2017 commence son chemin de croix, on apprend ce matin que l'actrice Emmanuelle Riva est morte ce 27 janvier 2017 à l'âge de 89 ans, à 1 mois de ses 90 printemps.
Née en 1927 dans les Vosges au sein d'une famille modeste d'origine italienne, la jeune Emmanuelle est élevée dans l'optique de devenir couturière. Elle est une lectrice assidue d'oeuvres théâtrales et finie par rejoindre une petite troupe de théâtre amateur de Remiremont.
Malgré l'opposition de sa famille elle semble convaincue d'avoir le talent nécessaire pour la comédie. Elle monte donc à Paris en 1953 et passe le concours de l'école de la Rue Blanche où elle est admise. Elle obtient dans la foulée une bourse d'étude. Malheureusement elle est déjà trop âgée pour intégrer le Conservatoire d'Art Dramatique.
Elle est engagée pour son premier rôle sur la pièce de théâtre "Le Héros et le soldat" (1954) de George Bernard Shaw et mise en scène par René Dupuy. Après plusieurs pièces elle apparait pour la première fois sur grand écran dans le film "Les Grandes Familles" (1958 - ci-dessus) de Denys de La Patellière où elle joue une secrétaire.
Mais sa carrière prend un virage important avec son second film. Elle est choisie par Alain Resnais pour interpréter le premier rôle féminin aux côtés de l'acteur japonais Eiji Okada dans le grand film "Hiroshima mon amour" (1959 - ci-dessus et ci-dessous). Le réalisateur l'aurait choisi après l'avoir vu dans la pièce "L'Epouvantail" (1958) de Dominique Rolin mise en scène par André Barsacq.
Le succès public et surtout critique du film, entre fiction et documentaire, est retentissant et permet à Emmanuelle Riva d'être reconnue. Sans jamais quitter les planches elle est et sera désormais aussi une grande actrice de cinéma.
Elle est Térèse dans le film "Kapo" (1961) de Gillo Pontecorvo et surtout elle est une agnostique qui tombe amoureuse de Belmondo dans l'excellent "Léon Morin, prêtre" (1961 - ci-dessous) de Jean-Pierre Melville.
Dans la foulée elle tourne le rôle-titre de "Thérèse Desqueyroux" (1962 - ci-dessous) de Georges Franju pour lequel elle est primée de la Coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine lors de la Mostra de Venise 1962. Elle retrouve le réalisateur pour "Thomas l'imposteur" (1965) sur un scénario posthume de Jean Cocteau.
Elle ralentit ensuite les tournages cinéma, mais reste très active au théâtre. Mais on la voit régulièrement sur grand écran et notamment dans "Les risques du métier" (1967) de André Cayatte et "J'irai comme un cheval fou" (1973) de Fernando Arrabal.
Si elle favorise aisément un cinéma plus littéraire on la voit aussi dans des univers inédit comme dans "Y-a-t-il un français dans la salle ?" (1982) de Jean-Pierre Mocky.
Par la suite elle joue pour des réalisateurs réputés difficiles et pour un cinéma d'auteur exigeant. On peut citer "Les yeux, la bouche" (1982) de Marco Bellochio et "Liberté, la nuit" (1983 - ci-dessus) de Philippe Garrel.
Elle joue dans "La passion de Bernadette" (1989) de Jean Delannoy, "Pour Sacha" (1991) de Alexandre Arcady et surtout elle est la mère de Juliette Binoche dans "Trois Couleurs : Bleu" (1993 - ci-dessous) de Krzysztof Kieslowski.
Avec l'âge elle joue souvent des seconds rôles de grands-mères souvent caractérielle. Elle est dans "Vénus Beauté" (1999) de Tonie Marshall, "C'est la vie" (2001) de Jean-Pierre Améris, "Eros Therapie" (2004) de Danièle Dubroux, "Le Grand Alibi" (2008) de Pascal Bonitzer, "Le Skylab" (2011) de Julie Delpy...
Presque par accident sa carrière connait un dernier envol de prestige en jouant aux côtés de Jean-Louis Trintignant dans le film "Amour" (2012 - ci-dessus) de Michael Haneke sur les difficultés de vieillir sur fond de Alzheimer. Le film est un succès, Palme d'Or au 65ème festival de Cannes, Oscar du meilleur film étranger, César du meilleur film avec en prime son interprétation (comme celle de Trintignant) saluée unanimement. Elle est d'ailleurs, à 85 ans, multi-primée entre autres du Prix de la meilleure actrice européenne, du Bafta (équivalent Césars britanniques), et César de la meilleure actrice 2013.
Elle joue encore un peu, sur scène comme sur écran avant de tourner dans son dernier film, "Marie et les naufragés" (2016 - ci-dessus) de Sébastien Betbeder.
Outre le cinéma elle avait une passion pour la poésie. Elle a publié trois recueils : "Juste derrière le sifflet des trains" (1969), "Le feu des miroirs" (1975) et "L'Otage du désir" (1982).
Emmanuelle Riva, quintessence de l'actrice prolifique mais discrète, a eu une carrière dense mais audacieuse qui en fait une singulière et qui a su magnifiquement terminé au sommet avec un film au titre idéale ("Amour") pour cette grande actrice.
Emmanuelle Riva est décédée ce vendredi 27 janvier 2017 à l'âge de 89 ans des suites d'un cancer.