Jacquou le Croquant (2007) de Laurent Boutonnat

Par Seleniecinema @SelenieCinema

3ème et dernier long métrage de Laurent Boutonnat après le rare "La Ballade de la Féconductrice" (1980 - interdit au moins de 18 ans à sa sortie alors que le réalisateur avait 17 ans !) et surtout après "Giorgino" (1994) avec sa muse Mylène Farmer pour laquelle il a réalisé ses plus beaux clips et composés la plupart de ses succès, de véritables court-métrages tels que "Libertine" (1986), "Désenchantées" (1988) et "Pourvu qu'elle soit douce" (1991)... Homme aux multiples talents il se lance dans ce projet à plus de 20 millions d'euros de budget avec la ferme idée d'en faire un dyptique, un film sur la jeunesse et un autre à l'âge adulte mais les producteurs ont marqué le pas l'obligeant à réaliser un film de 2h30 maximum. Adapté du célèbre roman éponyme (1899) de Eugène Le Roy, qui avait déjà connu le petit écran avec une feuilleton en 6 épisodes (1969), l'histoire du film se lie avec la grande Histoire puisque ça se passe dans la France de la Restauration de la royauté vers les années 1816-1824 environ.

Le livre, outre l'aventure de Jacquou, insiste sur les us et coutumes des paysans de l'époque mais aussi dénonce le retour au pouvoir des nobles et de l'Eglise. Le roman est un merveilleux matériau et le potentiel est assurément présent. Boutonnat réunit pour se faire un casting solide, si Jocelyn Quivrin (encore peu connue venait de tourner "L'Empire des Loups" en 2005 de Chris Nahon) était d'abord promis au rôle de Jacquou celui-ci préféra refusé pour celui du méchant comte de Nansac, le rôle titre revenant à Gaspard Ulliel (qui commençait alors à se faire un nom après "Un long dimanche de fiançaille" en 2004 de Jean-Pierre Jeunet). À leurs côtés on a la jeune Judith Davis dans son premier vrai rôle et surtout des acteurs expérimentés avec Marie-Josée Croze, Albert Dupontel (qui retrouve Ulliel après "Un long dimanche..."), Tcheky Karyo et Olivier Gourmet. On suit donc le destin de Jacquou, dont le père meurt au bagne et la mère de fatigue et de maladie. En grandissant il va pouvoir se venger du comte de Nansac... La reconstitution d'époque est belle, des costumes soigné et le vrai gros point fort de Boutonnat est son réel sens de l'image. Mais à contrario il tombe dans les écueils du clip où en 2-3mn il faut marqué les esprits par des images symboliques et/ou d'épinal.

Boutonnant abuse donc trop souvent de scènes ou de passages qui sonnent faux, de par le décalage entre esbrouffe et réalisme. Comment ne pas sourire quand Jacquou appelle son père en criant à la Lune ou quand en plein piège terrifiant s'en sort en grattant des briques avec une simple épingle à cheveux ?! Que dire de la fille Nansac, bien jolie au demeurant, mais dont les sentiments pour Jacquou sent beaucoup trop la naïveté et la mièvrerie. Le pire étant sans doute la qualité très pauvre des dialogues ! Des dialogues trop souvent ineptes ou simplement vides d'inspiration. Et pourtant, à contrario, d'autres passages sont superbes et offrent un souffle romanesque comme la scène du bal du village. Les acteurs sont bons mais leur jeu ne colle pas toujours, on sent une direction d'acteur fastidieuse d'où quelques passages trop théâtraux (le retour de Jacquou après sa disparition). Etonnament ce film parait être celui d'un débutant, le 1er film d'un cinéaste, trop de maladresses, trop de tentatives d'épates malgré une photographie et un réel sens du spectacle. Pas désagréable pour autant mais un film trop bancal pour convaincre pleinement et nous emporter.

Note :