Une réflexion intrigante et envoûtante sur l’après-vie.
Arrivée un peu sans prévenir sur Netflix en décembre dernier, cette mini-série créée par Zal Batmanglij et l’actrice Brit Marling (aussi vue dans Another Earth et I Origins de Mike Cahill) a suscité un vif engouement auprès des sériephiles avides d’expériences insolites. Et pour cause, The OA propose un voyage aux confins de l’entendement, levant le voile sur des questionnements métaphysiques que la science s’évertue encore à élucider. À ce titre, il est très important de garder l’esprit ouvert au risque de rejeter certaines idées extravagantes. Ce saut de foi, le spectateur doit l’effectuer dès le premier épisode, qui vient poser très simplement le contexte de l’histoire. Prairie Johnson (jouée par Marling), disparue depuis sept ans, ressurgit un beau jour sans crier gare. Fait étrange : la jeune femme a recouvré la vue alors qu’elle a toujours été aveugle. Son entourage tente de comprendre mais Prairie n’a pas beaucoup de temps devant elle, il lui faut constituer en secret un groupe de cinq personnes afin d’accomplir une mystérieuse mission de sauvetage.
Il y a dans cette prémisse la promesse d’un récit aux multiples ramifications, qui évoluerait à travers des genres différents. Le premier épisode en est la brillante démonstration. Alors que l’on s’imagine en terrain connu, à mi-chemin entre la chronique adolescente et le drame social, d’étranges événements viennent déjà parasiter le cadre réaliste, induit par les décors (une petite ville où couve la détresse à chaque coin de rue, digne de ces banlieues grisâtres qu’affectionne Ken Loach) et la trivialité des situations. C’est là toute l’audace d’une mini-série qui déroge régulièrement de son programme pour aller explorer d’autres voies, moins évidentes mais d’autant plus intéressantes. Il suffit de voir comment le générique de lancement de la saison est différé jusque dans les dernières minutes du premier épisode, créant un effet de sidération auquel il était impossible de se préparer. Dès lors, tout ce qui suivra n’aura de cesse d’étonner, parfois au détriment de la cohésion générale de l’ensemble, heureusement très souvent en faveur de l’implication émotionnelle du spectateur.
La partie la plus captivante et fascinante de The OA repose sur un segment en forme de huis-clos, où un chercheur (Jason Isaacs, impeccable en geôlier froid mais jamais antipathique) enferme plusieurs cobayes humains en sous-sol pour obtenir des réponses quantifiables, « raisonnables » à des problématiques qui dépassent de toute évidence l’exercice de la raison. Là commence le vrai projet de cette mini-série qui, loin de vouloir prêcher la bonne parole, entend éveiller les consciences, interroger le scepticisme tout autant que la croyance aveugle face à des sujets aussi insondables que l’après-vie ou l’existence de mondes parallèles. Si les derniers épisodes se retranchent derrière l’hypothèse mystique, ils n’évacuent pas la possibilité d’une affabulation collective, avec d’un côté une conteuse hors-pair (Marling fait merveille dans la peau de cette jeune cheftaine, qui semble détenir la vérité) et de l’autre, une assistance attentive et légèrement crédule, composée de cinq marginaux en mal d’évasion.
Le développement psychologique des personnages est surprenant à plus d’un titre également. Si l’héroïne représente à elle seule un modèle d’ambiguïté, le play-boy Steve (Patrick Gibson), l’autre maillon central de l’histoire, dévie peu à peu de l’image insensible et turbulente qui le caractérise au début pour gagner en épaisseur et intensité assez rapidement. Ce sera lui qui entraînera ses camarades, dans une séquence finale certes incongrue mais très émouvante, à reproduire tous ensemble une suite de mouvements essentielle à leur survie. Là aussi, l’audace de The OA se mesure à la foi que ses créateurs placent en leurs idées, à la fois lumineuses, courageuses et toujours sur le fil du ridicule. Quand arrive la fin de la saison, quelques réserves subsistent mais le sentiment de nouveauté et la prise de risques prévalent largement. C’est donc avec une impatience non-dissimulée que l’on attend d’ores et déjà la saison 2, pas encore confirmée mais plus que probable au regard du dénouement et même d’un dernier plan parfaitement énigmatiques.
Mini-série créée par Zal Batmanglij et Brit Marling, diffusée à partir du 16 Décembre 2016 sur Netflix.
Avec Brit Marling, Jason Isaacs, Patrick Gibson, Emory Cohen…