Neruda et son épouse, la peintre Delia del Carril, échouent à quitter le pays et sont alors dans l’obligation de se cacher. Il joue avec l’inspecteur, laisse volontairement des indices pour rendre cette traque encore plus dangereuse et plus intime. Dans ce jeu du chat et de la souris, Neruda voit l’occasion de se réinventer et de devenir à la fois un symbole pour la liberté et une légende littéraire.
A l’image du célèbre poète chilien, le réalisateur Pablo Larrain (No) semble doté du don d’ubiquité : tandis que Neruda, présenté au 25e Festival Biarritz Amérique latine, vient de sortir en salles, le très attendu Jackie (sortie prévue le 1er février 2017), en lice pour les Golden Globes de ce week-end, fait déjà couler beaucoup d’encre.
Il y a tout autant à dire de Neruda, faux biopic malicieux mais véritable ode jubilatoire au personnage charismatique qui a marqué l’histoire de la littérature chilienne. Ici, point question de récit historique, ni de respect d’une éventuelle vérité, encore moins de chronologie méthodique. Larrain s’affranchit du moindre cadre rigide, s’amuse avec les formes, efface toute frontière entre réel et imaginaire, brouilles les pistes et livre une fantaisie littéraire sans commune mesure.
L’espace d’un instant, voici le spectateur plongé au cœur du processus créatif : épicurien, observateur des plus fins, penseur actif, séducteur engagé, le Neruda (fabuleux Luis Gnecco) qui est ici croqué inspire fascination et incompréhension. Le voici traqué par un grotesque détective (Gael Garcia Bernal, génial bouffon grotesque) en quête de reconnaissance. Mais finalement, celui-ci pourrait bien être sorti tout droit de l’imagination de Neruda. A moins que ce soit le poète lui-même qui ne se définit qu’à partir des personnages qu’il a créés…
Les mots du poète, d’une beauté saisissante, prennent vie sous nos yeux, à travers cette comédie politico-policière fantasque et anticonformiste. Vous n’en apprendrez peut-être pas plus sur la vie du poète, mais qu’importe. On préfère être séduit par ce bijou de créativité, ce regard captivant d’un artiste d’aujourd’hui sur un génie de toujours, cette confusion des genres où les récits se superposent, s’entrecroisent, se percutent même et nous réjouissent miraculeusement.
Sortie le 4 janvier 2017.