Alexandre le Grand, un des plus grands conquérants de l'Histoire n'avait jusqu'ici connu qu'une seule adaptation ciné, c'était "Alexandre le Grand" (1956) de Robert Rossen avec Richard Burton dans le rôle titre. Cette fois, début des années 2000 deux projets se tenaient coude à coude. Celui de Baz Lurhmann avec Leonardo Di Caprio et celui de Oliver Stone, le premier ayant pris trop de retard laissera le champ libre au réalisateur de "Salvador" (1985) et "U-Turn" (1996). Si Oliver Stone est un habitué des biopics et des films historiques avec des personnalités fortes de l'Histoire en ayant signés quelques chefs d'oeuvres du genre comme "JFK" (1991) et "Nixon" (1995) "Alexandre" est le premier et unique film historique à se dérouler aussi loin dans le temps. Stone quitte donc notre époque pour se plonger dans le peplum à grand spectacle alors que le genre connait un renouveau après "Gladiator" (2000) de Ridley Scott et "Troie" (2004) de Wolfgang Petersen. Quand on connait le réalisateur Oliver Stone on peut s'attendre à un film époque, flamboyant et ambitieux avec cet ingrédient indispensable à un film stonien, la polémique et le poil à gratter. Le destin de Alexandre le Grand est une évidente inspiration pour le grand écran, un tel cinéaste pour ce projet ouvre un vrai appétit. Stone dit du conquérant que "en définitive, ses échecs mêmes surpassent les accomplissements de la plupart des hommes...", et sur son projet : "On a de bonnes connaissances historiques - pas énormément, mais suffisamment - pour justifier ce que nous avons écrit dans le scénario. C'est une histoire merveilleuse et le plus difficile reste de trouver la meilleure manière de la raconter. J'espère que de ce point de vue, le scénario est réussi."...
Le réalisateur est aussi audacieux qu'ambitieux et avec un tel projet il peut réunir un casting et une équipe digne de son talent et de son sujet. Pour le souffle on a donc le retour de Vangelis ("Les Chariots de feu" et "Blade Runner") pour la musique, le professeur d'Histoire à l'université de Oxford Robin Lane Fox comme conseilleur historique, le célèbre Dale Dye (déjà trabaillé pour Stone sur "Platoon" et "Né un 4 juillet") comme conseiller militaire et évidemment des acteurs aux firmaments. Anthony Hopkins en narrateur (Michel Piccoli en VF), Rosario Dawson en princesse, Jared Leto en favori, Val Kilmer (après "The Doors" retrouve Oliver Stone avec un second rôle mais central et pour une grande performance) et surtout le duo tendancieux joué par Angelina Jolie en maman et Colin Farrell en Alexandre. Mine de rien ce duo est à la fois le point fort et le point faible du film. En effet les deux acteurs ont à peine un an d'écart, sans jouer outrancièrement du maquillage la sensation que la maman soit du même âge renforce l'idée incestueuse et dérange. Mais dans le même temps aucune scène n'appuie franchement cette idée. Ensuite si le choix de Colin Farrell semble bon (c'est un excellent acteur) on ne peut en dire autant du choix d'interprétation et de la direction d'acteur sur le personnage de Alexandre ; Farrell l'incarne un peu timoré parfois, peu sûr de lui, en proie trop souvent au doute, comment peut-on y adhérer tant le destin de ce conquérant est hors norme ?! Il semble que Alexandre aurait été sans doute plus crédible et cohérent avec un personnage plus fort dans sa tête, plus charismatique, plus imposant...
Si le scénario retrace plutôt bien la chronologie en omettant pas les grandes dates et évènements marquants de la vie d'Alexandre on peut noter quelques incohérences, notamment le fait qu'en vérité la rébellion de ses soldats se situe après la bataille en Inde et non avant. On n'est pourtant pas surpris outre mesure, Stone a souvent réécrit l'Histoire en aimant combler les "trous" par ses propres suppositions, c'est aussi cela qui ajoute du grain à moudre (dans tous les sens du terme). Un bémol également sur les effets visuels pas toujours opportuns et peu inspirés, voir plutôt laids devant à priori matérialiser les faiblesses psychologiques du conquérant. Finalement Oliver Stone semble s'être fait vampiriser par son propre projet, tant à dire et tant à montrer que le cinéaste semble s'être un peu pris les pieds dans le tapis d'où un film certe amibitieux et terriblement dense mais semés de maladresses et de choix hasardeux. A un Alexandre pas assez conquérant (dans ce qu'il dégage comme dans sa tête) et à des "cauchemars" superflus Stone impose heureusement un réel point de vue et quelques scènes dantesques (on pense évidemment au face à face Bucéphale vs Eléphant). Après son film "L'Enfer du dimanche" (1999) Oliver Stone signe donc un film inabouti mais prenant et intéressant qui signe avant tout un petit déclin dans les années qui suivront...
Note :