Vous avez toujours cru que le cinéma ça venait de l’esprit fantasmagorique d’un génie en puissance ? Et bien perdu. C’est comme chez Findus : le bon goût vient du cheval (hum hum). Je vais vous expliquer pourquoi…
Il était une fois… Un tableau.
Un tableau de Théodore Géricault, nommé Course de chevaux à Epsom (le Derby), réalisé en 1821. Celui-ci représente quatre jockeys lancés à vive allure sur leurs montures. Ce qu’il y a d’intéressant, c’est que les chevaux sont représentés les quatre fers projetés en l’air, comme si l’animal volait. Vous l’avez dans le mille : c’est ce tableau qui fut le point de départ d’un grand débat qui mènera à la création du cinéma.
Derby d’Epsom de Géricault, le tableau a l’initiative du cinéma
En France à la fin du XIXème siècle, un médecin, nommé Etienne-Jules Marey, était passionné par le “mouvement”. Son truc à lui, c’était d’étudier la circulation sanguine pendant les déplacements, grâce à une machine dont le dessin ressemble à un électrocardiogramme.
Pour faire ses tests, Marey utilisait l’Homme comme cobaye mais également… le cheval ! En posant des capsules sur les sabots de l’animal, le scientifique a pu enregistrer en temps réel ses différentes allures. Il découvrit ainsi que lors du galop, les quatre fers du cheval se retrouvent en l’air.
Ce qui était une plutôt bonne coïncidence, puisqu’à la même époque, outre-pacifique, un grand débat battait son plein concernant… le galop du cheval !
Traversons l’océan pour se rendre en Californie, où les exploits de Marey atteignirent l’oreille d’un sénateur du nom de Standford. Ce dernier, pas franchement scientifique, se dit alors qu’avoir une preuve visible de cette découverte ne serait pas si mal que ça. Il fit appel à un photographe reconnu de l’époque, un certain Eadweard James Muybridge.
Marey et Muybridge ont exactement les mêmes initiales (E.J.M) et sont nés et morts la même année (1830-1904). Une coïncidence comme ça, on n’en voit que dans les films !
Muybridge est donc engagé par Standford pour réaliser une vérification photographique de la théorie de Marey sur le galop du cheval. Après une histoire de meurtre et d’emprisonnement (on est quand même en 1874 aux USA, faut pas se leurrer sur la marchandise), Muybridge met au point un stratagème original.
Le long d’une piste, il dispose 12 appareils photographiques chargés de prendre deux clichés chacun. Un fil relié à chaque obturateur traverse la piste. Lorsque le cheval s’élance sur la piste, il brise successivement les fils avec ses sabots, déclenchant à chaque fois un nouveau cliché. Muybridge dispose donc d’une série de 24 photographies.
La théorie est avérée : parmi ces 24 clichés, on peut discerner sur l’un d’eux que lors du galop, les quatre jambes du cheval sont en suspension sous son poitrail (voire la première ligne de l’image ci-dessous).
Résultat de la chronophotographie sur un cavalier
C’est ainsi qu’en 1878 Marey et Muybridge entrent en contact. C’est un peu une bromance qui débute dans l’Histoire du protocinéma.
Naquit donc la chronophotographie, qui consiste à prendre une succession de clichés dans une suite chronologique sur une seule plaque. Pour des questions pratiques, ils mirent au point le fusil photographique, basé sur un vrai fusil agrémenté d’un rouage d’horlogerie, de plaques et de fentes.
Pour rester dans la folie du cheval, Marey crée la Station physiologique, qui ressemble à un mini-hippodrome et a été détruite pour construire le stade Roland Garros.
Il y mène diverses expériences, toujours sur le mouvement. Le long d’une piste est construit une sorte de couloir noir, dans lequel Marey fait passer humains et animaux.
Il remarqua vite que ses photographies étaient légèrement floues et peu compréhensibles pour l’étude du mouvement. Pour cela, il traça des traits blancs sur le côté du modèle, qui ressortaient sur le fond noir. Et oui, ce sont bien les prémisses du motion-capture !
Exemple du vol du pélican en chronophotographie
C’est ainsi que l’image devint mouvement et que le cinéma commença à pointer le bout de sa pellicule. Par la suite, l’assistant de Marey, Georges Demenÿ, réfléchira à une manière de commercialiser cette nouvelle invention. C’est lui qui vendra en 1894 un exemplaire du chronophotographe aux frères Lumière qui, l’année suivante, feront la première projection publique de Cinéma !