" Trois Films. Trois Bandes Originales. Trois Compositeurs. "
Rogue One : A Star Wars Story composée parMichael Giacchino
La B.O de Rogue Oneavait tout pour diviser les avis avant même que le film ne sorte. La production chaotique du film que chacun connaît, le peu de temps attribué à la composition (quatre semaines), et l'héritage de la musique de John Williams. En ce qui concerne ce dernier point, le défi est relevé en grande partie. L'orchestration de Giacchino intègre le style de Williams sans le copier. On était en droit de l'attendre venant de celui qui avait déjà réussi à ne pas trahir les travaux originaux de Jurassic Park pour Jurassic World.
Les choix des thèmes ré-utilisés sont en général pertinents. Le motif de Dark Vador est repris dans Krennic's Aspirations, mais déstructuré rythmiquement. Ce qui traduit le fait que Vador n'est pas encore au paroxysme de son pouvoir. Les motifs de la force et de l'aventure (motif du thème principal des Star Wars) sont aussi évoqués timidement, en adéquation avec les prémices d'une rébellion contre l'Empire, qui prendra toute son ampleur dans l'épisode IV.
Les nouveaux thèmes se fondent dans l'univers musical de la saga, mais manquent parfois de profondeur et d'ampleur. L'apparition du thème principal au titre paraît fade et manque d'envergure dans le film. Ce qui n'est pas toujours le cas dans le reste de la B.O. Le nouveau thème de l'Empire, bien que de nombreuses fois répété, n'est pas à la hauteur de la menace qui pèse sur les protagonistes du film. Excepté peut-être dans Imperial Suite, bien que là tout soit fait pour évoquer la future Marche de l'épisode V. On peut sans doute imputer cela au temps imparti à Giacchino.
Il en reste une B.O assez bancale dans ses intentions, mais qui propose certains moments de bravoures, notamment sur la fin. Le plus gros défaut étant en fin de compte que c'est une B.O qui cherche plus à coller à l'univers Star Wars qu'à proposer du neuf. Là où chaque nouvel opus de Williams apporte son lot d'idées fraîches à la saga. Ce qui est d'autant plus dommageable pour un spin off.
Premier Contact composée parJohan Johannsson
Johan Johannsson est, depuis plusieurs années, habitué à travailler avec Denis Villeneuve ( Prisoners, Sicario). L'alchimie entre les deux artistes a toujours été palpable et elle l'est d'autant plus pour Premier Contact. L'ode à la communication que transmet le film peut aussi être traduite par la relation entre image et musique. Tout comme il est a priori difficile de communiquer avec une espèce extra-terrestre, il est difficile de donner à entendre ces êtres, et encore plus, faire comprendre un dialogue entre humains et Heptapods.
Alors bien sûr, une grande partie du travail sonore du film est le sound design. Ce qui est perceptible dans les mouvements aliens, les bruits relatifs aux vaisseaux, etc. Johannsson quant à lui développe l'atmosphère et surtout, les balbutiements. En effet, dès que la communication entre espèces à lieu dans le film, apparaissent des voix qui reproduisent un langage primitif. Dans l'idée, c'est comparable aux premiers sons qu'émets un nourrisson lorsqu'il répète dès syllabes en " m " ou " p ". Le choix de multiplier et diversifier ces voix et de les superposer à une musique percussive répétitive (dans Teaching Montage notamment) donne la sensation d'assister à la construction d'un message. Là où ce traitement des voix s'avère pertinent, c'est qu'il est transposable aux deux axes majeurs du film. D'un côté, établir un contact avec les Heptapods, de l'autre, transmettre un message à son enfant.
La B.O de Premier Contact frappe juste et trouve un intérêt en dehors du film pour lequel elle a été réalisée. Ce qui peut gâcher l'écoute c'est le fait de ne pas adhérer à l'univers du compositeur à l'origine, ou rester indifférent face aux enjeux du métrage. Cela priverait toutefois d'un effort maîtrisé de la part du compositeur islandais.
MARS composée parNick Cave & Warren Ellis
2016 a été une année chargée pour le duo, mais remplie tout autant de travail que de succès. Au cinéma il y'eut surtout la bande originale de Comancheria. Celle-ci brillait par son côté immersif dans le décor aride et hostile du film. L'immersion c'est ce qui qualifie aussi cette nouvelle B.O. La différence est l'ambiance qu'il a fallu retranscrire. Comme son nom l'indique, il s'agit d'un voyage vers la planète rouge, Mars. L'enjeu de ce docu-fiction est de présenter les problèmes qui surviennent lorsque l'on veut organiser un voyage vers Mars. La partie fiction montre des astronautes qui y parviennent en 2033.
Nick Cave et Warren Ellis réussissent à capter l'attention dès la première piste et à ne la lâcher qu'à la toute fin. Pour cela le duo utilise de grandes nappes synthétiques souvent de rigueur lorsque l'on représente l'espace en musique. Ces nappes sont pratiques pour faire perdre la notion de tempo et rendre compte de l'immensité du cosmos. Dans Mars, ce concept est contre-balancé par les percussions électroniques rapides, mais surtout par la présence du piano, du violon et du glockenspiel. On entend les lames de métal de ce dernier dans Planetariumnotamment. Souvent rattaché à l'enfance ou au féérique, le glockenspiel vient ici apporter une dimension à la fois humaine et onirique. Il est facile de rattacher cela à l'aspect science-fiction du documentaire. Au fait que le voyage jusque Mars fasse encore partie du domaine du rêve. La dimension réellement humaine, physique, est apportée par la présence des deux chansons qui ouvrent et ferment l'album. Ces chansons ne jurent pas avec le reste de la B.O puisqu'elles en reprennent les ingrédients. Elles viennent la compléter.
Si l'on est transporté d'un bout à l'autre, on aurait tort de croire que ce nouvel opus est fainéant. L'immersion doit être dans ce cas précis une première étape vers la réflexion. Cave et Ellis ont déposé au long du CD des indices de quelque chose de plus qu'un simple voyage. Plus qu'une simple musique que l'on pourrait écouter en faisant autre chose. Mars est en réalité une invitation qu'il serait dommage de décliner.