Quelques règles spéciales gouvernent le protagoniste. Il est bon de les rappeler de temps en temps.
UN SEUL PROTAGONISTE PAR HISTOIRE
Commençons par faire la distinction entre protagoniste et personnage principal.
La fonction du protagoniste consiste à faire avancer l’histoire. C’est en quelque sorte par lui que le scandale arrive.
Quant au personnage principal, c’est sur lui que devra porter la sympathie du lecteur.
La plupart du temps, votre scénario n’exigera pas que vous sépariez le protagoniste et le personnage principal. Occupant les deux fonctions, on peut alors qualifier ce personnage important de héros.
Un héros serait donc quelqu’un qui articule les événements de l’histoire (et en cela, il n’est pas passif car il ne subit pas les événements) et de plus, il attire l’empathie du lecteur.
Notez que cette empathie peut aussi commencer par de la compassion. Il est facile d’inventer des héros aux qualités qui vont le faire admirer mais si votre histoire le dépeint d’abord comme un mauvais garçon, il peut y avoir cependant quelques indices dans son comportement qui attireront les faveurs du lecteur (mais cela peut s’avérer difficile comme le personnage de Jericho dans Criminal : un espion dans la tête dont les indices qui tentent d’atténuer la violence du personnage parviennent difficilement à instiller de la sympathie envers lui).
Un voyage émotionnel
Ce qui caractérise le héros de fiction, c’est que généralement au cours de son aventure, il va connaître une trajectoire émotionnelle qui aboutira à une transfiguration de sa personnalité.
Un héros porte un projet. Et ce projet est de devenir meilleur à la fin de l’histoire qu’il ne l’était au début. C’est une entreprise majeure pour l’auteur qui sollicite beaucoup le lecteur. Il est ainsi préférable de n’avoir qu’un protagoniste par histoire au risque de confusion autrement (ou de dilution de l’attention du lecteur).
Il est donc important de véritablement comprendre qui sera votre protagoniste. Cette prise de conscience pourrait même se faire lorsque vous serez en plein processus d’écriture de votre scénario.
Définir le protagoniste vous permettra par ailleurs de structurer les autres personnages autour de lui.
Considérez, par exemple, Les Trois Mousquetaires. D’Artagnan est le héros et Porthos, Aramis et Athos (qui ont aussi leurs lignes et leurs arcs dramatiques personnels) sont cependant articuler autour de D’Artagnan.
Quel que soit l’amour que Alexandre Dumas portait à Aramis, Athos et Porthos, il savait que D’Artagnan serait le héros de son histoire.
Des intrigues secondaires
Notez aussi qu’une histoire peut contenir des intrigues secondaires. Bien sûr, celles-ci sont dépendantes de l’intrigue principale. Elles finissent toujours par renvoyer soit à l’intrigue, soit au thème.
Cependant, lorsque vous exposez une intrigue secondaire où votre héros n’apparaît pas, vous devriez examiner quel sera le protagoniste de cette intrigue secondaire.
C’est souvent le cas dans la Love Story et la comédie romantique.
INTRODUISEZ VOTRE PROTAGONISTE DES LE DEBUT
Le lecteur se liera généralement au premier personnage qu’il rencontrera. Il s’en fera d’ailleurs une première impression.
Et ce qui est important, c’est que l’auteur raconte l’histoire de ce personnage. Toutes digressions ne seront pas comprises par le lecteur. D’où l’intérêt de bien distinguer la ou les intrigues secondaires de l’intrigue principale.
Donc, rien d’important dans celle-ci ne peut advenir si cela ne lui advient d’abord à lui (ou à elle).
VOTRE PROTAGONISTE SERA PROACTIF
Quelle que soit sa personnalité. Qu’il soit timide ou audacieux ne change rien à l’affaire. Le lecteur s’attend d’ailleurs à ce qu’il agisse.
Le héros d’une fiction se définit en agissant. Ses actions lui donneront une existence. Il ne peut se contenter d’être une victime passive.
Il pourrait avoir été blessé par un événement sans l’avoir cherché, bien tranquille qu’il était dans son monde ordinaire. Mais dès qu’il prend en charge son problème, il devient actif.
Il y a dans ce personnage une énergie qui le pousse à agir, à faire des plans et à les exécuter.
DONNEZ A VOTRE HEROS UN BUT
Il doit embrasser une cause qui le dépasse. Quelle que soit la nature de cette dernière et quelle que soit la personnalité du héros, le rapport entre lui et son but doit être déséquilibré.
Il est nécessaire que les obstacles et les épreuves poussent le personnage hors de ses gonds. La mission qu’il a acceptée (souvent bien malgré lui) ne doit pas être quelque chose d’habituel.
Que ce soit d’empêcher un terroriste de faire sauter le centre ville ou bien de sauver son mariage, le héros se retrouve dans une situation qu’il n’a jamais éprouvée auparavant. C’est une expérience nouvelle pour lui.
Parallèlement au but du héros, il doit y avoir un enjeu d’importance pour lui. Autrement, pourquoi serait-il motivé à s’engager dans cette aventure ?
Il faut expliquer sa motivation non seulement par l’enjeu mais aussi comprendre pourquoi il possède une telle motivation.
Par exemple, si le héros doit sauver son mariage, c’est parce qu’il y a un enfant. C’est sa motivation pour agir ainsi.
Mais pourquoi doit-il sauver cet enfant ?
Parce que lui-même a connu les affres d’une séparation de ses parents lorsqu’il n’avait que 10 ans et qu’il en a terriblement souffert. C’est cette réminiscence qui insuffle l’énergie nécessaire à sa motivation.
Le but du héros est donc soutenu par trois facteurs cruciaux : un enjeu, une motivation et les raisons de cette motivation.
Des conflits internes
En creusant les raisons de sa motivation, vous découvrirez certainement les conflits internes à l’œuvre chez ce personnage.
La mission dans l’histoire est en quelque sorte une façade au vu et su de tout le monde.
Mais ce qui est véritablement passionnant, c’est de voir le héros résoudre ses problèmes personnels. Il y a quelque chose qui cloche chez lui au début de l’histoire.
Et toutes les expériences (conflits, épreuves, obstacles, revers, révélations…) qu’il connaîtra au cours de l’intrigue doivent lui permettre de surmonter ses conflits internes.
C’est d’ailleurs souvent qu’il ne pourra résoudre son objectif tant qu’il n’aura pas résolu ses problèmes personnels qui se nichent profondément dans sa psyché.
Par exemple, notre personnage veut sauver son mariage pour ne pas faire souffrir sa fille. C’est la mission qu’il s’est fixée. Mais peut-être qu’il est dans l’erreur.
Parce que s’il veut retrouver le bonheur, la solution passe peut-être par son acceptation de cette séparation.
Si au cours de l’intrigue, il en vient à intégrer la douleur qu’il a lui-même connue lors de la séparation de ses parents, il pourra alors envisager que sa fille en sera épargnée.
Fort de cette prise de conscience, il ne considérera plus son mariage comme une perte et pourra enfin espérer le bonheur en suivant son propre chemin.
UNE FAILLE DE PERSONNALITE
Cette faille est vraiment ce qui est au cœur de l’histoire. Elle génère un conflit interne. C’est le combat du protagoniste contre lui-même qui est vraiment passionnant.
Conseils de lecture sur ce défaut de la personnalité du protagoniste :
- FAILLE & CONFLIT INTERNE
- CONFLIT INTERNE
- L’IMPORTANCE DE LA FAILLE CHEZ VOTRE PERSONNAGE
- LE NECESSAIRE DEFAUT D’UN PERSONNAGE
- LE DEFAUT PRINCIPAL DE VOTRE PERSONNAGE
UN ETRE COMPLEXE
Alors que d’autres personnages pourraient être moins fouillés sans nuire à la qualité de l’histoire, il est cependant préférable que le protagoniste soit assez bien détaillé.
Cependant, l’un des moyens les plus efficaces d’apporter de la complexité à un personnage (du détail si vous préférez) est la contradiction.
C’est-à-dire qu’entre sa manifestation physique dans le monde (tel qu’il nous apparaît à nous, mais aussi aux autres personnages) et ce qu’il est vraiment (sa véritable nature, son essence), il y a contradiction.
En surface (et le scénario facilite les choses car il est au service d’un art visuel), nous avons l’impression de ce qu’est un personnage. Notez qu’il n’y a pas usurpation d’identité de la part du protagoniste.
Il n’est pas dans la négation de son être.
Seulement lui-même ne soupçonne pas ces contradictions qui sont siennes.
Et donc, cette apparence n’instruit nullement sur ce qu’est vraiment le personnage. Sur qui il est vraiment. Comme dans la vraie vie en somme.
Montrer l’intériorité
Comment illustrer cette subjectivité du personnage ? Par ses actions. Et en particulier car plus efficace pour le lecteur, ses actions dans les moments de crise.
Par exemple, votre héroïne est une jolie jeune fille écervelée. Dès la première impression, cela sent le cliché.
Maintenant, placez dans une situation où elle doit faire ses preuves et nous nous apercevrons qu’elle est bien plus intelligente qu’elle ne semblait paraître.
En créant une contradiction entre l’apparence et l’essence, vous ajoutez ainsi de la complexité à un personnage. Et le protagoniste a besoin d’empiler quelques couches psychologiques supplémentaires par rapport à la moyenne des personnages.
Considérez aussi que cette complexité renforce les liens entre le lecteur et le héros.
LA LIBERTE DU HEROS EST NECESSAIREMENT ENCADREE
Si vous voulez le gardez crédible et convaincant.
Quel que soit le contexte de votre histoire, un héros est un personnage ordinaire jeté dans des circonstances extraordinaires.
Il se retrouve dans une version du monde qui détonne avec le point de vue qu’il avait de ce monde.
Mais même si le héros peut parfois être déboussolé par les événements, cela ne signifie pas que l’auteur peut l’autoriser à faire n’importe quoi.
Il doit se comporter conformément à la personnalité que vous lui avez attribuée.
Si, par exemple, votre personnage est un être désabusé, qui n’attend plus rien de la vie, vous pouvez le faire sauter d’un pont dans les eaux froides d’un fleuve pour échapper à ses poursuivants.
Pour que cela reste crédible et légitime envers la description que vous avez donnée au lecteur de ce personnage, il faut avoir prouvé préalablement au lecteur la déception ou le désenchantement de ce personnage.
Néanmoins, si ce héros est un homme d’affaires dont le monde ordinaire est son bureau, le pousser dans des circonstances extraordinaires ne justifiera pas qu’il soit capable de se jeter d’un pont. Ce serait un acte suicidaire.
Et ce n’est pas l’intention voulue dans cette séquence où il doit échapper à ses poursuivants. Il y aurait alors une incohérence entre son comportement et sa personnalité.
Même les actions les plus imprévisibles sont liées à la nature d’un personnage sous condition que ce comportement erratique ait pu être démontré plus tôt dans l’histoire.
Un personnage vit dans les limites de sa persona (ce qu’il offre de lui aux regards des autres) et de sa nature profonde.
Intuitivement, il doit être forcément limité dans ses actions. Du moins, il a des possibilités d’agir dans le monde. Mais sa liberté se limite à ces possibilités.