La structure soutient le developpement

Vos personnages ne sont pas immuables. Il existe une nécessaire évolution dans leur personnalité entre le début et la fin de l’histoire.
Le monde dans lequel ils évoluent change lui aussi pour refléter ce qui se passe intérieurement au moins chez le personnage principal.

C’est comme si leur univers s’adaptait à leur personnalité. Ce sont les expériences qu’ils ont vécues au cours de leurs aventures qui en fin de compte détermineront la vraie nature de vos personnages, celle que vous aviez en tête en les créant.

Pour que ces développements parallèles (le personnage et le monde) puissent se manifester, il leur faut un étai. La structure vous permettra de les détailler afin de les rendre concrets auprès de votre lecteur.
Adopter une méthodologie structurelle vous permettra aussi d’exprimer votre thème sans faire de propagande.
En effet, le risque est grand de marteler son point de vue alors qu’il faut être plus finaud afin que votre message puisse résonner chez votre lecteur.

Les étapes structurelles selon John Truby

John Truby n’est pas le seul à proposer une structure narrative. Pour cet article, cependant, nous nous fonderons sur lui.
Nous vous enjoignons à lire nos articles sur John Truby le cas échéant : John Truby.

Une fiction, c’est d’abord une diégèse (ou arène).
. LA DIEGESE OU ARENE DE VOTRE HISTOIRE
. L’ARENE ET SES PERSONNAGES

Truby distingue ensuite 7 mouvements dans une fiction. Chacun de ces mouvements décrit un unique monde visuel. Chaque monde s’inscrit dans l’arène.

Faiblesse et Besoin

La première étape consiste à identifier la faiblesse et le besoin du personnage principal.
Elle réside dans l’acte Un où vous décrivez un monde où la faiblesse (ou la peur fondamentale) du personnage se manifeste avec le plus d’évidence.

Star Wars, Episode IV : Un nouvel espoir

Luke aspire à autre chose que le travail de la ferme dans cette contrée désertique (l’univers spécifique qui correspond à cette étape séminale).

Il sent bien qu’il ne pourra pas s’y réaliser. C’est la traduction visuelle de son manque de confiance en lui (c’est sa faiblesse).

La vie est belle

Deux faiblesses sont exposées dès le début de l’histoire. Celle de l’ange qui a besoin de gagner ses ailes et puis George Bailey qui est si désespéré qu’il est sur le point de se suicider.

Les éléments religieux sont très présents dès le début avec le ciel étoilé et le motif  de Noël et les prières qui s’élèvent de chaque foyer de la part de ceux qui tiennent à George.
La mort et la résurrection du Christ sont aussi employés métaphoriquement avec la renaissance de George, plus tard à la fin de l’histoire.

Le Désir

Faites bien la distinction entre désir et besoin. Le désir est en quelque sorte la mission du héros dans l’histoire. Il est au vu et su de tout le monde. C’est ce qu’on nomme habituellement un objectif.
Son besoin est beaucoup plus personnel. Le héros doit comprendre quelque chose sur lui-même. C’est ce que John Truby nomme la révélation.

A ce désir correspond un monde particulier dans lequel le personnage principal va exprimer son objectif.

Star Wars, Episode IV : Un nouvel espoir

Ici, le désir se manifeste au cours de l’incident déclencheur. Cet incident a lieu lorsque Luke découvre l’hologramme de la Princesse Leia demandant de l’aide. Son objectif est à priori de sauver la Princesse.
Symboliquement, il s’agit de sauver le monde libre.

 La vie est belle

StructureL’univers particulier de cette étape réside tout entier dans la maison abandonnée. A cet instant précis, cette maison évoque pour George l’aspect le plus négatif de Bedford Falls.

Elle explique son désir, c’est-à-dire ses rêves d’explorateur et surtout d’architecte.
John Truby note que cet exemple est l’un des cas où l’univers décrit et le désir ne correspondent pas. Ils s’opposent même. Habituellement, l’univers reflète le désir.

L’univers entre un foyer chaleureux, séjour d’une famille aimante et heureuse et l’intense désir de George de s’en évader suggère l’oppression que peut exercer une petite ville surtout si elle est contrôlé par des édiles qui ne jugent que par leur propre intérêt.

Cette maison abandonnée que Mary tentera de rendre confortable et chaleureuse est une trouvaille intéressante qui rend le désir de George Bailey plus concret et plus prégnant.
L’idée est de faire comprendre pourquoi George a ce désir. Bien sûr, qu’il ne peut comprendre qu’il fait erreur.
Mais pour le moment, il suffit d’expliquer la source de ce désir mais pas le désir en soi.

Un Opposant

La meilleure stratégie de l’opposant est de s’attaquer à la plus grande faiblesse du héros.
Il vit ou fonctionne dans un lieu qui le décrit bien et où il pourra exprimer toute sa puissance.

Gardez à l’esprit qu’un antagoniste ne doit pas être inférieur en quelques domaines au protagoniste. Voire, il pourrait même le surpasser en tout.

Considérez surtout que le monde spécifique de l’opposant devrait être l’expression de la manifestation la plus négative du monde du héros.
René Emile Belloq, par exemple, est l’image inversée de Indiana Jones. On peut même estimer qu’il représente un désir caché d’Indy. Peut-être l’envie-t-il ?

Star Wars, Episode IV : Un nouvel espoir

L’étoile noir représente l’antagonisme. Incarnée, il s’agit de l’empereur dont Darth Vader n’est qu’une émanation, en fin de compte.

Rien ne vous interdit d’utiliser des abstractions pour signifier l’antagonisme. Mais il est alors préférable de trouver le moyen de les incarner pour aider à la compréhension du lecteur.

Le monde de la force antagoniste est donc celui de l’étoile noir (ou étoile de la mort). C’est à l’intérieur de ce monde qu’il est fait pour la première fois la démonstration de l’aspect obscur de la Force.

La vie est belle

L’antagoniste est Potter. Son environnement naturel est la banque et son bureau. Il est l’homme le plus riche et le plus méprisable parmi tous les personnages.

L’activité du père de George qui permet à des gens modestes de devenir propriétaires est ce qui l’empêche d’accomplir son dessein de tout posséder (choses et hommes).

L’environnement particulier de Potter qui est sa banque est aussi sa tanière d’où il peut contrôler la ville.

Une défaite apparente ou un sentiment provisoire de liberté

Ce moment ne fait pas partie des 7 étapes qui articulent originairement une structure.
il correspond en fait au moment de crise qu’un héros ordinairement rencontre au cours de son parcours.

Blake Snyder le nomme le All is Lost. Tout semble en effet perdu pour le personnage principal et les forces antagonistes semblent avoir gagnées la partie.

Physiquement, c’est généralement un lieu assez étroit qui semble étouffer le personnage. Même en extérieur, le héros n’est plus libre de ses mouvements. Il peut être, par exemple, incapable de se déplacer.

Présentes ou non, les forces antagonistes n’ont jamais été aussi menaçantes.

Le sentiment provisoire de liberté intervient en lieu et place de la défaite apparente lorsque la fin de l’histoire s’avère tragique. D’autres explications de l’art narratif situe ce moment au point médian de l’histoire qui offre alors une image inversée du dénouement.

Star Wars, Episode IV : Un nouvel espoir

Cette défaite apparente se produit dans le collecteur de déchets de l’étoile noire. La menace est représentée par cette créature cachée dans les eaux nauséabondes.

De plus, cet endroit a une particularité. Il se resserre sur les captifs. Ce qui donne au lecteur un sentiment de compression de l’espace et du temps. Ce qui est important, c’est de faire éprouver au lecteur ce sentiment d’angoisse qui suinte du lieu. Il n’a pas besoin qu’on lui explique.
Eprouver les choses est bien plus efficace qu’une explication.

La vie est belle

Le lieu de cette apparente défaite est le pont de Bedford Falls. George le traverse sous la neige et le vent.

La faillite de ses espoirs est consommée par la forte somme d’argent que vient de perdre son oncle. C’est à cet endroit étroit que George décide de mettre fin à sa vie.

Un aperçu de la mort

Ce moment ne figure pas non plus dans les 7 étapes descriptives d’une structure selon John Truby.

Il sert à démontrer la fragilité du héros. Ce n’est pas tant sa vulnérabilité qui est mise en avant ici mais plutôt l’intuition de la mort (symbolique la plupart du temps).

Le lieu le plus adéquat pour une telle prise de conscience renvoie des images de déclin, de dégradation (comme le vieillissement, par exemple) et de mort.

Star Wars, Episode IV : Un nouvel espoir

L’apparente défaite et l’aperçu de la mort fonctionne de concert dans cette histoire.
On  peut considérer que la créature qui hante le fond de l’eau représente la mort, une menace apparemment certaine pour le héros.

La vie est belle

Cet aperçu de la mort se concrétise dans la formulation de Pottersville. Clarence lui montre ce que serait devenue Bedford Falls si George n’avait pas existé.

La vie est belle est essentiellement une confrontation de valeurs. Ce moment de l’histoire nous permet d’identifier les valeurs qui sont à l’œuvre chez Potter.

L’anonymat est de rigueur. Il n’y a aucun sens de communauté. Les valeurs individuelles sont montrées sous l’aspect le plus terrible qui soit. C’est ainsi que chacun des personnages qui avaient été bien détaillés jusqu’à présent sont montrés comme s’ils avaient réalisés leur pire potentiel.
Cela crée un contraste puissant avec ce qui nous avait été montré d’eux auparavant. La transformation est spectaculaire mais pourtant crédible.

Comme le remarque Truby, ce contraste montre que la liberté humaine peut aboutir au pire comme au meilleur selon le monde dans lequel les individus vivent et selon les valeurs qu’ils portent.

Toute cette séquence offre une vision circulaire de l’excursion de George Bailey dans cet enfer. Il en sort par le même point par lequel il y était entré, c’est-à-dire le pont où il allait commettre son suicide.
S’il en sort, c’est qu’il a certainement pris conscience de quelque chose. Et il va devoir trouver en lui les forces nécessaires pour la prochaine étape qui l’attend déjà.

La Bataille finale

Cette ultime confrontation a besoin d’un espace autorisant le conflit à se développer à son maximum. Quelque soit l’espace accordé, celui-ci sera nécessairement limité, comme une métaphore que le héros ne peut échapper à cette ultime bataille entre lui et l’antagonisme.

Star Wars, Episode IV : Un nouvel espoir

Une longue tranchée entourée de hauts murs. Au bout de celle-ci, l’objet de son désir : le point faible de l’étoile de la mort.

La vie est belle

Nous avons mordu un peu sur la Bataille finale lors de l’étape sur l’aperçu de la mort.
En effet, avant de retourner au pont, George se rend sur la tombe de son frère et évite de justesse de se faire tuer par un agent.

Cette séquence correspond au climax et le retour de George sur le pont est comme une résurrection.

Le dénouement

C’est la célébration d’une liberté nouvelle ou recouvrée. Le héros n’est plus l’esclave de ses passions. C’est aussi une reconnaissance.

Ou inversement, c’est un endroit de désolation et de mort.

Quel que soit le dénouement, le lieu dans lequel il se situe devrait représenter physiquement soit la maturation du personnage, soit son déclin.

Star Wars, Episode IV : Un nouvel espoir

Reconnaissance des pairs de Luke dans une sorte de Panthéon.

La vie est belle

Lorsque George comprend qu’il est en vie, il éprouve une intense libération non seulement parce qu’il a pris la mesure de la valeur de sa propre vie mais aussi par ce qu’il a été capable d’accomplir en tant qu’être humain.

C’est une véritable révélation.
Le lieu qui transcrit ce dénouement est précisément celui que George abhorrait. Mais il est devenu maintenant un foyer chaleureux où une famille aimante et ses amis l’attendent.
C’est un exemple de ce John Truby explique lorsqu’il écrit que le lieu qui renvoie concrètement l’état d’esprit d’un personnage change parallèlement à celui-ci dans le cours de l’histoire.