supermarchés, la petite tribu de Ben sait utiliser la nature à son avantage pour se nourrir. Une connaissance qui leur assure de ne jamais manquer de rien, à la différence d'un supermarché où l'argent est de mise pour récolter quoi que ce soit.
Autre piste d'éducation importante : la vérité. Ben met un point d'honneur à dire la vérité à ses enfants, aussi dure et crue soit-elle, ce qui contribue largement à leur maturité. Dans cette même optique, la langue devient émancipatrice. Il ne peut y avoir d'idées vagues. Chacun doit s'exprimer avec précision. Enfin, et c'est peut-être le point le plus délicat à défendre dans une société où l'on semble croire à la possibilité d'un risque zéro, la prise de risque tant physique qu'intellectuelle est encouragée. Lorsque ses enfants se trouvent en danger ou se blessent, Ben les encourage à reprendre leurs esprits et échafauder un plan de secours. Sur le plan intellectuel, et au contraire de nos écoles, il les encourage à formuler leurs propres idées. Maisne saurait simplement se complaire dans cet exposé d'une vie alternative. Et Matt Ross d'explorer les limites de cette éducation libertaire : la solitude, l'ignorance des codes sociaux et le manque de racines communes avec la bonne société. Les enfants de Ben, bercés dans ce monde réinventé par leur père, vont se confronter au monde réel, le nôtre, et y mettre à l'épreuve leurs enseignements. Rêveur utopiste ou doux optimiste, le réalisateur prend tout de même le parti de son personnage dans les dernières minutes du film. Voilà bien longtemps, peut-être depuis Little Miss Sunshine, qu'une comédie familiale ne m'avait pas autant touchée. Faisons également remarquer que réussit l'exploit d'aborder le survivalisme sans y mêler aucun élément post-apocalyptique ou de suspense. Les acteurs, adultes comme enfants, livrent des performances investies. Tout le sel de cette comédie vient également du large éventail d'âges présents dans la fratrie et qui promet de renouveler à chaque instant les thématiques abordées. Les décors comme les costumes sont maîtrisés et achèvent de crédibiliser cet univers insolite et sensible. Tous ces aspects font du film de Matt Ross une fable moderne véritablement réussie, aussi savoureuse que touchante, et qui offre un regard différent sur notre société. Un petit bijoux que je vous encourage vivement à découvrir. Laissez-vous emporter !