En ce 28 décembre 2016, nous fêtons le 121ème anniversaire du cinéma ! Ou tout du moins, de la première projection PUBLIQUE des frères Lumière à Paris. Pourtant, la paternité du cinéma est un débat qui a longtemps fait jaser. Pour nous, français, il est évident que ce sont les frères Lumière qui sont à l’origine du septième art. Mais qu’en est-il du reste du monde ?
Remontons jusqu’au XVIIème siècle, où des images projetées prennent vie grâce aux lanternes magiques. Elles sont inventées par l’astronome néerlandais Christian Huygens. Ces jolis petits lampions permettent alors de projeter, à la lumière d’une bougie, les images peintes sur des plaques de verre.
Au XIXème siècle, même si le principe de la camera obscura existait déjà depuis Aristote, un inventeur français du nom de Nicéphore Niépce arrive à fixer une image réelle sur un support en étain et bitume : il s’agit de la première photographie.
Première photographie de Nicéphore Niépce : Point de vue du Gras
L’un invente la projection, l’autre la capture de la réalité : cette coopération sur plusieurs décennies donne alors les prémisses du cinéma aux inventeurs qui les succèdent. Et c’est là que la “guerre des brevets” (enfin sans les brevets, la guerre quoi) commence. Pour bien démêler le vrai du faux, nous allons avancer par année.
En 1881, à Lyon, déjà dépositaires de pas moins que 170 brevets, les frères Lumière commercialisent les premières plaques photographiques instantanées, dites “Étiquettes-Bleues”. Grâce à ce procédé, ils entrent parmi les maîtres du marché photographique mondial, tout comme George Eastman, créateur de Kodak.
Aux États-Unis, un certain Thomas Edison, déjà connu pour ses créations telles que le télégraphe, l’ampoule électrique ou le phonographe, se lance dans la folie photographique. En 1887, il rédige les plans d’une machine qui pourrait capter des images réelles en mouvement ! Son assistant, William Dickson, est alors chef de projet. La même année, Eastman invente les plaques de nitrate de cellulose, dont seront faites les premières pellicule (et qui sont, au passage, ultra inflammables et causeront de gros déboires à la notoriété du septième art).
L’année suivante, ça y est, ils y sont : Edison et Dickson inventent le kinétographe ET le kinétoscope. Pourquoi deux machines et deux noms me direz-vous ? Revenons en cours de grec ancien et parlons étymologie. Kinétographe signifie “écriture du mouvement” tandis que kinétoscope veut dire “image rendue en mouvement”. L’un permet donc de capturer les images (“filmer”) et l’autre de les montrer (“projeter”). Sauf qu’à la différence du cinéma que nous connaissons, le kinétoscope ne projette pas les images sur un support externe, dans une grosse boîte. La main revient donc aux Américains (enfin avec un peu d’Anglais, puisqu’il s’agit de la Mère Patrie de Dickson).
En 1891, Edison montre son premier film Dickson Greeting. Il s’agit donc de la première représentation publique de ce qui deviendra le cinéma, à l’exception qu’il n’y a pas projection. Et oui, toute la nuance est là !
Le Kinétoscope d’Edison.
Notons qu’en 1892, le père du dessin-animé, Emile Reynaud (un Frenchie !) projette au musée Grévin ses Pantomimes Lumineuses, devant une assemblée. Ce sont, littérairement, les premières projections publiques d’images animées. Un point pour les français ! Mais l’essence du cinéma est de capter les images, ce qui n’est pas le cas ici. Mais ça arrive, doucement mais sûrement…
Par la même occasion, en 1893, Edison crée son premier studio de cinéma, la “Black Maria”, qui était si léger qu’un seul homme pouvait le faire pivoter et ainsi récupérer la lumière du soleil qui passait par le toit ouvrant. Astuce du toit ouvrant que Georges Méliès reprendra dans son studio de Montreuil en 1897, en y ajoutant un système de miroirs réfléchissants.
Et c’est à partir de 1894 que l’histoire du cinéma telle que nous la connaissons commence. Elle débute avec Antoine Lumière, le père d’Auguste et Louis, qui assiste un jour à une séance de kinétoscope. C’est à la suite de cette découverte qu’il incite ses fils à se lancer dans la conquête cinématographique, étant lui-même un féru photographe. Les frères se lancent donc dans la fabrication de leur propre machine.
A la même époque, un ingénieur anglais du nom de Robert W. Paul est amené à falsifier, pour une commande, la machine d’Edison. Mais voler les brevets des autres n’est pas forcément bon, il prendra donc du retard sur ses compères inventeurs. Cependant, il créera le Theatograph en 1896, que Méliès (encore lui !) rachètera pour tourner ses propres films. N’oublions pas également l’Allemagne, où les frères Skladanowsky mettent au point le Bioskop et présentent le 1er novembre 1895 leur invention en projection publique et payante. Pour les Allemands, il s’agit des inventeurs officiels du cinéma, si bien que son nom fut pendant très longtemps bioskop dans les payes germaniques. Cependant, la qualité n’est pas au rendez-vous. Peut-être est-ce la raison pour laquelle l’invention ne fit pas tant d’émoi que ça…
Nous arrivons enfin au 28 décembre 1895, au Salon Indien du Grand Café. Les frères Lumière, qui avaient déjà présenté leur Cinématographe en séances privées quelques mois auparavant, réalisent cette fois-ci une projection publique et payante. Il y a trente-trois personnes, dont Georges Méliès (je l’aime bien, vous aviez remarqué ?), qui y assistent. La séance est à 1 franc et présente dix films, dont les mythiques Sortie de l’usine Lumière à Lyon ou Le Jardinier (plus connu sous le nom de L’Arroseur arrosé). Les images ont été filmées par l’appareil et les voici projetées sur un écran blanc : le cinéma tel qu’on le connaît (captation + projection) est abouti.
Les dix films qui furent projetés ce 28 décembre 1895
Donc si on résume :
- La photographie est française, ainsi que l’étude du mouvement.
- Mais les américains ne sont jamais très loin, avec leurs avancées technologiques.
- La pellicule est américaine, et basée sur des recherches faites avec des plaques photographiques françaises.
- Un Anglais se rajoute à l’Américain. Disons que les anglophones sont en puissance !
- Cependant, les Français réalisent, qualitativement, la meilleure machine.
- Des Allemands entrent dans la bataille mais au détriment de la qualité.
Ce qui fait donc… que l’invention du cinéma, tel que nous le connaissons, est… FRANÇAISE ! Bravo aux frères Lumière, qui fêtent aujourd’hui, le 121ème anniversaire de leur projection publique et payante !