Poursuivons la traduction du chapitre 10 de la théorie narrative Dramatica sur les personnages subjectifs.
Le sommaire de tous les articles se trouve ici :
DRAMATICA : LA THEORIE EXPLIQUEE
Un acte de foi ?
Ajoutons une dernière pensée à cette brève introduction sur les personnages subjectifs. Les histoires où un acte de foi du personnage principal est exposé ne sont pas les seules histoires qui existent.
Comme reflet des processus de notre propre esprit, les histoires avec un lent changement de la perspective du personnage principal existent aussi lorsque, à la fin de l’histoire, le personnage principal est perçu par le lecteur comme ayant adopté naturellement le modèle alternatif que l’auteur lui a proposé.
Habituellement, dans de telles histoires, une situation dramatique se produit au début et elle est ensuite répétée (d’une manière à peu près similaire) vers la fin de l’histoire.
Le personnage principal réagit d’une certaine manière au cours de la situation initiale et le lecteur a alors la possibilité de voir s’il répond de la même façon ou non lorsque la situation se répète à la fin de l’histoire.
Dans une histoire où le personnage principal change lentement, celui-ci pourrait même ne pas réaliser qu’il a changé. Mais le lecteur est alors capable d’évaluer la valeur de la trajectoire du personnage principal dans la durée de l’histoire en constatant s’il a changé ou non et si c’est pour le mieux ou le pire.
Dans notre actuelle culture occidentale (et davantage marqué encore dans le style hollywoodien), les histoires décrivant un acte de foi sont préférées.
La différence entre l’acte de foi et le changement progressif et lent du personnage principal est que l’acte de foi est plus radical, plus spectaculaire. La révélation du personnage principal est une illumination aveuglante alors que dans le changement progressif, le personnage devient autre sans fanfare comme si sa personnalité s’éteignait lentement pour laisser place comme une aube qui se lève sur une nouvelle personnalité.
Dans d’autres médias et cultures, cependant, le changement graduel, par petites touches , prédomine. En théorie, chacune reflète la manière dont notre esprit change de système de croyances : parfois en une alternance soudaine et décisive, d’un état à un autre, du tout au rien et d’autres fois dans un sens analogue à un réalignement progressif (un alignement graduel avec soi-même, en fait).
Les personnages subjectifs et l’histoire (Overall Story)
L’une des erreurs les plus communes faite par les auteurs de tout niveau d’expérience est de créer un problème pour leur personnage principal qui n’a absolument rien à voir avec l’histoire générale.
Le raisonnement derrière ce fait n’est pas de vouloir séparer les deux mais se produit habituellement parce que l’auteur a développé une histoire et à alors réaliser qu’il ne l’avait pas rendue assez personnelle.
Parce que l’œuvre est achevée, il est pratiquement impossible de lier le problème personnel du personnage principal dans la vision plus large de l’histoire sans une sérieuse réécriture.
Donc, la meilleure chose à faire sera d’améliorer ce qui a déjà été écrit en insérant un problème personnel pour le personnage principal dans l’histoire en plus du problème déjà décrit par celle-ci.
Bien sûr, cela mène à une œuvre finie dans laquelle ou bien le problème soulevé par l’histoire ou bien le problème du personnage principal pourraient être retirés et laisserait encore un conte cohérent et pertinent. En d’autres mots, le lecteur ressentirait que l’un des deux problèmes est hors sujet et ne devrait pas figurer dans l’œuvre accomplie.
Maintenant, si l’un de ces deux problèmes devait être retiré, cela ne laisserait pas une histoire complète et pourtant ce qui resterait serait encore un conte cohérent et complet. Dramatica différencie le conte de l’histoire. Si une histoire est d’abord une argumentation (exposant tous les aspects d’un problème, tentant de justifier les actions de tous les intervenants avant de poser son propre point de vue), un conte est une affirmation.
Tandis qu’une histoire explore un problème de tous côtés afin de déterminer le meilleur et le pire (sans porter véritablement un jugement avant le dénouement), un conte explore un problème en empruntant une voie unique et montre comment il se démoule à la fin. La plupart des contes de fée sont juste cela : des contes.
Il n’y a rien de mal avec un conte. Vous pouvez écrire un conte sur un groupe de personnes confrontant un problème sans avoir de personnage principal. Ou vous pouvez écrire un conte personnel sur un personnage principal sans avoir besoin d’explorer une histoire plus large.
Si vous posez simplement un conte comme une histoire et un personnage principal au cœur d’un conte dans la même œuvre, l’un sera souvent vu secondaire, comme à distance de l’œuvre.
Mais si le personnage d’un conte et un conte sont tous deux liés au même problème, ils deviennent soudainement intimement liés et ce qui se produit chez l’un influence ce qui se produit chez l’autre.
Ceci, par définition, forme le Grand Argument Story et s’ouvre vers toutes sortes de puissances et de variétés dramatiques qui ne sont pas présentes dans un conte. Par exemple, bien que l’histoire globalement puisse se terminer par un succès, le personnage principal pourrait finir misérablement.
Inversement, même si toute l’histoire finit par un échec, le personnage principal pourrait y trouver une satisfaction personnelle et un soulagement.
Pour le moment et pour les prochains articles, considérons ceci comme une fondation pour examiner la relation entre les personnages subjectifs et l’histoire (Overall Story).