Ce film est adapté très librement de la BD "Polina" (2012) de Bastien Vivès dont le sujet ne pouvait que séduire les deux co-réalisateurs. En effet, mariés à la ville, Valérie Müller signe son premier long métrage avec "Le Monde de Fred" en 2013 où déjà elle s'intéressait au lien entre l'art et le sport où comment faire jouer Molière sur un terrain de foot, tandis que son époux est le chorégraphe Angelin Preljocaj qui a signé entre autre la comédie musicale "Blanche Neige" (2010) et transposé au cinéma. La personnalité du couple, et surtout du chorégraphe est d'une importance capitale pour le film. En effet Angelin Preljocaj est un chorégraphe de Danse contemporaine très connu, en cela le message du film ne surprend pas mais donne une image unilatérale de la danse. En effet la richesse du récit vient du fait que Polina se confronte à différents univers, après le classique style Bolchoï elle se frotte à différents styles contemporains dans lequel elle s'épanouie enfin. Un message un peu simple sans doute voir manichéen. Le message du film mets face à face le Classique et le Contemporain en nous désignant nettement la préférence, qui celui évidemment du cinéaste-chorégraphe et qui est annoncé d'ailleurs dans le titre.
Le cliché est donc que le Classique est une école de souffrance, sous-entendu inutile, cliché qui saute aux yeux et qui est symptomatique de quelques autres moins idéologiques mais plus maladroits (une serveuse de bar est maquillée comme une prostituée entre autre, qui dit russe dit mafia ?!). Malgré la danse et l'image qu'on a de l'art en général (ouverture au monde, liberté et tolérance...) sont donc ici un peu biaisés. Néanmoins on est pris par l'évolution de Polina dont le personnage est un peu réécrit vis à vis de la bande dessinée. Dans l'oeuvre originelle Polina devient danseuse étoile, ici les cinéastes ont choisi une autre voie clairement plus féministe comme ils le déclarent : "on a beaucoup de danseuses étoiles mais il y a peu de femmes chorégraphes." Ainsi Polina, dès le début fait montre d'une grande force de caractère. Polina est forte et ne tombe jamais dans la position de la faible femme que ce soit dans une salle de danse où dans la rue. Elle avance et sait ce qu'elle veut. Polina est incarnée par Anastasia Shevtsova, vraie danseuse classique (qui a été admis au ballet du Théâtre Mariinsky à St Petersbourg lors du tournage !) qui joue ici dans son premier film. La jeune femme joue merveilleusement bien et malgré son admission il ne serait pas étonnant qu'on la revoie sur grand écran. Cette dernière a été choisi lors d'un casting spécifique car les comédiennes présentaient des niveaux trop limités en danse, il est donc étonnant de trouver à ses côtés l'acteur Niels Schneider (révélé par son ami Xavier Dolan dans "J'ai tué ma mère" en 2009 et dans "Les Amours imaginaires" en 2010) qui est nettement en décalage lors des duos.
Par contre quel joie de voir Juliette Binoche dans un rôle de chorégraphe, magnifique comme d'habitude et qui fait ainsi écho à son expérience avec le danseur Akram Khan il y a quelques années déjà. Les cinéastes ont indiqués que leurs références ont été (entre autres) les films "Les Chaussons Rouges" (1949) de Michael Powell et Emeric Pressburger, "Billy Elliott" (2000) de Stephen Daldry et les films de Fred Astaire. A ce niveau il manque pourtant clairement une plus grande fluidité entre les scènes dansées et jouées et une certaine forme de folie plus pregnante. Mais le voyage entre les styles, la position féministes mais jamais moralisatrice et les chorégraphies sauve le film et offre un réel plaisir. La dernière danse, la dernière représentation est de toute beauté qui déçoit pourtant par le choix d'entrecouper cette partie par des autres plans, un choix qui crée une certaine frustration de ne pas avoir pu se régaler les yeux de ce spectacle magnifique sans intermède. Un beau et bon film, maladroits sur bien des points, mais terriblement sincère sur l'amour de la danse et dans la volonté d'y montrer un destin volontaire et libre.
Note :