Un grand merci à ESC Conseils pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Le château du dragon » de Joseph Mankiewicz.
« C’est la première fois que le Seigneur me contredit »
Au milieu du XIXème siècle, la jeune Miranda Wells, fille d’un modeste fermier, reçoit une lettre d’un lointain et riche cousin, Nicholas Van Ryn, qui lui propose de venir à New York pour être la gouvernante de sa fille.
Elle s’installe dans son vaste château sur les rives de l’Hudson et constate rapidement que la demeure recèle bien des secrets.
« Vous aimez être servie. Vous aimez les pêches hors saison et les draps de soie. Mais un jour viendra où vous regretterez d’être venue à Dragonwyck »
Joseph Mankiewicz nait au début du 20ème siècle au sein d’une famille aisée d’immigrés juifs allemands. Il fréquente ainsi la prestigieuse Université Columbia dont il sort diplômé. Puis, sur les recommandations de son père, il part à Berlin parfaire son éducation. En cette fin des années vingt, le tout jeune Mankiewicz se laisse ainsi enivrer par l’effervescence de la vie culturelle de la République de Weimar et se découvre une passion pour le théâtre ainsi que pout le tout jeune cinéma. Suffisamment pour se faire embaucher par les prestigieux studios de l’UFA, où il participe à la traduction des sous-titres des films allemands en vue de leur exportation. Mais il revient précipitamment en Amérique au bout de quelques mois où son frère Herman, alors scénariste pour les studios, le fait embaucher à Hollywood. Rapidement, le jeune Mankiewicz monte les échelons, devenant tour à tour un scénariste et un producteur reconnu. A son crédit, il signe notamment plusieurs scénarii pour Wellman et Van Dyke (« L’ennemi public numéro un ») et produit les films de Fritz Lang (« Furie »), Borzage (« Trois camarades ») ou encore Cukor (« Indiscrétions »). En 1946, il lance la production du « Château du dragon », adaptation d’un best-seller de Anya Seton paru en 1944 et dont il signe officieusement le scénario. Mais Ernst Lubitsch, qui devait en assurer la réalisation, est contraint de jeter l’éponge suite à une crise cardiaque et encourage Mankiewicz à le mettre en scène lui-même et à signer ainsi ses premiers pas en tant que réalisateur.
« On n’épouse pas un rêve »
« Le château du dragon » est un film en costumes comme l’Amérique d’alors les affectionne. Un « female gothic », sous-genre mêlant romance et épouvante, basé sur la confrontation entre une douce héroïne et un inquiétant prince charmant, cachant le plus souvent un lourd secret inavouable ou une part d’ombre. A l’image de « Jane Eyre » ou de « Rebecca » sortis tous deux quelques mois plus tôt. « Le château du dragon » est ainsi un conte gothique, à la fois dérangeant et vénéneux, qui suit le destin d’une jeune fille de la campagne qui rêve de devenir une élégante châtelaine. Malheureusement, le conte de fée ne sera pas au rendez-vous et l’innocente princesse se retrouvera bien vite prisonnière d’un château sans amour et de la cruauté du maitre des lieux. Relecture lointaine du mythe de « Barbe bleue », ce « Château du dragon » a quelque chose en lui d’envoutant, une espèce d’élégance formelle qui cache quelque chose de profondément inquiétant et oppressant : la lucidité de cette petite fille sur l’amour que ne lui portent pas ses parents ou encore, derrière la beauté d’un tableau, le fantôme d’une ancêtre pianiste, qui rappelle telle une malédiction la longue lignée des malheurs survenus dans ce château. D’une manière générale, le film est ainsi une réflexion sur les apparences, la beauté majestueuse du château vu de l’extérieur qui masque la part d’ombre mortifère de son propriétaire, véritable dandy dont les bonnes manières n’ont d’égales que sa folie et sa cruauté. Une manière de nous rappeler que les rêves doivent rester des rêves et ne jamais se réaliser. Mais le film est aussi une réflexion sur le pouvoir qui corrompt les âmes et dévore les cœurs : en s’arcboutant sur la sauvegarde de ses privilèges, Nicholas se résout à une vie terne et sans amour aucun. Mais la force de ce film « burtonien » avant l’heure réside aussi dans sa beauté formelle, qu’il s’agisse des fulgurances expressionnistes de la mise en scène de Mankiewicz ou de la formidable interprétation de Vincent Price, qui crée à cette occasion un personnage de dandy inquiétant qui lui collera à la peau pour le reste de sa carrière.
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Le DVD : Le film est présenté en version restaurée en haute définition. Il est proposé en version originale américaine (2.0). Des sous-titres français sont également présents. Côté bonus, le film est accompagné par « Le château du dragon, un female gothic revisité », par Jean-Loup Bourget, critique cinéma pour Positif (20’).
Edité par ESC Conseils, « Le château du dragon » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 2 novembre 2016.
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Le DVD du « Château du dragon » est disponible ici.