Archetype pour votre inspiration : demeter

Par William Potillion @scenarmag

Lorsqu’on a une idée plutôt confuse d’un personnage, les archétypes  se révèlent souvent de très belles sources d’inspiration.

Penchons-nous dans cet article sur la déesse Déméter vue comme un archétype.
Déesse de l’agriculture et des moissons, les pérégrinations de Déméter (Cérès chez les romains) sont assez tragiques.

Arpentant les rues dans la froideur de la nuit à la recherche de sa fille enlevée, Déméter se laissait lentement mourir de chagrin en se souvenant des moments heureux avec Perséphone.

Zeus est dans le coup

Apprenant la vérité sur l’enlèvement de sa fille, Déméter, furieuse et désespérée, jura de ne plus remettre les pieds sur le Mont Olympe et de ne plus rien laisser pousser sur terre.

L’hiver accompagnait chacun de ses pas tant que Déméter ne retrouvait pas Perséphone.
La famine régnait en maîtresse maléfique et mystérieuse.

A la recherche de Perséphone, Déméter ne se souciait ni d’elle-même, ni de l’humanité. Seule son enfant comptait.

Une mère aimante et protectrice

L’utilisation de l’archétype de Déméter ne nécessite pas que le personnage qui s’en inspire soit une mère de famille. Ce besoin nourricier chez Déméter est un trait de caractère qui se suffit sans qu’il soit soutenu par la présence d’un enfant.

Cet aspect de la personnalité de Déméter peut être lui-même compris comme un sens du devoir envers autrui.
L’intercession des autres dieux pour lui faire accepter la disparition de sa fille et sa pauvre destinée entre les bras de Hadès ne suffira pas à soulager Déméter.

Elle veut le retour de sa fille. C’est sa seule motivation. Parmi les motifs qui explique cette motivation, il est bon de noter la joie de vivre que lui apporte sa fille.
Au niveau de l’archétype, on peut supposer que le personnage ressent une véritable félicité dans l’aide qu’il apporte aux autres. C’est comme si le personnage donnait un sens à sa vie en se rendant utile face à la détresse.
Cette volonté d’aider avec pour seul espoir d’être aimé en retour peut peut-être aussi se justifier par un abandon.

Sa place dans le monde

Cet archétype se caractérise par le soutien matériel et moral qu’il offre à autrui. Il se rencontre souvent dans les professions de santé ou dans celles de la petite enfance.

Forgeant de solides amitiés avec les personnes qui lui ressemblent, il est difficile alors pour un auteur d’adjoindre à son personnage s’inspirant de Déméter, un personnage aux œuvres similaires sans prendre le risque d’annihiler sa construction.

Le type de relations le plus évident pour expliquer l’archétype est de nature conflictuelle. C’est-à-dire dans la rencontre avec un autre individu qui ne partage pas ses vues sur le don de soi, sur la nécessité de se définir dans le regard des autres.

L’archétype entre rarement en compétition avec quelqu’un qui lui ressemble.
Une organisation charitable est le contexte physique et spirituel dans lequel sa personnalité se manifeste le mieux.
Une personnalité qui est marquée par la bienveillance, la compassion, la générosité.

Pour cet archétype, son propre salut passe par la miséricorde.

Une relation d’aide tout azimut

Les organisations charitables ne sont pas les seuls lieux où peut se manifester le but que s’est fixé l’archétype.
Le personnage issu d’un tel modèle peut trouver du sens à sa vie dans le secours aux animaux.
Ou se sacrifier pour le bien-être de ceux qu’il aime. Il peut même aider un étranger rencontré dans la rue. Cette rencontre peut d’ailleurs servir d’incident déclencheur si vous basez votre héros sur un tel modèle archétypal.

Les problèmes relationnels que peut rencontrer un tel personnage viennent du fait de sa présence trop marquée auprès des autres qui aimeraient bien pouvoir respirer dans un espace un peu moins encombré de ce chaperon un peu trop zélé.

Une vision particulière du sacrifice

Le sacrifice est la marque des héros. On doit cependant admettre que le dévouement et l’abnégation du personnage façonné à partir de Déméter possède une conception sacrificielle extrême.
Il n’hésitera pas à sacrifier d’autres si cela signifie sauver ceux qu’elle aime. On est proche parfois de l’acte terroriste avec un tel personnage.

Il y a des possibilités de faire de l’archétype de Déméter un antagoniste avec toute une panoplie de raisons qui peuvent expliquer son comportement.
Ou bien justifier chez le héros des actes immoraux. Afin que le lecteur comprenne ce geste immoral qu’il vient d’observer chez lui.

Une détresse cachée

Souvent, le personnage cache sa propre blessure dans l’altruisme dont il fait preuve. S’il a souffert d’un abandon dans son enfance, sa générosité actuelle bien que sincère peut lui éviter de revivre ce qui le fait tant souffrir.

Sa plus grande peur est de perdre ceux qu’il aime. Dans son quotidien, cela se traduit par une sur-protection étouffante.
Et lorsqu’on pointe sur ce comportement excessif l’accusant paradoxalement de détruire ceux qu’il s’est persuadé de protéger, il peut devenir agressif. Ou du moins colérique.

Sa défense consiste à prémunir des dangers. Mais on lui rétorque qu’il n’y a pas de menace immédiate. En d’autres termes, les autres tentent de lui faire prendre conscience de l’inanité de ses actes.

Sa peur véritable, donc, serait de ne pas être là quand le danger sera présent. Il en concevrait une culpabilité qui le minerait jusqu’à l’anéantissement.

Cette blessure qui est à l’origine de la faille dans sa personnalité (ce par quoi on peut l’atteindre pour le toucher émotionnellement) le fait souffrir énormément. Elle consume littéralement le personnage.
Et par le même coup fait souffrir ceux qui l’entoure.

L’abandon parmi les peurs fondamentales

Cette crainte de l’abandon qui terrifie le personnage basé sur Déméter se traduit dans les faits par la perte d’un être aimé.
La mort ou la séparation ou encore l’indifférence viennent percuter son besoin de se sentir nécessaire.

Un tel événement déclenche chez le personnage un sentiment de vide. Comme il se définit dans son rapport aux autres, lorsque les autres l’extirpent de leurs perceptions, l’existence du personnage devient absurde. Elle n’a plus de sens.

Incapable de gérer ses émotions

Son comportement fait montre parfois d’une hyper activité. Mais est-il vraiment quelqu’un qui ne peut s’accorder quelques moments de repos ?

Il est fort probable qu’il masque ses pensées et ses émotions en s’occupant continuellement. L’archétype qui tire ses caractéristiques de Déméter nie que son attitude peut en blesser plus d’un.
Et prendre conscience de cela est douloureux pour le personnage.

Etre aimé et être accepté dans une communauté est ce qui motive l’archétype. Il a besoin d’être connecté avec quelqu’un (au corps défendant parfois de celui-ci).
Le sens de la famille est très fort chez le personnage.

Pour donner une idée du personnage au lecteur, il faudrait décrire une scène où par exemple, il serait amené à prendre un animal de compagnie.
Devant une portée de chiots, ce n’est pas le plus fort ou celui qui vient vers lui qu’il choisirait. Il opterait pour le plus chétif, celui qui se terre, tout craintif d’être au monde.
C’est ainsi que s’exprime sa compassion.

Une relation univoque

Afin de maintenir un contexte conflictuel dans l’intrigue, la précieuse relation que met en place Déméter ne devrait fonctionner que dans un seul sens.
Si l’auteur accorde à Déméter le droit d’être totalement aimée en retour, la relation ne sera pas très intéressante à suivre pour le lecteur.

Un amour partiel est possible mais l’encombrante présence de Déméter est forcément conflictuelle. La relation sera toxique ou ne sera pas.
Il est possible alors que cette relation se termine tragiquement.

Une obstination remarquable

Il est compliqué aussi de joindre dans l’élaboration du protagoniste des traits de personnalité appartenant à l’archétype de Déméter.
En effet, le personnage est ferré dans une constance, une fermeté, qui, si cela devait évoluer, le détruirait.

Or un protagoniste doit suivre un arc dramatique qui doit le rendre meilleur à la fin de l’histoire. Si on lui fait prendre conscience que l’amour qu’il donne empoisonne la vie de ceux à qui il le donne, il perd sa seule raison de vivre.

Notons, cependant, que l’archétype de Déméter est un être courageux prêt à prendre tous les risques pour ceux qu’il protège. Déméter, elle-même, n’a t-elle pas défié les autres dieux ? Et n’a t-elle pas résisté lorsqu’ils ont tenté de la convaincre d’abandonner sa poursuite ?

Cette abnégation et cette détermination sont des traits importants chez un protagoniste.

Quel arc dramatique pour Déméter ?

Avant d’écrire un arc dramatique pour un personnage de fiction, la question inaugurale est de savoir quel est son objectif dans l’histoire.
Puis de déterminer ce qui pourrait l’empêcher d’accomplir ce but qu’il s’est fixé (enfin que vous lui avez fixé).

La subjectivité d’un personnage est ce qu’il y a de plus passionnant à suivre pour le lecteur.
Ce qui entrave le héros, ce qui le détourne de son objectif, ce sont ses craintes, ses propres peurs.
Il doit donc les vaincre pour avoir une chance de réussir.

Que doit donc apprendre Déméter pour surmonter ses peurs ?
A l’évidence, cet archétype doit apprendre à laisser partir ceux qu’il aime. Il doit intégrer cet abandon qui l’a fait souffrir et trouver dans ce détachement sa propre identité.
Le risque est grand cependant que le processus détruise le personnage.