Seuls sont les indomptés

Seuls sont les indomptésComme un cow-boy sans repère
Pour les cents ans de Kirk Douglas, ARTE a eu la bonne initiative de diffuser plusieurs des grands films du comédien. Et autour des grands classiques, une petite perle ; ce film est le préféré de Kirk. A ce titre, il était nécessaire de le voir. Le jugement du dernier grand comédien vivant de l’âge d’or d’Hollywood… çà compte non !
Pour l’illustrer, la critique de Virgile Dumez sur « avoir a lire » : « Producteur de plus en plus impliqué, la star Kirk Douglas en ce début des années 60 tombe sous le charme d’un roman mineur d’Edward Abbey qui conte les aventures d’un cow-boy incapable de s’adapter au monde moderne des années 50. L’acteur charge Dalton Trumbo, scénariste longtemps blacklisté avec lequel il a déjà collaboré surSpartacusetEl Perdido, d’en tirer un script enrichi de nombreux épisodes. Chose plutôt rare, le romancier lui-même avouera quelques temps plus tard que le scénario de Trumbo est nettement supérieur à son propre travail. Une fois le scénario en poche, Kirk Douglas s’est mis en quête d’un réalisateur qu’il pourrait modeler à sa convenance (on connait l’interventionnisme quasiment maladif de Douglas et ses heurts incessants avec les réalisateurs qui ont eu le courage de travailler avec lui). Il jette son dévolu sur l’inconnu David Miller, technicien consciencieux, mais quelque peu impersonnel. Si le tournage se passe mal à cause de relations houleuses entre Douglas et Miller, le résultat final est enthousiasmant à plus d’un titre, faisant deSeuls sont les indomptésun petit classique du genre.
Débutant par un gros plan sur Kirk Douglas endormi près de son cheval, le film se place d’emblée dans la mouvance du western classique, dominé par un superbe noir et blanc très contrasté. Pourtant cette image classique est aussitôt contredite par l’intrusion dans le champ sonore d’avions à réaction qui indiquent que le long-métrage se déroule à l’époque contemporaine. Si le personnage de Kirk Douglas commence par découper quelques barbelés (référence consciente à un autre classique avec Douglas intitulé
L’homme qui n’a pas d’étoile), on se rend vite compte que son besoin maladif de liberté, valeur typiquement américaine, ne peut que le conduire à sa perte dans une société entrée dans la modernité. Désormais, les routes quadrillent le territoire, les barrières limitent les propriétés privées et les prisons imposent un comportement civilisé que cet homme d’un autre temps ne peut comprendre. Ainsi, la fuite éperdue du personnage principal se transforme peu à peu en une équipée suicidaire qui ne peut le conduire que vers une fin tragique.
Magnifiée par une photographie sublime, cette impossible échappée sauvage sait se faire tour à tour contemplative (la nature y joue un rôle central comme plus tard dans le western écoloJeremiah Johnson), trépidante (la course-poursuite entre Kirk Douglas et Walter Matthau est passionnante) ou bien tragique (la très belle relation avortée entre Douglas et la superbe Gena Rowlands). Tous ces éléments concourent à faire deSeuls sont les indomptésune œuvre enthousiasmante, comme un sublime chant du cygne d’un genre alors en pleine mutation. »
Sorti en 1962Ma note: 13/20