" Le cinéma français ne propose rien d'autres que des jeunes bobos dépressifs fumant des clopes en plans fixes et des comédies formatés pour TF1" , celui qui ose encore sortir ce genre de clichés n'a pas vu un seul film français dans les salles cette année. Entre les névroses outrancières de la bourgeoisie parisienne chez Paul Verhoeven, la jeunesse explosive de " Nocturama " ou la chronique de vie chaotique de Virginie Efira dans " Victoria " , personne ne peut nier la richesse artistique que ce cinéma nous a proposé cette année.
C'était le point inévitable de l'article car à moins de vivre sur une île déserte avec aucun accès à la communication, tout le monde sait que 2016 pour le cinéma français est l'année d' Isabelle Huppert. A l'affiche de quatre longs-métrages (" L'avenir " de Mia Hansen-Love, " Tout de suite maintenant " de Pascal Bonitzer, " Elle " de Paul Verhoeven et " Souvenir " de Bavo Defune), la comédienne semble ne pas vouloir s'arrêter à briller devant la caméra sous différents registres. L'apothéose de cette année mouvementée étant sa magistrale performance (celle que je retiens le plus cette année) dans le génialement controversé " Elle " où elle semble prendre un plaisir fou à s'affranchir de toute règle de bienséance dans ce rôle à la frontière de l'amoralité. En remportant récompenses sur récompenses partout dans le monde, 2016 est donc une année mémorable pour cette immense star du cinéma français.
La particularité de cette année est qu'elle aura su réserver énormément de places sur les écrans à pas mal de jeunes réalisateurs inconnus autrefois du grand public, débarquant tous après quelques coups d'essais. Ainsi Houda Benyamina, Léa Fehrer (" Les Ogres" ), Justine Triet, Katell Quilévéré et Antonin Peretjakto ont crevés l'écran avec leurs coups de maîtres. La tragédie de " Divines " ( Houda Benyamina) a su provoqué le même effet que " La Haine " vingt ans auparavant, le film-choral " Réparer les vivants " aura vidé les spectateurs de leurs larmes tandis que " Victoria " ( Justine Triet) et " La Loi de la jungle " ( Antonin Peretjakto) ont fait explosés les zygomatiques de la critique et des spectateurs en oubliant pas de proposer des styles de réalisation propre aux cinéastes : Le monde ultra-contemporain chaotique chez Triet et l'humour burlesque 70's dans le film de Peretjakto. Si certaines de ces oeuvres n'ont pas su attirer la foule, d'autres ont trouvé leur place avec sérénité comme " Victoria " , prouvant ainsi qu'avec un excellent bouche-à-oreille et de la communication, le public français est prêt à accueillir un nouveau cinéma.
Mais si les nouveaux artistes ont été nombreux à répondre présent cette année, l'année aura aussi signé le retour de certains grands noms du cinéma français moderne sous des registres très différents des uns et des autres. Le duo Kervern/ Delépine a provoqué les rires et les larmes avec son trio d'hommes ivres d'amour et de vins dans " Saint-Amour " en début d'année, Bruno Dumont explore une nouvelle fois le Nord de la France (ou maintenant les Hauts de France) dans sa vision très personnelle de la région dans le délirant " Ma Loute " alors que Bertrand Bonello et François Ozon explorent les genres de cinéma et des pages troubles de la France (passé ou présent) dans " Nocturama " et " Frantz" . Du coté des productions francophones, les frères Dardenne n'ont pas su retrouver leur flamme humaniste d'autrefois avec le poussif " La Fille Inconnue ", inexploitant le talent de l'incroyable Adèle Haenel (qu'on excuse d'emblée grâce à l'excellent film de Léa Fehrer, " Les Ogres" , sorti plus tôt dans l'année), et Xavier Dolan prouve sa renommé auprès d'un public populaire avec le succès de " Juste la fin du monde " , réunion névrotique des stars actuels du cinéma français.
En revanche, du côté de la comédie française populaire, un manque réel de renouveau se fait ressentir. Les suites ont été nombreuses, comme le retour triomphale des Tuche en Février dernier et celui génialement absurde de Brice de Niceen Octobre dernier, mais peinent à réellement convaincre le public et la presse comme en témoigne la désastreuse aventure des " Visiteurs" . En dehors des suites, " Pattaya " et " Débarquement Immédiat " accentuent le malaise des comédies françaises problématiques avec un humour souvent douteux.
Le cinéma français aura su prouvé de sa singularité sans fin cette année. Entre les petits talents qui vont vite devenir grands et les réalisateurs connus depuis toujours, on en a pu voir de toutes les couleurs dans ce cinéma. 2017 aura intérêt à rester à la hauteur de cette diversité, on attend d'ailleurs d'elle la consécration du cinéma de genre français avec la sortie tant attendue de " Grave " de Julia Ducorneau, dont le buzz sévit sans cesse depuis le dernier Festival de Cannes.
Victor Van De Kadsye