Décès de Michèle Morgan

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Juste après Zsa Zsa Gabor nous apprenons la mort des plus mythiques yeux du cinéma français, de la presque centenaire Michèle Morgan ce 20 décembre 2016 à l'âge de 96 ans.

Née en 1920 à Neuilley-sur-Seine, Simone Roussel est l'ainée d'une fratrie de quatre enfants dont le père cadre dans une société d'exportation de parfum et d'une mère au foyer. Après la crise de 1929 le père se retrouve au chômage et la famille part à Dieppe où il reprend une petite épicerie qui fera faillite peu de temps après. La petite Simone découvre des spectacles lors des évènements au Casino de Dieppe, c'est là qu'elle commence à rêver d'un avenir artistique.

Elle décide de retourner sur Paris dès 1935 avec son frère cadet Paul et s'installe chez leurs grands-parents à Neuilly. Simone parcourt alors les casting et obtient un rôle de figurante dans trois filles coups sur coups et surtout dans "Mam'zelle Mozart" (1935) de Yvan Noé dont le rôle titre est joué par la déjà star Danielle Darrieux. On la voit aussi dans "La Vie Ordinaire" (1935) du réalisateur américain Robert Siodmak. Elle décide de s'inscrire au Cours Simon sur les conseils du réalisateur Yvan Noé et adopte son pseudonyme, Michèle Morgan, dès 1937.

Elle retrouve Yvan Noé pour "Gigolette" (1936) et commence à se faire un petit nom avec les films "Gribouille" (1937 - ci-dessus) et "Orage" (1938) de Marc Allégret. C'est grâce à ces films qu'elle obtient son vrai premier rôle dans un film mythique qui va la mener au firmament. Elle obtient le rôle de Nelly aux côtés du monstre sacré Jean Gabin dans "Quai des Brumes" (1938 - ci-dessous la scène mythique, plus bas sur le tournage) de Marcel Carné. Ses yeux entrent dans la postérité grâce aux mots de Jacques Prévert, on se rappelle tous le dialogue "T'as de beaux yeux tu sais" suivi du "Embrassez-moi" de Morgan alors encore toute jeune. Le succès est énorme et fait d'elle une star.

Elle enchaine alors les rôles et notamment deux films avec Gabin, "Le Récif de Corail" (1938) de Maurice Gleize et surtout "Remorques" (1939) de Jean Grémillon. Pour ce dernier Gabin qui est mobilisé dans la marine doit demander une permission pour terminer le tournage. Elle tombe amoureuse de Gabin (17 ans pour elle, 34 pour lui) qui avait dû attendre plusieurs mois avant qu'elle ne succombe, formant ainsi un des couples les plus glamours de l'époque. Elle tourne encore "Untel père et fils" (1940) de Julien Duvivier, un film de propagande anti-nazie et "La Loi du Nord" (1940) de Jacques Feyder. La Guerre est perdue et le couple Morgan-Gabin part pour Hollywood où ils ont un contrat. Malheureusement ce départ sonne le glas de leur amour.

Peu de temps après elle rencontre et épouse l'acteur-chanteur William Marshall (1942-1948) avec qui elle a un fils Mike Marshall. Elle tourne 6 films à Hollywood, des films pour l'effort de guerre pour la plupart qui restent plutôt confidentiels à l'exception, peut-être du plus connu "Passage pour Marseille" (1944 - ci-dessous) de Michael Curtiz, ersatz de luxe du chef d'oeuvre "Casablanca" (1942) du même réalisateur. Pour ce dernier film, elle avait auditionné pour le rôle de Llisa mais elle ne fut pas retenue suite, parait-il, à un cachet trop élevé demandé par son agent. Elle ne fut pas choisit non plus pour le "Soupçon" (1942) de Alfred Hitchcock pour son anglais trop limité.

Elle revient en France à la fin de la guerre et retrouve le succès aussitôt en jouant dans "La Symphonie Pastorale" (1946 - ci-dessous) de Jean Delannoy pour lequel il obtient le premier Prix d'Interprétation du Festival de Cannes en 1946.

Elle tourne alors à l'étranger de temps en temps, en Angleterre pour "Première désillusion" (1948) de Carol Reed et l'Italie avec "Fabiola" (1949) de Alessandro Blasetti. Elle tourne ensuite "La Belle que voilà" (1949) de Jean-Paul Le Chanois sur lequel elle rencontre l'acteur Henri Vidal qu'elle épouse en 1950.

Elle retrouve Jean Gabin et, par la même occasion le réalisateur Jean Delannoy pour le film "La Minute de vérité" (1952) avant de tourner le magnifique film "Les Orgueilleux" (1953 - ci-dessus) de Yves Allégret où elle forme un couple ténébreux avec Gérard Philippe. Un acteur avec qui elle s'entendra à merveille. Ils se retrouvent pour un film moins viscéral mais plus romanesque avec "Les Grandes Manoeuvres" (1955 - ci-dessous) de René Clair.

Michèle Morgan participe aussi aux casting prestigieux sur des fresques historiques. Elle est Joséphine de Beauharnais dans "Napoléon" (1954) de Abel Gance, elle est la Reine dans "Marie-Antoinette Reine de France" (1955 - ci-dessous) de Jean Delannoy et elle est Gabielle d'Estrée dans "Si Paris nous était conté" (1955) de Sacha Guitry.

Michèle Morgan est alors au sommet de sa gloire. Elle choisit cette période pour marquer les esprits en changeant radicalement de registre. Abonnée le plus souvent aux rôles de femmes plus ou moins fragiles et timides elle cases son image en jouant dans une femme fatale machiavélique dans "Retour de manivelle" (1957 - ci-dessous) de Denys de La Patellière. Un rôle qui lui vaut entre autres cette phrase dans le magazine Paris-Presse : "On est étonné de voir comment ses yeux peuvent devenir durs, sa bouche méprisante et sa voix cruelle."

Elle tourne dans "Le miroir à deux faces" (1958) de André Cayatte sur lequel elle fait la connaissance d'un acteur peu connu qui s'essaie comme scénariste, Gérard Oury futur champion du box-office avec des succès comme "La Grande Vadrouille" (1966) et "Les aventures de Rabbi Jacob" (1973). Leur relation deviendra plus officielle à la mort de son époux Henri Vidal en 1959 (ce dernier vivait depuis un moment entre alcool drogues et centre de désintox). Ils resteront ensemble jusqu'à la mort de Gérard Oury en 2006.

Les réalisateurs de la Nouvelle Vague ne font pas appelle à elle à l'exception du "Landru" (1962) de Claude Chabrol. Les années 60 vont lui offrir des films sans doute de moindre qualité mais des rôles plus étoffés et plus diversifiés. On peut citer "Constance aux Enfers" (1964) de François Villiers, "Les Yeux cernés" (1964) de Robert Hossein, "Les Centurions" (1966) de Mark Robson et surtout elle marque les esprits en jouant une comtesse rouée dans "Benjamin ou les mémoires d'un puceau" (1968 - ci-dessous) de Michelle Deville.

Elle tourne par deux fois avec son conjoint Gérard Oury, dans un sketch du film "Le crime ne paie pas" (1962) et dans "Le Corniaud" (1965) mais ses scènes seront coupées au montage !

Etonnament elle stoppe sa carrière après le film de Deville. Comme un manque elle se focalise alors sur une passion, la peinture, qui s'est éveillée en 1943 lorsqu'elle a rencontré le peintre Moïse Kisling qui avait alors réalisé son portrait. Elle se met donc à la peinture (gouache, collage, huile) et compose des poèmes mettant en stand-by le cinéma.

Elle revient en étant présidente du Jury du Festival de Cannes 1971 mais il faut attendre le film "Le Chat et la Souris" (1975 - ci-dessus) de Claude Lelouch pour la voir revenir sur grand écran dans son dernier vrai rôle. Elle apparait encore à la télévision ou au théâtre de temps en temps tandis que ses participations au cinéma vont s'arrêter à jouer son propre rôle où à des caméos dans les films "Robert et Robert" (1978) et "Un homme et une femme 20 ans déjà" (1986) de Claude Lelouch ainsi que "On va tous bien" (1990) de Giuseppe Tornatore pour ce qui reste sa dernière contribution au Septième Art.

Ses derniers rôles de fiction seront en 1993 pour le théâtre et 1999 pour la télévision. Elle est la marraine du Festival de Cannes 1996 et obtient un Lion d'Or à Venise pour l'ensemble de sa carrière. Après avoir été élue à 10 reprises "actrice française la plus populaire" elle annonce la fin de sa carrière en 2001.

Michèle Morgan a refusé des rôles de prestige, comme pour le film "Johnny Belinda" (1948) de Jean Negulesco et "La Nuit" (1961) de Michelangelo Antonioni, qu'elle avouera avoir regretté mais elle restera à jamais, pour la postérité les plus beaux yeux du cinéma.

Pour les anecdotes... Son fils Mike Marshall est le demi-frère de la réalisatrice Tonie Marshall, fille de William Marshall et de Micheline Presle épouse qui succéda à Michèle Morgan. Alors que Gérard Oury, élu à l'Académie des Beaux-Arts demandera à ce que soit graver sur son épée d'acamédicien la phrase "T'as de beaux yeux, tu sais."

Michèle Morgan, star parmi les étoiles, nous a quitté paisiblement hier, le 20 décembre 2016 à l'âge de 96 ans.