Alors que l’ultimatum de cent ans laissé par Maléfique touche à sa fin, La Belle au Bois dormant n’a toujours pas été réveillée par son prince charmant. Pour sauver le royaume des fées d’une disparation certaine, la Reine Titiana (Catherine Jacob, peu subtile) envoie deux fées à Paris pour lui trouver un homme étiquetable « prince charmant ». Pour son premier long-métrage, Flavia Coste plonge donc dans l’univers prolifique des contes de fées. Mais, comme le personnage de la fée Mélusine (Mylène Saint-Sauveur), elle clame qu’ « il est temps de changer les règles ». Avec ces deux fées délurées, elle entend bien bousculer les attentes des hommes et surtout des femmes face à la grande question de l’amour. A l’inverse des (vrais) contes de fées, il lui semble nécessaire de sortir du mythe du prince charmant, comme figure providentiel, et partir soi-même à la recherche d’un partenaire, charmant ou non.
En réadaptant la légende d’Aurore, Flavia Coste ne peut pas contourner le fait que la femme désirée est un corps endormi. Pourtant, c’est justement dans le traitement de ce personnage qu’elle distille un certain féminisme – léger, mais revigorant –. En effet, la plus belle idée du film est de donner une conscience à ce personnage voué à n’être que passif. Chaque fois qu’un prétendant tente de la réveiller, la princesse parle en voix-off pour donner ses impressions sur ce dernier. Mais surtout, la réalisatrice lui octroie une part de libre-arbitre en lui faisant refuser certains hommes comme lorsqu’elle tourne la tête pour éviter les lèvres du comédien chauve envoyé par Blondine. Enfin, les deux fées parlent avec empathie de la condition d’objet d’Aurore notamment lorsque Blondine (Sarah-Jeanne Labrosse) envoie trop de prétendants ce qui pousse Mélusine à dire « tu crois que c’est plaisant de se faire embrasser par cent mecs ».
Un jour mon prince s’intéresse également, (trop) rapidement, à la problématique centrale de la recherche d’une âme sœur dans nos sociétés contemporaines. Le film dresse un parallèle entre les catégories désuètes des contes que les deux fées posent aux hommes dans Paris – blond, beau, riche, sachant monter à cheval… – et celles presque similaires utilisées pour dégrossir les choix des sites ou des applications de rencontres. La révolution relationnelle qu’ont apportée ces derniers ne peut ainsi se défaire d’une œillère enfermant la personne recherchée dans une représentation mentale sans surprise. En dehors de ce regard (presque) critique sur une industrialisation de la drague, le reste du monde réel, comme la précarité ou l’homosexualité, n’est vu qu’avec une naïveté au mieux sympathique au pire sans substance.
De la même manière que dans les contes, l’humanité se scindent en deux groupes : d’un côté, les gens bien habités par des valeurs – l’amitié, la famille, le travail – : de l’autre, les gens mauvais pervertis, et pervertissant, par l’ivresse des substances illicites. Dans cette schématisation primaire, les personnages des fées sont voués à être des individus monolithiques – et ce malgré l’inversion attendue des comportements à la moitié du film – qui errent dans une conception simplifiée du monde. Il manque à Un jour mon prince une dimension plus corrosive qui permettrait de dépasser le premier degré. En effet, si les fées découvrent et apprivoisent notre monde, il est nécessaire – voire obligatoire – de dépasser le constat pour un spectateur voyant finalement que son quotidien. Les Rois Mages des Inconnus (France, 2001) avait en partie réussi ce défi dans le même genre de l’humour.
Un jour mon prince cherche à moderniser les contes de fées. Néanmoins, le film reprend progressivement les travers de ce genre de récit. Il apporte finalement pour seule originalité par rapport aux productions Disney, reines du genre, la décision de faire des personnages drôles des protagonistes et non des acolytes. Une sage décision face à la fadeur du « prince » joué par Hugo Becker – pas convaincant –. En voulant réaliser un film « Tout Public », Flavia Coste affadie ses propos pour obtenir un consensus générationnel. Mais en agissant de la sorte, elle ne pourra jamais dépasser l’adjectif sympathique malheureusement souvent accompagné en filigrane de celui d’oubliable.
Le Cinéma du Spectateur
☆☆ – Moyen