Dear Zindagi, psychothérapie indienne

Publié le 28 novembre 2016 par Rémy Boeringer @eltcherillo

Dear Zindagi, deuxième film de Gauri Shinde, réalisatrice indienne, est résolument moderne, abordant bien des thèmes sensibles tels que l’homosexualité et les rapports générationnels conflictuels. Mais en premier lieu, chose très rare dans la société indienne, elle aborde la psychanalyse sous un angle positif. Née et élevé à Pune, près de la province du Konkan, elle y défend le cosmopolitisme de Mumbai, riche de son métissage, et cœur de l’industrie bollywoodienne, qu’elle différencie de Goa, ville touristique aux allures d’artifices.

Kaira (Alia Bhatt que l’on a vu dans Udta Penjab et Humpty Sharma Ki Dulhania) est une caméraman de talents, employées pour des remplacements ou des spots publicitaires, qui rêve de devenir chèfe-opératrice. Mais sa carrière professionnelle suit la courbe de ses pérégrinations amoureuses chaotiques. S’inspirant d’un ami qui semble en tirer des bénéfices, et séduite par le discours d’un psychologue lors d’une réunion scientifique à laquelle elle assiste par hasard, Kaira décide de consulter celui-ci, le docteur Jahangir Khan (Shah Rukh Khan que l’on a vu dans Happy New Year).

Shah Rukh Khan et Alia Bhatt

Dear Zindagi, traduisez « chère vie », prend pied à Mumbai, ville décrite comme l’avant-garde culturelle de l’Inde, pensée comme la moins rétrograde, la plus moderne, des cités indiennes. Kaira évolue dans un monde embourgeoisé, au cœur d’une gentrification qui apporte son lot d’avancées en ce qui concerne les mœurs mais tends à regarder avec condescendance le bas peuple, voir à en oublier l’existence. Dear Zindagi, ainsi pourrait tout aussi bien se passer à New-York, qui est d’ailleurs le rêve de l’héroïne, et prend parfois des allures d’épisodes bien trop long de Sex and the City. Issu de la jeunesse dorée, Kaira a des préoccupations sibyllines à première vue, fait l’effet d’une enfant gâtée et irritante. Par moment, son personnage est réellement agaçant. D’autant plus que Dear Zindagi, filmé à l’occidental, ne possède pas cette part de magie joyeusement foutraque qui imprègne le cinéma indien. Pas (ou peu) de musiques et de chorégraphie endiablées pour nous distraire, ne viennent soulager de la monotonie des dialogues et du scénario. Les soucis de Kaira, donc, sont assez banales et communs de par chez nous. En somme, elle a été délaissés par des parents trop occupés à leur travail, tentant d’amasser des fortunes avec plus ou moins de succès, et ce manque d’amour, voilà qu’elle le transfère dans sa vie amoureuse, une fois devenue adulte. Dear Zindagi s’attache donc à nous émouvoir avec les peines de cœur de cette jeune femme assez libre, poussée de toute part pour rentrer dans le rang. C’est sur ce point, et non pas sur les poussives scènes de déprimes de la protagoniste principale, que le film prend un peu de corps. Face à ses parents, Kaira affirme le droit de déterminer elle-même de son futur, de son engagement matrimonial, voir-même d’y renoncer, de célébrer le célibat.

Alia Bhatt et Shah Rukh Khan

Un drame pour sa famille, somme toute traditionnelle, inquiète que n’ayant pas d’homme dans sa vie, elle soit lesbienne. Le film joue d’ailleurs des rumeurs et des clichés en moquant ces parents qui pensent, premièrement, que l’art n’est pas un vrai métier, deuxièmement, que le milieu cinématographique est une loge d’homosexuels. Kaira, symbole d’une jeunesse décomplexée sur la sexualité, les tournent alors au ridicule, affirmant que si l’industrie semble si gay-friendly, c’est surtout car le reste de la société souffre d’un vrai problème de tolérance. L’autre point fort est probablement l’acceptation progressive des désordres mentaux et de leurs approches thérapeutiques. Dans une société très hiérarchisée ou l’humilité est une vertu cardinal, reconnaître que l’on souffre de maux de l’esprit et demander de l’aide, est mal vu car l’on attire l’attention sur soi. Au sein de la famille, on doit avant tout se positionner dans une posture de service. La volonté de démonter cette prégnante mise à mal de l’individualité, dans Dear Zindagi, se manifeste par une seconde partie totalement articulé autour de la thérapie de Kaira qui retrouve le goût de vivre qu’elle avait perdu après sa dernière rupture. Malgré quelque longueurs supplémentaires, fort heureusement ponctuée de traits d’humour intelligents et drôles, la relation qui l’établie entre le thérapeute et sa patiente se pare d’une poésie certaine qui rappelle des œuvres comme Le cercle des poètes disparus, et se veut comme une ode à la vie, qu’il faudrait parfois prendre avec plus d’insouciance. Kaira se libère peu à peu du conformisme et saisi pleinement une liberté dont elle ne sentait pas méritante grâce aux méthodes peu conventionnelle de Jahangir Khan.

Shah Rukh Khan et Alia Bhatt

Dear Zindagi est pavé de bonnes intentions, le discours est intelligent et parfois même teinté d’onirisme mais l’ensemble demeure ennuyant et ne dépaysera pas les spectateurs occidentaux, tant le long-métrage est calqué sur nos propres standards.

Boeringer Rémy

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