En 2013 sortait Renoir, un film de Gilles Bourdos qui se concentrait sur les dernières années de la vie du grand peintre. A l'écran Renoir peignait, ses toiles donnaient au film un souffle supplémentaire, elles étaient si vraies, comme si Renoir lui-même les réalisait sous nos yeux. Ce n'était pas un hasard. La main qui tenait le pinceau en gros plan était celle de Guy Ribes, incroyable faussaire, condamné à trois ans de prison pour avoir réalisé des faux Picasso, Matisse, Renoir, Chagall, Léger, Miro, Vlaminck, Van Dongen et des dizaines d'autres artistes. L'expert mandaté par le tribunal déclara suite au procès que " Si Picasso était encore vivant, il l'embaucherait ". Jean-Luc Léon donne la parole à Guy Ribes, lui fait raconter son histoire, digne d'un roman. Élevé dans une maison de passe par un père gangster et une mère voyante, Guy Ribes a le ton moqueur et l'envie de raconter son histoire. Celui qui a confondu experts et clients durant près de 35 ans, réalise plusieurs tableaux pendant qu'il se raconte. Ses inspirations, ses techniques pour vieillir les tableaux, pour flouer les experts. Ayant vécu dans le faux toute sa vie, il est tenté de s'inventer également une vie. Jean-Luc Léon le laisse dériver sans le contredire, avant d'interroger le policier qui l'a arrêté, des experts et d'autres protagonistes de l'histoire, pour que l'histoire soit recadrée pour le spectateur, pour démêler le vrai du faux. Et tout comme pour ses œuvres, il est facile de croire à Guy Ribes. Son ton, son côté bravache et espiègle, sa bouille de bon vivant, sa pipe à la bouche, c'est tout un personnage que l'on pourrait entendre parler pendant longtemps encore. Le contraste est clair quand Jean-Luc Léon apparaît à l'écran, ses personnages sont bien plus intéressants que ses rares apparitions un peu gênantes.
Un vrai faussaire brouille les frontières, interroge sur ce qu'est l'art et sur sa marchandisation, car si des tableaux de Guy Ribes sont dans des musées, quel crédit faut-il donner aux experts et aux connaisseurs qui célèbrent un artiste pour sa créativité et son inspiration et ne savent reconnaître celui qui ne fait finalement que copier un style ? Le DVD, qui sort le 6 décembre, n'offre qu'un bonus, mais qui offre un bel éclairage sur le travail de l'artiste et ses créations. Il propose également une conclusion un peu triste sur l'état du marché de l'art quand Ribes précise que chacun de ses tableaux devait contenir de l'émotion, car l'amateur de peinture recherche avant tout un tableau qui le touche, mais désormais un tableau à la manière de Picasso signé Ribes ne vaut rien même s'il en éveille une, tandis qu'un Picasso qui n'en éveille pas vaudra des millions. L'art devenu placement, ce système qu'il a abusé pendant des années, le dégoûte et le peine et l'on y voit la justification ultime de ses actes, comment ne pas être amer face à ce marché lorsque l'on a mis son cœur dans ses tableaux, qu'ils ont parfois été considérés comme des œuvres légitimes mais dont leur seule valeur semble finalement être contenue dans la véracité d'une signature.
Titre Original: UN VRAI FAUSSAIRE
Réalisé par: Jean-Luc Leon
Casting : Guy Ribes
Genre: Documentaire
Distribué par: Pretty Pictures
EXCELLENT