Synopsis : " Paul est marié à Sali. Tout irait pour le mieux s'ils arrivaient à avoir un enfant. Jusqu'au jour où Sali reçoit l'appel qu'ils attendent depuis si longtemps : leur dossier d'adoption est approuvé. Il est adorable, il a 6 mois, il s'appelle Benjamin. Il est blond aux yeux bleus et il est blanc. Eux... sont noirs ! "
Les lumières de la salle de cinéma s'allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position " je m'installe comme à la maison " ce n'est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique...
C'est déjà le quatrième film de Lucien Jean-Baptiste (si on excepte sa participation au documentaire Pourquoi nous détestent-ils ?). Après avoir enchanté avec La Première Étoile et ému avec DieuMerci ! (on lui pardonnera les égarements de 30° Couleur, moins maîtrisé), il revient avec une comédie. Une comédie multiple : familiale, culturelle et de mœurs. Sur un sujet " casse-gueule " : un couple noir adopte un bébé blanc, il réussit le tour de force de faire rire sans jamais tomber dans l'humour graveleux ou la plaisanterie facile. Bien entendu, la bande-annonce a déjà révélé quelques passages cocasses, voire révoltants, par moment, mais avec humour. Cependant, tout n'était pas là et heureusement... Oui, et heureusement, car la plaisanterie aurait pu tourner court. Il faut dire que Lucien Jean-Baptiste a soigné le scénario (avec une petite réserve que je vous garde pour la fin... sans jeu de mots). Et il a également soigné son casting. À commencer par Aïssa Maïga qui est définitivement faite pour la comédie ! Elle joue l'amour, l'humour et surtout l'émotion avec justesse. Elle est le pivot du film qui doit affronter Zabou Breitman, en inspectrice de l'ASE (Aide Sociale à l'Enfance), perfide. Elle rappelle même lors de sa première visite de contrôle Cruella d'enfer... vous ne pourrez vous empêcher d'y penser !
Mais le film tient-il la route ? En effet après une idée de départ originale, il faut pouvoir garder le spectateur en haleine. Le réalisateur y arrive, car il s'entoure d'une galerie de personnages truculents : du meilleur ami totalement barré et azimuté ( Vincent Elbaz qui peint un mur en slip pour ne pas tacher son pantalon, mais garde son pull parce qu'il a froid), à la mère sénégalaise bloquée sur la blancheur du petit-fils (drôlissime Marie-Philomène Nga) et puis quelques seconds rôles assez bien dessinés (dont la copine décalée, Delphine Théodore). Aucune fausse note ? Si malheureusement, cette fin un peu bâclée, expéditive alors que les ressorts de la comédie ont habité tout le film. On sait pertinemment que l'adoption va à un moment poser un souci, mais... mais il est dommage que Lucien Jean-Baptiste et Sébastien Mounier n'aient pas réussi à tenir leur scénario pour aboutir à un passage quelque peu grotesque qui aurait pu être plus enlevé (malgré la bande-son de Big Soul). Certes le " happy end " est nécessaire, mais la façon d'y arriver est maladroite. Pourtant sans entraîner de lourds éclats de rire, Il a déjà tes yeux est une comédie légère et pétillante. Et dans le même temps, elle traite d'un sujet de société : l'adoption par des couples différents. La recherche de l'amour pour les enfants qui ne sont pas les siens. Lucien Jean-Baptiste offre une comédie sociale sur le vivre ensemble. Savoir se comprendre pour finalement se reconnaître et donc " s'adopter ". Il a déjà tes yeux ne restera peut-être pas dans les annales de la comédie française, mais aura eu le mérite de placer Aïssa Maïga au centre de l'attention. Et aussi de poser la question de la famille aujourd'hui : quelle est-elle ? Comment se conçoit-elle ? Avec une petite pique de rigueur bien sentie contre la Manif pour tous ! Car un enfant a surtout besoin d'amour quel que soient la couleur, le sexe ou l'âge des parents. Et en ce sens, Il a déjà tes yeux saura faire réfléchir. Un film réalisé avec beaucoup d'amour : ça se sent et ça fait du bien.