Archetype : le heros intrepide

Par William Potillion @scenarmag

Qu’est-ce qui unit John McClane, Heracles, Kyle Reese ou Alexandre Le Grand ?
Ils sont certes tous des héros, c’est-à-dire que leur fonction dans l’histoire répond déjà à l’archétype du héros. Mais ils ont aussi en commun un trait de caractère : leur intrépidité, c’est-à-dire comme une forme de leur détermination à aller jusqu’au bout de leur désir.

En d’autres termes, rien ne les arrête. Et cette façon de faire peut être aussi considérée comme un archétype.
Et ainsi, capable de résonner chez un lecteur.

Voici un tour d’horizon de cet archétype du héros intrépide.

GENERALITES

Le héros intrépide va droit au but. Ce qu’il a à faire, il ne s’en détourne pas. Dès qu’il a pris une décision, il s’y tient. Ses choix tentent de minimiser les conséquences négatives de son action mais ne les éliminent pas complètement.

Ses actes peuvent être qualifiés d’ambigus parfois car il n’hésite pas à commettre des actions immorales si la situation l’exige. La souffrance physique, les tourments personnels sont son lot quotidien.
Cependant, cette souffrance personnelle est ce qui lui permet d’accomplir ses desseins.

On doit bien admettre que l’archétype du héros intrépide sème la destruction sur son chemin. Il n’hésitera pas à employer la force pour obtenir des informations.

D’ailleurs lorsque le choix lui est proposé entre une relation mutuellement bénéfique et une confrontation directe avec un autre personnage, sa tendance naturelle est d’opter pour une quelconque forme de confrontation.
C’est une attitude avec laquelle il se sent confortable.

Cependant, l’angoisse et la souffrance testent la résolution de ce héros qu’il soit mythique ou non. Les menaces sont permanentes et le font souffrir aussi bien moralement que dans sa chair.
L’intrigue se nourrit des blessures qu’on lui inflige et cherche inlassablement à le faire douter.

Sa relation aux autres

L’action de cet archétype de héros intrépide crée suffisamment de troubles pour ne pas laisser indifférent. Son recours à des actions immorales pour se sortir de situations pénibles attirent l’attention d’autrui qui les remettent en question.
Cet héros intrépide se retrouvent souvent dans des situations conflictuelles même contre ses alliés.

Il s’en défend cependant en affirmant que ses actions sont absolument nécessaires.
Et que les motivations de ces ennemis sont bien plus dangereuses et que s’il agit mal aux yeux de ceux qui l’apprécie, ce n’est pas parce qu’il est comme ses ennemis.
Ses propres motivations sont bien plus pures, exempt du mal qui caractérise ses ennemis.

Sa défense est d’ailleurs le plus souvent assez radicale accusant d’étroitesse d’esprit ceux qui critiquent ses actes ou les ignorant tout simplement. Rien ne doit entraver la marche du héros.

Bien sûr qu’il est amené à commettre des erreurs au cours de l’intrigue. C’est un être humain, après tout. Et il est perfectible.
Pour garder cependant la crédibilité de ce personnage en tant que héros intrépide,  ses erreurs portent sur des domaines qui lui sont étrangers.
John McClane par exemple a d’énormes difficultés en tant que mari et père mais lorsqu’il s’agit de s’attaquer à des terroristes, il est excellent.

LE PASSE DU PERSONNAGE

C’est dans l’historique personnel du personnage que l’on peut trouver les réponses à ses motivations.
Notez que les motivations et la détermination (la résolution du personnage à réaliser son objectif) sont deux aspects différents de celui-ci qu’il faut traiter séparément avant de les articuler pour leur donner une signification d’ensemble.

D’abord, l’auteur peut tenter d’expliquer la résistance, la volonté de son héros intrépide par un événement de son passé comme une injustice douloureuse pour laquelle il cherche depuis à se venger.
Quelque chose qui l’aurait marqué au fer rouge et dont il brûle du désir de vengeance depuis ce moment.
Et beaucoup de possibilités d’intrigue peuvent découler de ce simple motif.

Par contre, expliquer sa résistance à la douleur est peut-être un peu plus délicat. Une perte qui l’aurait ravagé à un point tel qu’il aurait besoin de s’infliger à lui-même le souvenir de ce qu’il a perdu par la réminiscence de la douleur ?

LES FAILLES DE SA PERSONNALITE

C’est-à-dire les vulnérabilités du héros, par quoi on peut l’atteindre physiquement et moralement.

L’un de  ses problèmes majeurs est qu’il a des difficultés à discerner ce qui est bien et ce qui est mal. Cela l’amène à commettre des actions immorales sans qu’il en éprouve une honte ou une culpabilité quelconque. Notez que tout comme l’antagoniste, il agit conformément à son point de vue.
Et si cela attire les foudres de ses alliés contre lui, il le considère comme un dommage collatéral. Il ne remet pas en doute ses décisions et ses certitudes.

Découlant du point précédent, il part du principe que la fin justifie les moyens. Les défauts fonctionnent souvent en cascade. L’un menant logiquement à un autre.

Il attire les problèmes et entraîne souvent avec lui dans son sillage ses alliés. Ses ennemis peuvent ainsi l’atteindre au travers de ceux qui lui sont proches et qu’il ne peut protéger.

Le héros intrépide aime le désordre. Dès qu’il se présente quelque part, la situation devient vite bouillonnante. Et il peut être incité à commettre des erreurs. L’antagoniste frappe le héros là où cela lui fait mal et ce dernier pourrait vite perdre le contrôle de la situation. Des personnages auxquels il tient pourraient en souffrir.

Il ne reste pas en place. Certes un héros est nécessairement un personnage proactif. Mais il en faut toujours plus au héros intrépide et les décisions qu’il prend peuvent parfois être vraiment déraisonnables. Il est donc relativement facile de le pousser à la faute.
Car il est souvent sourd aux conseils de prudence.

Il peut se montrer froid, méthodique et insensible.  Ce qui conduit à l’isolement. Le héros intrépide est souvent un solitaire et probablement pas par nécessité ou besoin.
Cette solitude est souvent traitée comme une souffrance par les auteurs.

Trop impliqué dans l’action immédiate, le héros intrépide connait des difficultés à saisir les faits les plus importants de la situation globale. Et bien sûr, il mesure mal aussi les conséquences de ses propres actes.
Alors que son comportement crée une distance voulue avec les autres afin de les préserver de son action quelque peu dévastatrice, ses actes semblent en décalage d’avec la ligne de l’intrigue.
Comme s’il avait un temps de retard sur celle-ci.

John McClane : Héros intrépide

L’objectif principal de John McClane est de sauver un membre de sa famille d’un destin funeste (et ce, quelque soit l’aventure dans laquelle il est embarqué).
Dans les deux premières aventures, c’est Holly, sa femme

McClane est dépeint montrant un humour assez ironique vis-à-vis des situations fâcheuses dans lesquelles il se retrouve. Probablement pour marquer cette distance qu’il entretient avec le monde.

Ce n’est pas tant qu’il faut insister sur la séparation de ce personnage d’avec son environnement dont il se distingue assurément.
Ce qui est mis en avant avec un personnage comme McClane et d’autres archétypes de héros intrépide comme lui, c’est la conscience de l’absurdité du monde.

Le héros intrépide est habituellement possesseur d’une autorité. Mais les limites de celle-ci sont trop étroites pour qu’il puisse mener à bien ses desseins. McClane n’hésite pas à outrepasser ses droits. Ce qui rend souvent les choses plus spectaculaires et ne laissent pas le lecteur d’éprouver une sorte de catharsis à le voir ainsi briser des règles auxquelles, lui, doit se soumettre.

L’archétype du héros intrépide permet souvent à un auteur d’explorer des questions de moralité.

Jack Bauer : un autre héros intrépide

Membre d’une cellule anti-terroriste, l’efficience de Bauer dans cette activité met souvent à mal ses relations et ses objectifs personnels.

Comme nombre de ses collègues archétypaux, Jack Bauer est souvent sollicité pour répondre à des urgences. Les situations sont souvent sous pression et une sorte de compte à rebours est systématiquement présent dans chacune d’elles.

Lorsque Jack Bauer estime qu’une personne a de la valeur, il tentera tout pour la protéger. C’est un concept qui étend celui de John McClane pour qui la famille a de la valeur alors que Bauer place cette valeur dans un individu qui peut n’avoir aucun lien avec lui.
C’est le hasard d’une rencontre (un incident déclencheur souvent utilisé) qui permet à Jack de juger de la valeur de quelqu’un.

Ce motif d’une réalisation personnelle dans le regard d’autrui (concrètement retranscrit  dans cet engagement sacrificatoire envers autrui est caractéristique de tout héros mais est fortement marqué chez le héros intrépide).

Jack Bauer est souvent en porte-à-faux avec sa hiérarchie. Le héros intrépide ne doit pas être limité par une structure ou des règles trop rigides.
Cela crée souvent de la tension entre lui et ceux à qui il doit rendre des comptes. Mais dans le même temps, cela ajoute de l’authenticité, de la force d’âme et en quelque sorte de l’héroïsme au personnage.

Refusant le moule de la conformité, le pronostic vital de Bauer est souvent engagé.

Sur le plan familial, la personnalité intense d’un héros intrépide mène à une impossibilité de communication. Bauer, tout comme McClane, est séparé de sa femme et de son enfant.
D’aiilleurs, la femme de Bauer sera assassiné devant ses yeux et malgré le rapprochement apparent entre lui et sa fille, il est évident que Jack Bauer a de moins en moins de famille vers qui il peut retourner lorsqu’il a accompli une mission.

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TRUBY : FAIBLESSE & BESOIN

où John Truby aborde les concepts de faiblesse du personnage et de son besoin qui en découle directement.