Date de sortie 7 décembre 2016
Réalisé par Cristian Mungiu
Avec Adrian Titieni, Maria Drăguș,
Lia Bugnar, Mălina Manovici, Vlad Ivanov, Rareș Andrici, Gelu Colceag
Genre Drame
Production Roumaine, Française, Belge
Synopsis
Romeo, (Adrian Titieni) médecin dans une petite ville de Transylvanie, a tout mis en œuvre pour que sa fille, Eliza (Maria Drăguș), soit acceptée dans une université anglaise.
Il ne reste plus à la jeune fille, très bonne élève, qu’une formalité qui ne devrait pas poser de problème : obtenir son baccalauréat.
Mais Eliza se fait agresser et le précieux Sésame semble brutalement hors de portée.
Avec lui, c’est toute la vie de Romeo qui est remise en question quand il oublie alors tous les principes qu’il a inculqués à sa fille, entre compromis et compromissions…
Cristian Mungi a obtenu le Prix de la mise en scène grâce à Baccalauréat au festival de Cannes 2016.
Le réalisateur roumain est un grand habitué du célèbre festival puisqu'il y avait remporté la Palme d’or en 2007 pour 4 mois, 3 semaines, 2 jours.
L'Occident, son premier long métrage, a été présenté à la Quinzaine des Réalisateurs en 2002.
En 2009, Cristian Mungi est retourné à Cannes en tant que coproducteur-réalisateur-scénariste de la web série Contes de l'âge d'or. En 2012 en tant que scénariste-réalisateur avec Au-delà des collines, récompensé par le prix du meilleur scénario et de la meilleure actrice.
Cristian Mungi a fait partie du Jury du Festival en 2013.
Note d'intention relevée dans le dossier de presse.
Il serait peu probable que Romeo Aldea puisse approcher de la cinquantaine sans avoir jamais fait de compromis. C’était ainsi, peut-être que c’était ce que vos parents vous avaient appris ou c’était ce que tout le monde faisait autour de vous, peut-être que c’était ce que vous aviez compris d’après ce que vous avaient dit vos professeurs, c’était tout ce dont votre esprit, votre âme, votre cœur étaient capables. Il avait dû se passer quelque chose. Et une fois que vous avez fait le premier compromis, le second puis le troisième ont été plus faciles – vous vous êtes doucement réconcilié avec l’idée que les compromis font partie de la vie et qu’après tout, il y a différentes sortes de mensonges, différentes sortes de compromis et toutes sortes de situations. En fait, si le monde était droit et juste, vous auriez aussi été droit et juste – si tout le monde autour de vous avait respecté la vérité et la loi, vous en auriez fait de même.
Mais malheureusement la vie n’est pas ainsi et vous ne voulez pas être un pigeon, un imbécile, un raté etc. Dans la vie, il faut être adaptable pour surmonter les situations troubles, pour décider au coup par coup ce qui est juste et ce qui ne l’est pas, jusqu’où vous pouvez pousser le compromis, quelles actions sont acceptables pour vous et quelles sont les limites. Et une fois que vous avez réalisé votre premier gros compromis, il n’y a pas de retour en arrière possible, vous ne pouvez pas rembobiner et tout recommencer – c’est fait, vous devez continuer sur la même route, bonne ou mauvaise.
Parce que maintenant il existe une complicité entre vous et ceux qui ont été témoins de vos actions, ceux qui vous ont assisté. Ils connaissent votre secret, ils connaissent quelque chose que vous cacherez à partir de maintenant, peut-être pour toujours – et cette complicité vous rend prisonnier d’une toile de liens, d’accords, de réciprocité, de culpabilité, de mensonges, une toile que vous devrez continuer à tisser une fois que vous avez commencé. Il est impossible de la dévoiler et il n’y a pas de retour en arrière possible – cela devient une seconde nature, une partie de votre vie. Par moments, vous la remarquez mais vous la dissimulez rapidement derrière vous pour pouvoir continuer à vivre avec vous-même. Vous vous dites qu’après tout ce n’est pas si dramatique, ce n’est pas la fin du monde, ce n’est pas comme si vous aviez tué quelqu’un, c’est simplement la vie. Un jour, vous devenez parent. C’est là que vous commencez à vous poser des questions. Que devriez-vous dire à vos enfants ? À quoi les préparez-vous ? Les guiderez-vous sur le chemin que vous avez pris ou les encouragerez-vous à avoir des principes quoi qu’il arrive, puisque leur cheminement commence seulement et qu’ils ne doivent encore rien à personne ? Naturellement, en tant que parent, vous voulez le meilleur pour eux. Mais qu’est-ce que le meilleur pour eux ? Et quel monde leur préparez-vous? Celui dans lequel vous avez grandi, ou l’autre ? Un monde véritable ou un monde idéal ? Que devriez-vous leur apprendre : à se battre de toute leur force pour leur propre confort ou respecter les autres et se battre aussi pour leurs valeurs ? La fin justifie-t-elle les moyens ? Les façons de penser et d’agir qui se généralisent, deviennent la norme - elles délimitent les frontières éthiques d’une société, y compris les sociétés au sein desquelles chacun se plaint de la corruption. Bien entendu, nous parlons de la corruption des autres, pas de la nôtre. Nous ne nous voyons pas nous-mêmes, nous sommes au-delà du jugement. On se plaint d’en avoir assez de vivre entouré de mensonges, d’états qui trichent. Les abus et les injustices sont insupportables mais on ne les dénonce pas, on ne s’y oppose pas. Que peut bien faire une personne seule contre tout un monde qui est ainsi fait et fonctionne comme ça ? Une personne pourrait-elle le changer à elle seule ? Non. Est-ce que quelqu’un pourrait au moins essayer ? Lorsque la question fait surface, c’est déjà trop difficile, trop tard. Est-ce que nos enfants pourraient peut-être le faire ? Ils pourraient essayer, mais les parents devraient-ils leur souhaiter ce genre de vie ? Ne devrait-on pas vouloir que nos enfants soient heureux, sereins et espérer que quelqu’un d’autre viendra remettre les choses en ordre, avec tous les sacrifices et les efforts que cela implique ? Pourquoi mon enfant devrait-il être sacrifié ?
Baccalauréat est une radiographie du moment où vous réalisez que la majeure partie de votre vie est déjà derrière vous. Vous avez pris les décisions importantes de votre vie, et voici où vous en êtes aujourd’hui. Souvent, la vie à cet âge ne ressemble pas exactement à ce que vous aviez imaginé lorsque vous étiez jeune. Mais c’est comme ça, il n’y a pas grand chose que vous puissiez changer maintenant. Pourtant, vous sentez qu’il y a quelque chose que vous pouvez faire. Quelque chose qui donnerait du sens à toutes les épreuves que vous avez rencontrées : sauvez vos enfants, éduquez-les bien, aidez-les à faire de meilleurs choix que ceux que vous avez faits. Cependant, il n’est pas si facile de décider ce qu’il est mieux de dire aux enfants.
Baccalauréat est une histoire sur les compromis et les principes, sur les décisions et les choix, sur l’individualisme et la solidarité mais aussi sur l’éducation, la famille et sur le vieillissement. C’est l’histoire d’un parent qui se demande ce qui est le mieux pour son enfant, si son enfant devrait être préparé à devenir un survivant dans le monde réel ou s’il devrait se battre pour être toujours honnête et changer le monde autant qu’il le peut. Romeo Aldea est à ce stade de la vie où il sent que la terre bouge sous ses pieds. Il n’est plus jeune mais il n’est pas encore vieux. Son mariage bat de l’aile, sa mère est âgée et malade, sa fille est prête à partir vivre sa vie. Il se demande à quoi ressemblera le monde lorsque sa fille aura quitté la maison, à quoi ressembleront les cinq, dix, vingt prochaines années de sa vie ? Que fera-t-il après ? Il n’a pas de réponses – il ressent juste une grande anxiété et la pression pour continuer tous les jours la course permettant à la routine et au mécanisme de survie de s’exercer. Mais vit-il toujours vraiment ?
Et que pourrait-il faire pour mettre en garde son enfant, pour guider sa fille pour qu’elle ne finisse pas dans la même impasse que lui lorsqu’elle aura son âge ? L’histoire de Romeo Aldea est aussi l’histoire d’une société et de ses institutions. Y a-t-il une relation entre le compromis, la corruption, l’éducation et la pauvreté ? Pouvons-nous éduquer nos enfants très différemment de la façon dont nous avons été éduqués ? L’essence d’un récit pour un tel film ne repose pas sur l’explication de tous les thèmes, la signification ou le sens de l’histoire mais dans la capacité à ne pas trop les limiter. Le langage est toujours abstrait, la communication est toujours imprécise, les détails, parfois, transmettent autant de contenu que l’histoire elle-même. Ce qui est particulier au cinéma, ce sont précisément les détails que l’on ne voit qu’en regardant le film : une attitude non traduisible, un sentiment imprécis, un état d’esprit opaque – des choses qu’on ne peut pas mettre en mots.
Baccalauréat fait partie de ce style de cinéma qui accorde de l’importance à la réalité et au réalisme. Bien entendu, ce n’est pas la réalité, on utilise simplement des événements de la vie quotidienne saisis en temps réel, sans montage, pour réorganiser des moments qui auraient pu appartenir à la réalité ; à une réalité plus organisée et structurée que la vie réelle. L’histoire respecte la chronologie des évènements mais elle reste subjective, limitée au point de vue du personnage principal. Néanmoins, l’histoire tente de vous faire comprendre ce que le personnage ressent et à quoi il pense – mais seulement en l’observant à distance. Ce qui importe c’est la vérité du moment. Le point de vue du réalisateur à propos des questions morales que soulève l’histoire, l’interprétation de l’acteur, le style du film – rien ne devrait vous distraire du flot d’évènements pour que vous puissiez tirer vos propres conclusions sur l’histoire, les personnages, les valeurs et croyances mises en question. Si le film réussit à vous faire réfléchir à vos propres choix de vie, vos mensonges ou vos décisions passées, ce serait un merveilleux bonus. Nous faisons des films pour raconter des histoires, pour poser des questions, pour chercher un monde meilleur autour de nous. Mais il y a beaucoup d’histoires à raconter. En tant que réalisateur vous devez vous demander : pourquoi avez-vous choisi cette histoire en particulier ? Espérons que c’est parce qu’à un moment de votre vie, c’était ce qui vous semblait le plus important. Et vous étiez déterminé à la raconter aux autres, parce que vous pensiez que cela leur parlerait de choses qui ont vraiment de l’importance.
Cristian Mungiu
Mon opinion
Avec ce nouveau film Cristian Mungiu, récompensé au dernier Festival de Cannes par le prix de la mise en scène, plonge le spectateur en plein cœur d'une Roumanie d'une incroyable tristesse.
Un médecin, tente d'imposer à sa fille ses idées et tout ce qu'il juge nécessaire afin de lui assurer un avenir meilleur, mais surtout, ailleurs. Le scénario survole la propre histoire de Romeo, ce père, et principal protagoniste du film. Sa propre vie n'est ici qu'une succession de faits à peine effleurés. Son mariage qui, visiblement part à la dérive. Il en va de même sur la relation qu'il entretien avec une maîtresse, désireuse d'une autre vie. Cette dernière attend surtout de son amant un rendez-vous avec un orthophoniste pour son fils. Des faits divers et variés ne trouvent aucune explication, tels vitres brisées en pare chocs qui vole en éclats. Pire encore, une agression sur la propre fille de Romeo. Pas davantage d'explications quant au petit ami qui, selon le père, pourrait être le coupable. Plus certainement le témoin de la dite agression.
Seule véritable constatation l'impuissance de la police. Entre passe droit, malversations et tricheries diverses Romeo voit ses idéaux s'effondrer les uns après les autres. Seul conseil d'un policier pour se prémunir de certains de ces délits, installer une caméra de surveillance. Tout semble partir à la dérive.
Je me souviens de l'émotion ressentie avec les précédentes réalisations de Cristian Mungiu "Au-delà des collines" ou encore le magnifique "4 mois, 3 semaines, 2 jours". Dans ce dernier film, d'une incroyable noirceur, l'ensemble manque de profondeur.