Denis Villeneuve, excellent réalisateur canadien qui est entré par la porte des grands avec "Incendies" (2011) continue son chemin qu'il trace en vitesse de croisière avec que du bon. Après "Prisoners" (2013), "Enemy" (2014) et "Sicario" (2015) il change de registre pour la science-fictionen adaptant le roman "L'histoire de ta vie" (1998) de Ted Chiang, romancier SF qui a été très présent pour adouber le scénario. Une chose assez rassurante puisque le scénariste choisit a surtout signer des remakes de films d'horreurs comme "Les Griffes de la nuit" (2010) de Samuel Bayer et "The Thing" (2011) de Matthijs Van Heijningen Jr. Évidemment on pense fortement aux films comme "Rencontre du Troisième type" (1977) de Steven Spielberg et "Contact" (1997) de Robert Zemeckis, logique d'autant plus que le producteur Aaron Ryder a confirmé que l'influence majeure pour le film a bien été le film de Spielberg. Mais à y regarder de plus près on pensera aussi un peu à "Interstellar" (2014) de Christopher Nolan. Les références du passé sont souvent légion en SF, il est d'autant plus difficile de s'en distinguer.
Denis Villeneuve y arrive magnifiquement pour ce film dont le titre original "Arrival", titre court qui donne ainsi une logique à sa filmo. La Terre voit donc arriver 12 vaisseaux extraterrestres dans son atmosphère, tandis que la géopolitique complexe au niveau international terrien complique sensiblement les choses une linguiste réputée tente de comprendre et de communiquer avec les aliens. Le casting est emmené par l'expérimenté et charismatique Forrest Withaker, le scientifique est joué par Jeremy Renner, décidément abonné aux seconds rôles de prestige puisqu'il semble peu capable de porter un film sur son seul nom (en témoigne son sort après "Jason Bourne : l'héritage" (2012) de Tony Gilroy) et enfin la linguiste qui est interprétée par la charmante Amy Adams qu'on avait pas vu depuis "Big Eyes" (2015) de Tim Burton désirant s'occuper de sa petite famille. D'emblée on sent que le réalisateur a voulu un film intimiste plus que démonstratif, en cela il se rapproche effectivement de "Rencontre..." avec une volonté d'amener le spectateur là où il ne s'attend pas forcément. Le climax est serein et mystérieux et malgré les tensions diplomatiques il y a comme une sorte d'optimisme mais toujours teinté d'un "on ne sait jamais". En cela la partition du compositeur Johann Johannsson (déjà sur "Prisoners" et Sicario") est idéalement inspirée. Le tour de force du film est d'avoir su garder le cap du projet et du propos voulu par Villeneuve et, évidemment, Ted Chiang, à savoir l'importance du langage dans notre existence et le lien entre le langage et la façon de pensée. Sous couvert d'un film de science-fiction avec des aliens Denis Villeneuve signe un film moderne qui parle avant tout de nous, de nos langages, de notre façon de communiquer et de comment cela façonne notre vie. Là-dessus le film est juste fascinant et intelligent, d'une acuité qui semble logique mais qu'il fallait montrer et démontrer car il n'allait pas sans dire, justement !
Le scénario incorpore de belle façon tous les paramètres scientifiques de façon assez ludique et non rébarbative ou trop technique tandis que la géopolitique ne prend pas trop d'importance sur le fond du sujet. L'atmosphère apporte subtilité et délicatesse bien qu'on aurait sans doute apprécier un peu plus de poésie et de lyrisme. Malgré tout la photographie est magnifique, signée par Bradford Young (en remplacement du fidèle Roger Deakins) un chef opérateur qui a déjàa fait ses preuves sur les excellents "Les amants du Texas" (2013) de David Lowery et "A Most Violent Year" (2014) de J.C. Chandor. Bon point sur les aliens également, qui ont été conçus de façon judicieuse puisqu'on y voit des aliens "nouveaux" avec notamment un mode de communication intéressant. Des aliens qu'on doit entre autres à Carlos Huante, collaborateur de Ridley Scott sur "Prometheus" (2012). Le seul (tout petit) bémol vient de la notion du temps (déjà au centre de "Interstellar"), pas toujours très clair et/ou cohérent (livre écrit avant de savoir ?! cercle de vie qui tourne sans fin ?! l'appel téléphonique en Chine ?!) mais qui apporte aussi une richesse indéniable au récit, et qui impose le doute comme en philosophie. Et comme a écrit Jane Austen : "faut-il rejeter toutes les probabilités parce qu'elles ne sont pas des certitudes ?"... Villeneuve a déclaré n'avoir qu'un regret, celui de ne pas avoir pu évoquer la question du langage plus profondément. Qu'il se rassure c'est parfait, plus aurait sans doute rendu le film moins digeste. "Premier contact" est un film de SF intimiste et philosophique prenant auquel il manque une once d'émotion pour être parmi les tous meilleurs. Néanmoins des films de cette qualité sont à voir et à conseiller. L'incursion dans la SF de Denis Villeneuve est une réussite, vivement son autre coup d'essai avec son prochain film, un certain "Blade Runner 2049" (2017)...
Note :