Quelques minutes après minuit

Par Inglourious Cinema @InglouriousCine

QUELQUES MINUTES APRES MINUIT réalisé par Juan Antonio Bayona

Je n'avais pas envie de voir ce film. Je sentais le goût des larmes qui allaient couler. Je pressentais l'actrice qui n'allait pas me convaincre. Je n'avais pas envie de m'y frotter, je n'avais pas envie que mon amoureux s'y frotte non plus. Mais on y a été et il m'est difficile d'avoir un avis manichéen dessus. Ce film raconte l'histoire du petit Conor âgé d'une dizaine d'années qui vit avec sa maman. Maman qui est atteinte d'un cancer qu'elle tente de soigner. Un jour à minuit sept, l'if qui pousse dans le cimetière sur lequel donnent les fenêtres de la chambre du garçon, prend vie majestueusement. Il vient à lui et lui explique qu'il racontera trois histoires et que la quatrième ce sera lui qui parlera. Il devra raconter le cauchemar qui le hante.
Ce film n'est pas un film sur le deuil, ni sur la mort. Il parle de ce qui la précède; lorsqu'un enfant (grand ou petit) voit l'un de ses parent être malade, souffrir, et se mourir. Ce moment ou la culpabilité fond sur vos épaules pour ne jamais les quitter. Ce moment ou vous voyez un énorme multi-tonne foncer sur vous et que vous croyez encore que tout va bien se passer. Ce thème est rarement abordé, et l'équilibre est toujours difficile à trouver. Ici le sujet est traité avec justesse surtout grâce à l'intervention de de l'if. Car cet arbre est porteur de messages sur le bien,le mal, et surtout que tout n'est pas aussi simple et linéaire que l'on veut bien le croire. Mais le plus important est celui qui traite de la culpabilité. C'est quelque chose de remarquablement bien fait, et même surprenant car ces ajouts très originaux se greffent sur une histoire mélodramatique cousue de fil blanc aussi banale que triste.

Tout ceci est aussi servi par une formidable réalisation. Elle créé un univers graphique et visuel dès les premières minutes du film. Le teint diaphane de Connor qui contraste avec sa doudoune deux fois trop grande aux bandes colorées; ou son petit pull tricoté et rayé, lui donne une aura des qu'il apparaît à l'écran. L'univers sombre et douillet de leur maison dans les teintes brunes et chaudes, composant une ambiance cocooning instantanément. Puis il y a les coussins et les plaids qui semblent être faits mains et dont la douceur traverse l'écran. Ou encore ce patchwork des dessins qui habillent les murs de cette maison. C'est beau, et chaleureux! Tout est étudié et on voudrait avoir le temps de s'appesantir un peu plus sur chaque image. Le tout donne un rendu attachant.
Il y a aussi des fulgurances dans ce film qui sont le plus souvent liées à l'arbre. L'if en lui même est assez majestueux. Sa création est sublime, DDT a fait un travail extraordinaire agrémenté de motion capture. Il est si expressif et si attachant qu'il en est quasiment humain. Il est l'un des principal atout du film. Puis il y a la forme des deux premières histoires que racontent l'if . Les raconter avec une animation qui semble être de l'aquarelle, est une brillante idée. Elle renforce l'impression de conte, et rajoute de la magie à la magie. Il y a cependant des bémols a mes louanges. Et pas uniquement le coté très prévisible de l'histoire principale.
L'if et même l'histoire, m'ont rappelée le roman de Mathias Malzieu "Maintenant qu'il fait tout le temps nuit sur toi". Ou un géant imaginaire qui craque comme du bois sec vient aider un jeune adulte à vivre la mort de sa mère. Pendant tout le film , je me suis dit qu'il y avait à minima une continuité extraordinaire pour ne pas dire déstabilisante. Ensuite je vis avec un des grands admirateurs de Guillermo Del Toro, et les ressemblances avec ses choix de réalisation sont légions. Il y a du Labyrinthe de Pan dans le pitch, Conor ressemble au petit garçon de l’Échine du Diable, puis il y a tous ces plans avec les serrures , il ne manque que quelques papillons et on signe Del Toro. J'avoue que ça m'a gêné au visionnage du film.

.Mais dans ce film celui tient la baraque est le petit Lewis MacDougall. Ce magnifique jeune acteur doit jouer des scènes difficiles dans des conditions compliquées. Il le fait avec justesse et talent il bouffe l'écran. Sigourney Weaver est juste et bouleversante dans ce rôle si particulier d'une mère qui voit son enfant souffrir et doit accompagner l'enfant de son enfant. Elle est sublime. Quant à Felicity Jones son manque de charisme évite de rajouter du pathos au mélodrame et ça, c'est vraiment bien. Puis il y a Liam Neeson en if rien que pour lui le film mérite d’être vu.
Quelques minutes après minuit n'est pas un film qui me laisse insensible. J'ai fini en sanglotant dans la salle. mais ce n'est pas un film qui nourrit mon amour du cinéma. Cependant si l'adulte que je suis devait affronter ce qu'elle a vécu étant adolescente. Elle montrerait ce film à son petit frère pour qu'il puisse se préparer à ce qu'il va traverser, et peut être qu'elle essaierait d'en tirer quelque chose pour elle.