ATTENTION SPOILERS SUR L’ÉPISODE EN QUESTION
Je commence l’écriture de cet article juste après visionnage de l’épisode, pris par le besoin irrépressible d’évoquer l’intelligence avec laquelle le scénario traite des faux-semblants identitaires. Quand on y prête attention on réalise que tous les protagonistes dissimulent d’une manière ou d’une autre une part de leur vie : Kara Danvers est Supergirl, Hank Henkshaw le Martian Manhunter, le grand méchant de l’épisode partage sa conscience avec un parasite alien, Mon-El jusque là en retrait dévoile son côté boyscout, la dernière martienne ment sur sa véritable ethnie, l’agent de police Maggie Sawyer jongle entre son travail (plutôt austère) et un bar d’extraterrestres (éprit d’une affection sincère pour ces derniers), Jimmy Olsen devient le vigilante Guardian (épaulé par Winn), et enfin, aspect le plus intéressant de l’épisode : Alex Danvers, généralement coincée et obsédée par son travail, s’affirme enfin dans le privé en révélant à sa sœur son homosexualité et la nature de ses sentiments pour Maggie dans une scène bouleversante.
Lorsqu’il s’agit d’intégrer des personnages gays au récit la plupart des scénaristes tâtonnent, hésitant entre ne rien en dire ou au contraire développer tout un discours parfois lourdingue et tire-larme autour. Un bon personnage se définit par une foultitude d’autres éléments que sa sexualité, même si c’est évidemment un facteur d’une importance capitale.
Supergirl est une série maladivement simpliste et colorée qui assume sa niaiserie béate et la relative bêtise de la plupart de ses dialogues. Certaines scènes apparemment accessoires font néanmoins exception et permettent de développer les personnages.
Lorsqu’Alex annonce à sa sœur adoptive son homosexualité la réaction de la super héroïne étonne. Alors que l’on pouvait s’attendre à une acceptation bonhomme, Kara se fait froide et inquisitrice, questionnant sa sœur sur la nature de ses inclinations et la véracité de celles-ci. Supergirl, sauveuse christique en jupette, symbole de la vérité, de la justice et de l’american way of life réagit finalement comme le premier quidam venu, de manière très maladroite et détachée. Il faudra une explication tardive pour qu’enfin les deux sœurs se comprennent, Kara justifiant (à raison ?) sa réaction en déclarant s’en vouloir d’avoir monopolisé l’attention avec son secret alors que sa sœur adoptive cachait elle aussi quelque chose. Désormais Alex se sent mieux et est fin prête pour aller avouer son affection à Maggie.
Et c’est l’autre grande force de l’épisode, dans lequel décidément rien n’est aussi facile que d’habitude, puisque que la policière avoue à Danvers ne pas partager les mêmes sentiments. L’amoureuse déboutée rentre ensuite chez elle et se morfond dans les bras de sa sœur. Une scène véritablement poignante et de belle ampleur puisque un élément majeur ajoute du tragique aux évènements : c’est Maggie qui justement a fait naitre les sentiments nouveaux et précipité ce bouleversement de vie, rendant le rejet d’autant plus difficile.
Sous des dehors d’actioner décérébré la série Supergirl s’emploie pourtant à développer des personnages construits et attachants qui doivent composer avec les aléas de l’existence. Le coming-out d’Alex Danvers (personnage-fonction jusque là) et la déception qui s’ensuit (jusqu’à vouloir renier les efforts consentis) sont bouleversants d’authenticité et de discernement. Et même si la suite donnera surement dans l’intrigue amoureuse de circonstance, l’histoire racontée ici vaut pour elle-même, dans toute sa force et sa délicatesse. L’aspect soap du programme lui permet finalement de proposer des séquences émotions de qualité et de développer des personnages à échelle humaine. Des éléments qui font décidément de Supergirl une série multiple à bien des égards.
