Tout n’est que fiction et la fiction est plus forte
Réalisation Pablo Larraín 2017
Que savons de Neruda ? Telle est la question que chacun peut se poser au moment d’entrer dans ce film.
Car on y entre, et c’est la première bonne nouvelle, tant l’incertitude peut nous étreindre à l’instant où l’extinction se fait dans les salles obscures que sont nos cinémas : « Que suis-je donc venu voir ? ».
Néruda est poète -l’immense poète comme nous l’a laissé la postérité- avant même qu’on lui demande quoi que ce soit et communiste. Il est communiste de salon et tant que tel penseur -il ne prend pas les armes- et ce sont les communistes pauvres, ceux du peuple, qu’on arrête pour mettre dans les camps. Et pourtant le film nous fait croire qu’on le pourchasse, qu’il est menacé.
Comme il est aussi sénateur, il porte la parole contre le pouvoir qui cherche à éliminer les communistes. Et puis donc il fuira. Alors le jeu commence; pas vraiment au chat et à la souris; plutôt un parcours fait de méandres réels ou rêvés, presque traqué par un policier ectoplasme.
On entre alors en Neruda bien plus qu’en Peluchonneau -obscur rejeton et flic- pris dans sa poésie, sa vie d’excès, ses lyriques dithyrambes pamphlétaires, son verre de Whisky posé à côté des feuilles qu’il noircit.
Pablo Larrain nous prend, nous tient en Neruda, il joue avec nous sans jamais nous manipuler. Son film nous prend dans ses rets littéraires, trouvant l’inspiration d’un onirisme absurde, si cher à l’Amérique latine à travers bon nombre de ses écrivains; je pense notamment à Garcia Marquez, Juan Rulfo ou encore Juan-Carlos Onetti.
P. Larrain a fait un film littéraire, jamais verbeux, jamais ennuyeux et si souvent subtil dans sa mise en scène que le montage -magnifique- joue avec elle et c’est d’une grande intelligence. La photo superbe colle au film.
Chaque comédien(ne) est juste et à sa place.
En premier lieu dans ce rôle-monstre : Luis Gnecco (déjà dans « No » du même Larrain). L’acteur -somme toute méconnu- recèle des trésors de finesse dans son interprétation.
En pauvre petit flic Gaêl Garcia Bernal est très bien.
Le film est d’une densité rare tant il nous propose des pistes, des idées, des voyages…
La bande-son souligne et sous-tend superbement l’action et l’errance, nous immergeant plus encore dans le film, avec un thème hypnotique de Grieg.
Le hasard du calendrier cinéma nous proposera (01/02/17) son prochain film « Jackie » : donc l’ex-madame-président assassiné (Natalie Portman dans le rôle titre) ; avec Larrain la politique n’est jamais loin, et le Cinéma lui est bien présent.
Synopsis Télérama Neruda
A la fin des années quarante, le poète communiste chilien Pablo Neruda, amateur de femmes et de fêtes, est déclaré traître au régime populiste en place. Le président Vileda. Avec son épouse, l’exubérant Neruda, défenseur de la classe ouvrière, doit fuir, se cacher. L’inspecteur Oscar Peluchonneau se lance à sa poursuite. Il commente en voix off l’étrange jeu de cache-cache, des coulisses du pouvoir de Santiago à la cordillère des Andes. A chaque fois qu’il pense pouvoir attraper l’homme de lettres, celui-ci est déjà loin.