En tant qu’outil dramatique, le symbole signifie d’imprégner un objet avec une signification qu’il ne possède pas originellement.
Le symbolisme se sert de la métaphore, de l’allégorie et de l’allusion pour se tisser dans l’histoire.
Les auteurs utilisent le symbole pour attacher certaines choses à priori sans importance à des thèmes plus universels, des idées ou des qualités plus grandes.
Par exemple, Joseph Conrad dans Au Cœur des Ténèbres emploie les ténèbres (darkness dans la version originale) pour symboliser le sous-développement du continent africain et la possibilité du séjour du mal en ces lieux.
Le symbole est donc le mot ou l’objet qui devient en quelque sorte un synonyme pour quelque chose d’autre : une personne (réelle ou fictive), un lieu, une action ou quoi que soit d’autre.
Une répétition
Le symbole est répété plusieurs fois au cours de l’histoire. Considérez l’exemple des gants blancs dans Out of Africa, par exemple.
Cette répétition est nécessaire pour permettre au symbole de s’infiltrer dans l’esprit du lecteur comme un langage secret qui va l’influencer.
Pour John Truby, c’est un concentré de significations. Il crée une résonance chez le lecteur chaque fois qu’il apparaît. Et chacune de ses apparitions apporte une nouvelle lumière sur le message à l’œuvre.
Un réseau de significations
Tout comme les personnages s’expliquent dans leurs relations les uns aux autres et puisque c’est la nature de leurs relations qui les rend uniques, les symboles se définissent de façon similaire.
Pour justifier la présence de plusieurs symboles dans une histoire, chaque symbole doit aider à expliquer les autres.
Pour Truby, il s’agit de décrire une réalité profonde (sous la surface des choses) en rapportant des objets, des personnages ou des actions à d’autres objets, d’autres personnages et d’autres actions.
Il est alors possible d’utiliser un objet pour se référer à un personnage, par exemple.
Le symbolisme du rouge dans Sixième sens est très subtil informant le lecteur d’une présence surnaturelle.
Et même Anna est vue en différentes nuances de rouge après la mort de Malcolm. Ces nuances se réfèrent à la présence de Malcolm ou peut-être aux réminiscences de Anna lorsque Malcolm se fait plus ou moins présent dans son esprit.
Une comparaison
Le symbole fonctionne par comparaison. Que cette comparaison soit partielle ou fugace, elle n’en existe pas moins. Et cette comparaison permet d’atteindre à une profondeur qui s’exprimerait difficilement autrement.
Considérons le monde de la douce forêt de la Lórien avec son sens de la communauté où l’égalité et la vie sont célébrées et le monde de Mordor aux terribles montagnes symbolisant la méchanceté, la tyrannie et la mort, par exemple.
Le symbole peut porter sur la prémisse ou l’idée de l’histoire ou son thème et véhiculer en une image significative ce qu’il y a de fondamental dans l’histoire. L’Odyssée d’Homère par exemple est symbolique du long voyage du retour d’Ulysse.
Les ténèbres d’Au cœur des ténèbres peuvent être vues aussi comme symboliques des profondeurs de la jungle et représentées l’état physique, psychologique et moral de Marlow au terme de son voyage.
Symbole et personnage
Le symbole est un excellent outil pour ajouter de la signification à un personnage. En liant un personnage à un symbole qui représente une qualité essentielle de celui-ci, vous apportez une compréhension immédiate à l’un des aspects du personnage.
Le symbole peut être lié à son passé, à sa blessure…. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire de multiplier les données symboliques liées à un personnage car la répétition, dans ce cas, dilue la signification et l’impact émotionnel que le symbole peut avoir sur le lecteur.
Cependant, comme un personnage (un peu comme dans la vie réelle) est défini par sa relation à autrui, les objets qui le représente dans votre scénario devraient suivre un traitement identique.
Par exemple, le symbole qui représente le héros devrait s’opposer à celui qui représente son antagoniste.
Et à l’intérieur du personnage, il serait bon aussi de créer une telle opposition et d’inventer deux aspects symboliques qui rendront le personnage plus complexe.
Quelques exemples donnés par John Truby
Le Parrain de Mario Puzo
Le concept de parrain renvoie à l’image de Dieu le Père qui contrôle le monde et rend la justice (enfin son monde et sa justice).
C’est un Dieu vengeur. En somme, un homme fait Dieu qui possède un pouvoir dictatorial qu’aucun mortel ne possède.
Il y a aussi une opposition symbolique à l’intérieur du concept même de ce parrain lorsque Mario Puzo associe cette incarnation déifiée au mal. Il maintient cette dualité entre le sacré et le profane chez le personnage et en fait un fondement même du personnage tout au long de l’histoire.
Un tramway nommé désir de Tennessee Williams
Tennessee Williams compare ses personnages à des animaux. Il le fait à la fois pour dénoncer leurs aspects les plus négatifs mais aussi pour ancrer leurs comportements dans une sorte d’instinct primaire.
Il est fait référence à Stanley comme un porc, un taureau, un singe, un chien de meute et un loup pour souligner sa nature masculine essentiellement passionnée et brutale.
Blanche, quant à elle, est connectée à un papillon de nuit et à un oiseau, fragile et effrayée.
Ces symboles sont répétées tout au long de l’histoire et en fin de compte, le loup mange l’oiseau.
Le symbolisme animal a toujours eu un écho favorable chez le lecteur. C’est un rêve ou un fantasme profondément enraciné dans l’esprit humain que de posséder le pouvoir sur le règne animal.
Frankenstein ou le Prométhée Moderne de Mary Shelley
Le symbolisme réside dans l’aspect mécanique conféré au personnage. Ce dernier apparaît alors dénué de compassion et de sentiment.
Le symbole sans qu’il soit besoin de le détailler outre mesure sert alors à inverser l’impression que le lecteur s’est faite du personnage.
En effet, à la fin de l’histoire, le personnage s’avère être le plus humain de tous les personnages alors que les humains ont agi comme des animaux ou aussi froidement qu’une machine.
Le docteur Frankenstein est très vite élevé au statut de l’homme fait Dieu car il peut créer la vie. Il crée un monstre mais celui-ci est un ensemble manufacturé fait de diverses pièces.
De plus, il lui manque la fluidité du mouvement d’un véritable corps humain.
Notez aussi la liaison qui est effectuée entre le surhomme représenté par le monstre Frankenstein et le sous-homme incarné par le bossu. Tous deux travaillent pour le docteur Frankenstein et tous deux sont rejetés par la communauté.
Et c’est précisément parce qu’il est traité comme un type inférieur, comme une machine qu’il est enchaîné, brûlé et en fin de compte doit être éliminé que le monstre se révolte et cherche vengeance contre son père froid, inhumain et en quelque sorte divin.