Ne croyez pas qu’une comédie trouve sa force dans les gags. Si elle est pauvrement structurée, si ses personnages sont pauvrement dessinés, le lecteur s’en désintéressera rapidement.
Tout l’humour efficace de Shrek vient des personnages et des situations. Voici quelques points à garder en tête lorsqu’on écrit une comédie.
Une structure dramatique
Il n’y a pas de comédie sans conflit. Comme dans n’importe quel genre, il n’y a pas d’histoire sans conflit.
Le héros aura un but et le méchant fera tout pour l’en détourner. Et bien sûr, le héros devra affronter ses propres peurs car celles-ci sont le véritable ennemi.
Shrek est un ogre. Et tout ce qu’il demande est la tranquillité de son marais. Mais son véritable besoin est avant tout social. Il aspire à ce qu’autrui ne le juge pas sur son apparence.
Que les autres ne se fassent pas une opinion sur lui avant de l’avoir au moins rencontré. Car sa plus grande peur est d’être rejeté.
Tous ces éléments dramatiques appartiennent à n’importe quel genre et la comédie se doit de les respecter.
Le point de vue est l’élément dramatique qui distingue la comédie des autres genres.
L’exagération
L’exagération est une technique commune qui consiste à exagérer les personnages comiques. Humour et signification sont ainsi recherchés dans le même élan.
La caricature et des traits de caractère très renforcés sont habituellement les moyens de l’exagération.
Soumettez-vous à un petit brainstorming avant d’appliquer cette façon de voir les choses pour un personnage.
- Quel degré de plausibilité recherchez-vous chez un personnage ? Si c’est de la comédie pure, exagérez vos personnages sans retenue. Mais ne forcez pas le trait chez tous vos personnages. Car la plausibilité n’est pas la problématique. C’est la signification de l’histoire qui risque de pâtir d’une exagération tout azimut.
- Identifiez les personnages majeurs et en particulier votre personnage principal car c’est sur lui que se portera l’empathie du lecteur.
Les personnages majeurs d’une histoire souffre généralement de l’exagération.
Cependant, les personnages mineurs s’en rassasient volontiers. - Quelles sont les qualités qui doivent être exagérées ? La stupidité de Mr Collins de Orgueil et Préjugés de Jane Austen est un parangon de bêtises. Ce personnage est un mélange bien-heureux d’autosatisfaction et de servilité cérémonieuse.
- Est-ce que l’exagération envisagée ne risque-t-elle pas de jouer contre le monde imaginaire de l’histoire ? Chaque élément dramatique devrait être porteur de sens. On ne peut pas décider d’inventer des choses et de les assembler pour en faire un tout.
L’exagération est intéressante pour donner un point de vue comique sur les situations mais nécessairement, elle rend le personnage moins crédible, moins réel. Le risque encouru si vous exagérez l’exagération est que le lecteur ne suspende plus son incrédulité le temps de votre histoire.
La duperie
Employée dans un but comique, la duperie établit une réalité pour le lecteur et l’emmène vers une signification alternative de cette réalité.
Nous sommes amenés à croire en une réalité et nous réalisons que nous avons été dupé lorsque la signification alternative est révélée.
Par exemple, dans Certains l’aiment chaud, les deux personnages majeurs de l’histoire empruntent une nouvelle façade, une nouvelle apparence afin de poursuivre leur objectif avec quelques chances de succès.
Ce qui est intéressant avec la duperie, c’est que le lecteur en est conscient. Et l’auteur joue de cette anticipation du moment de la révélation.
La duperie se fonde habituellement sur l’objectif du héros. L’auteur devrait donc se demander jusqu’à quel point une duperie peut aider à l’obtention de l’objectif.
En d’autres mots, est-ce qu’une duperie sied bien à son intrigue ?
Et si c’est le cas, comment peut-il y avoir un moment dans l’histoire où le personnage aura ou besoin volontairement ou bien sera forcé de révéler la supercherie ?
Parce qu’il faut justifier la révélation.
Un objectif ridicule
Dans une comédie, l’objectif du héros peut être insignifiant. Il peut aussi trop vouloir demander, avoir des exigences disproportionnées.
Ainsi, dans On s’fait la valise, Doc de Buck Henry, David Newman et Robert Benton d’après une histoire de Peter Bogdanovich, pratiquement tous les personnages vont dans les extrêmes pour atteindre leurs objectifs.
Des personnages contrastés qui s’opposent
Des personnalités contrastées placées dans un même chaudron créent des opportunités de situations comiques.
Raymond Stanz de Ghosbusters est le plus positif du groupe. Il est très émotionnel et bénéficie d’une spontanéité infantile. Il est le cœur du trio et voue une passion bouillante au paranormal.
Peter Venkman quant à lui est davantage animal, cherchant à assouvir ses besoins physiques symboliquement représenté par sa passion pour les femmes. il tend aussi à être plus agressif dans sa lutte contre les fantômes.
Egon Spengler est le plus érudit ou peut-être le plus rationnel du trio. Il a des difficultés à articuler ses émotions et se décrit lui-même comme étant toujours sérieux.
Le frottement entre ces trois personnalités est ce dont la comédie a besoin pour se manifester. Une autre possibilité est que le personnage principal s’affronte avec un doppelgänger négatif. Ainsi la dualité de la nature humaine sert de fondation à l’effet comique.
La comédie fonctionne bien avec des situations personnelles
L’amour et d’autres circonstances personnelles sont facilement reconnaissables par un lecteur et sont tout à fait appropriés à la comédie.
Tout ce qui touche à la famille réagit bien avec la comédie. Paradoxalement, plus les circonstances décrites sont intimes et plus elles auront un écho général.
La comédie a l’avantage de révéler nos désirs et nos aspirations les plus secrets et de nous en amuser. C’est une forme de dénoncement qui soulage ainsi le lecteur de voir ce qu’il éprouve plus ou moins dans la banalité de son quotidien étalé au grand jour.
La comédie pioche aisément dans le véridique. Et par l’effet des retournements de situation et autres surprises, elle révèle à sa manière la vérité sur les gens, les situations personnelles, la vie en général.
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