Commencer son scenario par la fin

Par William Potillion @scenarmag

Commencez son scénario par la fin est pertinent puisque même l’idée générale que l’on peut avoir du climax ou du dénouement est un bon début pour commencer à l’écrire.

On ne peut réfuter le fait que savoir comment son scénario se termine impacte directement chaque moment de l’histoire. Ou plus simplement, cette connaissance pourrait éviter à vos personnages d’errer sans but au cours de celle-ci.

Une totalité qui facilite la tâche de l’auteur

Une histoire est un ensemble d’éléments dramatiques qui, une fois assemblés, forment un tout. Le lecteur reçoit l’histoire. C’est elle qui fait sens.
S’il isole le méchant de son contexte historique et tente de le déplacer dans un autre, la signification de cet antagoniste sera bien différente si tant est qu’elle soit encore significative.

Donc vos idées s’ajoutent les unes aux autres. Et votre projet devient une histoire avec un but. Comme il y a un but, il semble évident que vous devriez savoir où vous allez pour concrétiser votre projet.

Et dans le cas d’un projet scénaristique, connaître la fin de l’histoire avant de commencer à l’écrire devient presque une nécessité.

Des possibilités de fin infinies

L’intention de l’auteur est que son lecteur se souvienne des idées centrales que contient son message. Que son héros meurt ou non à la fin n’est pas en soi essentiel.

Ce qui compte serait par exemple pourquoi l’auteur souhaite une fin tragique. Si son intention est claire et distincte, alors il peut commencer à construire quelque chose dans ce but.
Il faut que la fin de l’histoire corresponde à la thématique déployée dans celle-ci.
Peter Dunne prend comme exemple Witness. John Book et Rachel aurait pu finir par un mariage heureux dans la paisible communauté des Amish, mais cela aurait détonné par rapport au thème de l’histoire.

Gardez à l’esprit que c’est de la fin du scénario dont nous parlons et non des conclusions aux événements qui parsèmeront votre intrigue.
Si votre héros ou votre héroïne sont affublés d’un sentiment de culpabilité, les épreuves et obstacles au cours de l’intrigue l’aideront à prendre progressivement conscience de cette peur.
Et à savoir l’affronter au moment du climax.
Mais si la fin de de votre histoire est qu’il se libère effectivement de cette faiblesse dans sa personnalité, vous en savez assez pour commencer à écrire et à orienter les événements de l’intrigue dans ce sens.

Une boussole qui vous mène droit au but

Si vous n’avez pas envisagé la fin de votre histoire avant de commencer à l’écrire, vous risquez de l’étendre inutilement car la perspective de tout réécrire vous effrayera quelque peu.

En ayant une idée de la fin, vous gagnez en confiance en faisant le plan de votre histoire. Vous savez où vous allez.
Et vous pourrez inventer tous les rebondissements que vous souhaitez sans jamais perdre de vue votre cible.

Dans un sentiment de culpabilité, on peut supposer qu’il repose sur un secret. Ce secret qui porte votre message sera révélé à la fin de l’histoire.
Or tout au long de celle-ci, vous pourrez laisser des indices pour que le lecteur commence à appréhender progressivement la teneur de ce secret.
C’est-à-dire de votre message.
Sachant cela, il vous sera alors plus simple d’adapter le comportement de vos personnages pour qu’il dévoile des bribes de ce secret.

Une jeune fille s’est suicidée.

Son frère, votre héros, va alors se mettre en quête pour comprendre son geste.
Au cours de son voyage, de ses rencontres et de ses expériences, il apprendra la terrible vérité sur leur père qui abusait de sa sœur.

C’est alors qu’il prendra conscience qu’il l’avait toujours su. Et cette opacité qu’il s’était forgé comme un moyen de défense n’a fait qu’isoler davantage sa sœur qui, plus fragile, a fini par se donner la mort.
C’est la cause de ce sentiment de culpabilité qu’il éprouvait sans pouvoir lui donner un nom. L’auteur dans cet exemple pourrait non seulement vouloir dénoncer cette violence familiale mais comme son intention est d’explorer d’une certaine manière les drames qui peuvent se jouer dans certaines familles, il cherche à attirer l’attention sur le malaise éprouvé par certains jeunes face à l’indifférence d’une société des hommes dont la stupeur n’a d’égale que le silence complice.

L’auteur veut dénoncer cette injustice. Et sa certitude en une conscience morale des hommes va l’inciter à donner une fin heureuse à son histoire.
Le coupable sera puni.
Mais ce n’est pas un esprit de vengeance qui anime l’auteur. Sa volonté est que son héros sera libéré de son fardeau en apprenant à faire confiance aux hommes et en comprenant qu’il n’a pas abandonné sa sœur à une terrible destinée.

Si l’auteur parvient ainsi à formuler, sans entrer dans les détails, le but de son histoire, il saura avec plus ou moins d’acuité si les événements qu’il décrit dans son intrigue sont pertinents ou non avec son intention.
Tant que ces événements ne compromettent pas la fin de son scénario.

Connaître la fin permet de baliser le parcours émotionnel des personnages

En fait, l’arc dramatique d’un personnage, c’est-à-dire les différents états mentaux par lesquels il va passer d’ici la fin de l’histoire, correspond (et certainement par une relation directe) à la ligne dramatique principale.

Considérons qu’une histoire se déroule dans la durée et qu’on puisse la décrire selon une charte émotionnelle qui s’étend de la misère morale au bonheur (la recherche du bonheur étant elle-même un but universel).
Quant à cette misère, on peut tout aussi bien employer souffrance, détresse, carence affective, pauvreté enfin tout ce qui retranscrit généralement un manque.

Inscrivons dans cette charte, les événements de l’intrigue :

Vous le constatez, chaque événement majeur de l’histoire renvoie à un état mental de Cendrillon. Ce n’est pas précisément un arc dramatique tentant de traduire un changement de personnalité chez Cendrillon.
Néanmoins, cette transformation existe en filigrane. On peut d’ailleurs l’assimiler a une sorte de parcours initiatique qui verrait Cendrillon passer de l’enfance à sa vie de femme.

Ce qu’il faut noter surtout est que cette charte émotionnelle démontre visuellement la structure émotionnelle de l’histoire.
Et que cette structure fait écho chez le lecteur et qu’elle l’entraîne sur une sorte de grand huit émotionnel.

Dans un contexte plus terre à terre, nous pourrions par exemple avoir :

C’est ainsi que la structure émotionnelle qui se déploie tout au long du scénario mène inévitablement aux scènes finales. Et pour Peter Dunne, connaître les scènes finales permet alors d’orienter cette trajectoire émotionnelle.

Witness

Les auteurs savaient qu’entre John et Rachel, il n’y aurait pas de mariage à la fin de l’histoire.
En conséquence de cette décision, la scène où Rachel expose son corps à John au moment du bain ne pouvait se conclure sur les deux personnages faisant l’amour.

Car si cela avait été consenti, John aurait du rester avec Rachel.
Et cette scène n’aurait pas fonctionner dans l’ensemble. Pour Peter Dunne, cette scène ainsi que toutes celles d’attraction physique et émotionnelle entre John et Rachel n’ont pour raison d’être que de faire comprendre au lecteur que quelque soit notre désir des choses, il n’est pas toujours bon de chercher à les obtenir.

Certes, le vouloir est une des puissances de l’âme pour Descartes mais nos passions nous aveuglent et nous entraînent sur le chemin de l’erreur. Or cette thématique n’était pas recherchée par les auteurs dans ce scénario. Partant, Rachel et John ne pouvaient dans le contexte de cette histoire faire l’amour.
Une certitude parce que les auteurs savaient qu’aucune union n’aurait pu concrétiser la relation entre John et Rachel.

Et pourtant, tout un jeu d’informations telles que l’aspect animal de John lors de la scène de la construction de la grange, l’affection réelle qu’il porte à Samuel, la danse puérile dans la grange ne font qu’exciter un rapprochement dont l’échec est terriblement frustrant autant pour les personnages que pour le lecteur.
Mais cependant émotionnellement honnête comme le précise Peter Dunne.