Un grand merci à Carlotta pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Bonjour tristesse » de Otto Preminger.
« Pourrais-je encore être heureuse comme je l’étais en ce début d’été il y a tout juste un an ? »
Cécile, 18 ans, vit à Paris avec son père Raymond, un richissime et séduisant veuf quadragénaire, qui ne lui impose aucune contrainte, même pas celle de ses études. À l’exemple de son père, la vie de Cécile ne semble être que futilités : suites de sorties en boîtes avec flirts successifs. C’est parce que quelque chose s’est brisé en elle durant leurs dernières vacances sur la Côte d’Azur. Depuis, Cécile connaît la tristesse et elle se souvient… En compagnie de son père et de sa petite amie du moment, la jeune Elsa, ils s'étaient installés pour passer l’été dans une superbe villa entourée de pinèdes et donnant sur la mer. Leur séjour s’annonçait lumineux et gai, à l’image de la blonde et joyeuse Elsa, farniente alternant avec dîners à Saint-Tropez ou soirées à Monte-Carlo. Et ce, jusqu’à l’arrivée d’Anne Larson, créatrice de haute couture et maîtresse femme, autrefois amie de la mère de Cécile et que Raymond ne se souvenait plus avoir invité...
« Tout à coup, j’ai eu le sentiment que ce moment de bonheur allait s’arrêter »
L’année littéraire 1954 est marquée par l’immense succès de « Bonjour tristesse », roman d’une profonde modernité que l’on doit à Françoise Sagan, une jeune fille d’à peine dix-huit ans. Récompensé du prestigieux Prix des critiques, le livre devient un véritable best-seller (vendu à plus de deux millions d’exemplaires à ce jour) qui sera traduit dans une quinzaine de langues à travers le monde. Un succès qui n’échappe alors pas à Hollywood où Otto Preminger achète les droits en vue de l’adapter pour le grand écran. Le prolifique et tyrannique réalisateur d’origine autrichienne sort alors d’une décennie plutôt faste et ponctuée de succès (« Un si doux visage », « La lune était bleue », « Rivière sans retour », « L’homme au bras d’or »). Il confie ainsi l’adaptation du roman au scénariste Arthur Laurents, sans y associer Françoise Sagan, et réunit un casting prestigieux réunissant David Niven (qu’il avait déjà dirigé dans « La lune était bleue »), Deborah Kerr et une jeune première quasi débutante, Jean Seberg, qu’il vient de diriger dans son film précédent, « Sainte Jeanne », fresque historique consacrée à Jeanne d’Arc.
« Les explications ne servent qu’à rendre les choses plus compliquées »
« Bonjour tristesse » est un film qui traite de l’adolescence et de l’apprentissage. Du passage de l’insouciance de l’enfance aux responsabilités du monde des adultes. Le film prend ainsi la forme d’un long flashback : l’air désabusé, la jeune Cécile va nous raconter l’origine de son mal être. La fin des jours heureux, qui auront duré le temps d’un été. Là, dans la superbe villa azuréenne de son père, elle a vécu ses derniers jours d’insouciance et de légèreté en compagnie de son père, d’Elsa, sa (très) jeune conquête du moment, et de Anne, maitresse-femme autoritaire avec qui son père envisagera un temps de refaire sa vie. Mais si l’enfance est le temps de l’innocence, l’adolescence est lui le temps de la cruauté. L’âge de la séduction, de l’immortalité, de l’effronterie et du refus de l’autorité. L’âge d’une forme d’égoïsme, aussi, qui poussera Cécile à manigancer bassement pour évincer et éconduire sa potentielle future belle-mère, figure tutélaire bienveillante mais rigide, planant comme une menace sur la liberté de l’héroïne autant que sur la relation privilégiée qu’elle a tissé avec son père. C’est sans doute là, dans la description faite d’un monde de superficialités et de luxe peuplé de personnages dont la légèreté est synonyme d’une forme de débauche (Cécile qui délaisse ses études pour un monde de fêtes ; son père, sorte de vieux beau cavaleur qui enchaine les jeunes conquêtes de l’âge de sa fille), que le récit prend sa dimension la plus sulfureuse (pour l’époque tout du moins) et la plus moderne. Mais « Bonjour tristesse » touche surtout par sa dimension psychanalytique, portant sur la conscience de soi, de ses propres actes et du poids de sa culpabilité. Comme à son habitude, Preminger livre là un film de grande classe, jouant notamment sur les couleurs (le chaleureux Technicolor pour l’âge d’or passé, le noir et blanc pour le morne présent) afin de faire passer les émotions. Il peut aussi compter sur un casting de haute volée, duquel on retient, outre la jolie frimousse mutine de Jean Seberg, l’interprétation pétillante de Mylène Demongeot et surtout la belle émotion de la grande Deborah Kerr.
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Le blu-ray : Le film est présenté dans un nouveau master HD restauré à partir d’une copie 4k. Il est proposé en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également proposés.
Côté bonus, cette édition s’avère particulièrement riche, comprenant notamment les modules « Un charmant petit monstre » (14 min.) : Denis Westhoff revient sur la genèse du best-seller écrit par sa mère, et « A Unique Collaboration: Jan-Christopher Horak à propos de Saul Bass et Otto Preminger (21 min.) : Jan-Christopher Horak évoque la fructueuse collaboration entre le réalisateur Otto Preminger et le célèbre graphiste américain Saul Bass. Il comprend également des documents d’archives : Sélection de vedettes pour « Bonjour tristesse » (1 min.), « JT 20h » du 26/07/1956: Otto Preminger passe en revue des jeunes femmes pour les rôles féminins principaux , Sur le tournage de « Bonjour tristesse » (1 min.), « JT 20h » du 01/08/1957: Extrait d’une journée de tournage à Paris avec Otto Preminger et Jean Seberg, « Cinépanorama : émission du 26 septembre 1957 (5 min.): Otto Preminger raconte sa découverte de Jean Seberg et comment il a acquis les droits du roman de Françoise Sagan, « Cinéma » : émission du 22 janvier 1966 (30 min.) : François Chalais interviewe Jean Seberg, de retour à Hollywood dix ans après le début de sa carrière d’actrice .
Edité par Carlotta, « Bonjour tristesse » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 23 novembre 2016.
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