La structure articule votre message

Par William Potillion @scenarmag

Pour Robert McKee, la prémisse est une proposition ouverte vers une histoire.  Elle aboutit au climax qui est l’expression de votre idée, l’affirmation de votre message.

Cependant, pour McKee, l’auteur ne doit pas seulement se contenter d’exprimer ses idées. Il doit aussi les prouver.
Exprimer une idée, ce n’est pas seulement l’exposer. Le lecteur doit non seulement la comprendre mais aussi croire en cette idée.

Une métaphore de la vie

Le lecteur doit être convaincu que votre monde imaginaire est une métaphore fidèle de la vie.

Pour parvenir à le convaincre, votre point de vue (message, idée, concept) doit être soutenu par la façon dont vous allez raconter votre histoire, c’est-à-dire par la structure qui va l’articuler.

Entre la structure et votre message, une dialectique s’installe. Le frottement de ces deux notions va créer un mouvement significatif. Le rapport qui s’établit entre elles deux est, selon Robert McKee, ce qui apporte la preuve d’une idée.

Raconter une histoire, c’est faire la démonstration de la vérité d’un auteur (ou la voix authentique comme le dit Cecilia Najar).
L’histoire convertit cette idée en action. Car l’action s’adresse directement au lecteur. Il la perçoit presque directement sans solliciter plus que nécessaire son intellect.

Ainsi, l’auteur n’a nullement le besoin d’expliquer son idée. Il ne fait pas de discours. Il fait seulement la démonstration de son idée par une série d’événements.
Et pour que ces événements (actions, dialogues, personnages, faits…) parviennent efficacement au lecteur, ils ont besoin d’une structure comme support de l’information fournie.

La structure est le moyen d’exprimer et de prouver son idée

C’est par elle que se manifeste votre message. Sans que vous ayez besoin de vous étendre inutilement sur des explications qui n’appartiennent pas au principe narratif.

Les auteurs dramatisent. C’est-à-dire qu’ils mettent quelque chose sous une forme propre à être narrer. Ils donnent une existence à une idée en la concrétisant dans un ensemble (une série, en fait) d’actions. Mais ils ne forcent pas leur lecteur à écouter une sorte de monologue tentant de le convaincre de la véracité de leurs opinions.

C’est par le dynamisme (ce que je nomme frottement) des événements décrits qu’un auteur doit tenter d’établir l’authenticité de ses dires.
Et ces événements, ce sont les conséquences de choix, de décisions, d’actions orchestrés par un être humain, même de fiction.
Car la fiction n’aliène pas le droit à être d’un personnage.

Le crime ne paie pas

C’est l’exemple que prend Robert McKee. Le crime ne paie pas est l’idée que l’auteur souhaite transmettre à son lecteur comme une vérité essentielle.

Un conférencier pourrait écrire quelques pages pour expliquer pourquoi le crime ne paie pas laissant à son audience le soin de tirer ses propres conclusions de ce discours.

Maintenant, d’un point de vue narratif, le principe consiste à montrer l’action, à montrer les agissements.
Qu’il soit lecteur d’une fiction ou observateur dans la vraie vie, un être humain est davantage impacté par les agissements d’autrui (et ce qu’il soit impliqué ou non dans l’action).

Donc un meurtre est commis devant lui. C’est comme si vous engagiez directement votre lecteur dans votre histoire. Bien sûr, cela s’applique à n’importe quel événement moins radical qu’un crime.
Si votre héros se retrouve dans une situation où le vendeur d’un magasin a laissé par mégarde son tiroir-caisse ouvert en allant chercher une commande, la simple décision de votre héros de ne pas se servir engage aussi le lecteur dans la compréhension du personnage. C’est une des conditions pour qu’il s’implique dans l’histoire.

Dès qu’un lecteur se préoccupe de quelque chose qui se passe dans l’histoire, il est malgré lui impliqué dans celle-ci. Donc un meurtre est commis devant lui et le criminel prend le large.
Sur le moment, l’action est véritablement considérée comme immorale.

Gardez à l’esprit qu’une histoire ne présente pas une seule facette de son argumentation. Dans un premier temps, vous avez montré le point de vue de l’antagoniste (selon notre exemple). Son crime est resté impuni et vous avez exposé les raisons de ce blanc-seing.

La structure supporte votre argumentation

La justice (qui n’est pas en cause dans votre message) aurait pu lui accorder des circonstances atténuantes ou n’aurait pu statuer sur sa culpabilité par manque de preuves. C’est une question d’imagination mais qui doit rester plausible pour être convaincante.

Finalement, votre criminel est appréhendé et cette fois, il paiera pour son crime. C’est le second aspect de votre argumentation concernant votre idée.

Ce message s’exprime et est prouvé soit par l’emprisonnement du coupable, soit sans atours légaux, par le héros accomplissant sa propre justice en tuant le méchant de l’histoire.
Dans les deux cas, votre idée est chargée émotionnellement dans l’esprit du lecteur. Il est probable d’ailleurs que le lecteur ne formulera pas exactement que le crime ne paie pas mais plutôt que le héros a eu ce salaud. Ce qui revient au même.

Pour Robert McKee, c’est à cette émotion esthétique que l’auteur doit parvenir sans qu’il ait à expliquer par un discours le contenu de son message.
A lire :
UNE EMOTION ESTHETIQUE – ROBERT McKEE