Symbole & personnage : le parrain

Par William Potillion @scenarmag

Une technique narrative consiste à utiliser un symbole pour marquer le changement d’un personnage entre le début et la fin de l’histoire.
Le symbole est attaché au personnage au moment où vous démontrez la faiblesse ou le besoin de ce personnage. Habituellement, la signification symbolique du changement de personnalité intervient de nouveau à la fin de l’histoire.

Rien n’empêche de répéter un objet symbolique dans le cours de l’histoire pour marquer certaines étapes mais concernant un personnage, il vaut mieux se contenter de mentionner le symbole dans le premier acte et de le rappeler plutôt vers la fin du troisième acte.

Reprenons l’exemple donné par John Truby :

Le Parrain de Mario Puzo et Francis Ford Coppola

La séquence d’ouverture est toute entière symbolique. Bonasera est venu demander justice auprès de Vito Corleone, le Parrain en place.
Il s’agit essentiellement d’une négociation et à la fin de la séquence, le Parrain et l’homme se sont accordés sur ce qu’il y a à faire.

Le symbolisme de la séquence se situe dans la ligne de dialogue de Vito Corleone :
Someday, and that day may never come, I will ask you for a favor in return.
Un jour, et ce jour peut ne jamais venir, je te demanderais une faveur en retour.

Cette ligne de dialogues, qui clôt la négociation, possède quelque chose de diabolique. John Truby compare le Parrain au Lucifer de Faust.
Comme si les auteurs avaient voulu appliquer un symbole diabolique à l’image du Parrain.

Ensuite, Truby note que vers la fin de l’histoire, ce symbole suit Michael alors qu’il est le nouveau Parrain.
En effet, il assiste au baptême de son neveu alors que ses hommes de main sont en train de nettoyer les autres familles mafieuses.

Alors que le prêtre demande à Michael pendant la cérémonie s’il renonce à Satan, Michael répond par l’affirmative alors que ses actions ont précisément fait de lui un être diabolique.
D’ailleurs, il promet de protéger l’enfant dont il est pratiquement le parrain bien que, en tant que Parrain, il fait tuer le père de l’enfant.

Notez aussi le contraste que permet le symbole attaché à l’image du Parrain et l’âme de Michael. Dans ce cas, le symbole permet de séparer Michael de son rôle de Parrain.

Une révélation détournée

Normalement, le personnage principal d’une histoire connaît une révélation sur sa vraie nature. Mais il aurait été difficile de changer la personnalité de Michael sans que cela influe sur sa fonction de Parrain.

Michael est devenu le diable ou du moins l’incarnation du mal en tant que Parrain. Les auteurs ne lui ont donc pas permis cette révélation. C’est donc Kay qui va réaliser quelque chose sur sa situation.

Lorsqu’elle assiste d’une autre pièce aux félicitations que les hommes de Michael lui donnent et que la porte se referme sur elle, quelque chose se casse en elle.

Que l’on soit auteur ou lecteur, l’interprétation d’un symbole est très subjective. C’est ce qui en fait sa richesse pour un auteur et un impact émotionnel pour un lecteur.
De plus, le metteur en scène peut ajouter son propre symbolisme pour asseoir sa propre compréhension des choses.