Avec son premier long métrage Ils, sorti en 2006 et co-réalisé avec Xavier Palud, David Moreau fit une entrée remarquée dans la short list des quelques réalisateurs français sortant le cinéma de genre de son long sommeil: Alexandre Aja ( Furia 1999 et Haute tension, 2003) et Christophe Gans ( Crying Freeman 1995, Le Pacte des Loups 2001, Silent Hill 2006), rejoints par Xavier Gens ( Frontières 2007, The Divide 2011). Fort du succès de cette série B assez efficace, à la direction d'acteurs déjà chancelante mais qui avait le mérite de plonger les deux mains dans le genre et d'arriver à installer une ambiance horrifique assez convaincante, David Moreau , à l'instar des confrères précédemment cités, partit réaliser son film américain ( The Eye, 2008) qui montra néanmoins encore un peu plus clairement ses limites. Pour son retour au cinéma de genre, après un passage inattendu dans la comédie pour son premier film sans Xavier Palud ( 20 ans d'écart, 2013), David Moreau adapte la bande dessinée Seuls de Fabien Vehlmann et Bruno Gazzotti. Un film français dans un univers post apocalyptique, qui plus est avec un casting entièrement composé de très jeunes acteurs inexpérimentés, sur le papier le pari était risqué mais plutôt intéressant.
Aussi indulgent avons nous envie d'être avec un film français qui prend de tels " risques ", il est difficile de cacher plus longtemps que le résultat ne nous a que très peu convaincus. Non de la pertinence du projet mais de celle du choix de ce réalisateur et de ce casting. Le fait est que la mise en scène de Seuls manque singulièrement d'inventivité, d'ampleur, de dynamisme et pour tout dire d'identité, ne parvenant pas à dépasser le stade du film d'adolescent dont les maladresses y compris au niveau de l'écriture et de la direction d'acteurs pourraient même laisser penser qu'il s'agit d'un premier film. Le capital sympathie de ce casting juvénile nous laissait espérer une petite touche " Amblin " qui pouvait sauver le film quand celui-ci peine par ailleurs autant à nous procurer la moindre émotion. Hélas, à l'exception de quelques rares sourires, principalement grâce au personnage d' Yvan, aucun des personnages n'est suffisamment écrit et incarné pour nous impliquer un tant soit peu à son parcours. La dynamique de groupe est quant à elle quasiment inexistante, chaque personnage est un archétype qui donne l'impression de ne pas évoluer à la fois au contact des autres et des épreuves qu'il devra surmonter: Le jeune garçon un peu fou mais très sensible ( Terry), l'adolescente fonceuse ( Leïla), l'adolescente studieuse ( Camille ), le gosse de riches introverti qui rappelle le personnage de Cameron dans La folle journée de Ferris Bueller ( Yvan) et le caïd au grand cœur ( Dodji ). Chacun a sa courte petite scène qui a pour but d'approfondir sa caractérisation et de mesurer ce qu'il a déjà perdu et a à perdre dans ce récit. Que David Moreau nous épargne les flashbacks, les longs monologues introspectifs n'est pas un problème et se justifie, mais qu'il fasse si peu de ces tous petits moments " de vérité ", " de retour du réel " est frustrant et rend son récit très anecdotique. Surjoués ( Camille, Leïla ) ou joués sans la moindre émotion ( Yvan, Dodji, Terry), sans créer quoi que ce soit entre les personnages, ces scènes tombent malheureusement complètement à plat. Faute d'émotion, on se raccroche à quelques situations amusantes grâce à Yvan (même si Paul Scarfoglio a un sérieux problème de timing et que l'on aurait plus volontiers confié ce rôle à Stéphane Bak, complètement éteint dans celui de Dodji) et au défilé de superbes voitures dans lesquelles Camille conduit ses camarades. C'est bien maigre.
Il ne reste alors qu'à se satisfaire de l'intrigue, de ce mystère de la disparition soudaine de toute trace de vie dans cette ville dont un étrange brouillard empêche de sortir. Si l'on pense rapidement à des films mettant en scène une ville désertée, The World, The Flesh and The Devil ( Ranald MacDougall, 1959) et même I am Legend ( Francis Lawrence , 2007) parvenaient infiniment mieux à nous transmettre le sentiment d'isolement, la sidération devant ces rues et immeubles abandonnés. David Moreau ne s'attarde guère plus sur cet environnement qu'il ne le faisait sur la psychologie de ses personnages. Son film veut aller trop vite et n'installe ni son ambiance, ni ses situations. Le maître des couteaux qui apporte d'abord quelque chose au récit, ne fait réellement illusion que le temps d'une scène et on glisse de plus en plus vers l'anecdotique et désincarné récit (pour) adolescents, abandonnant son postulat pour finir par lorgner sur Hunger Games. Il faudra donc peut être admettre qu'au delà des vrais problèmes de direction d'acteur et de mise en scène, nous ne sommes pas la cible du film et que nous avions des attentes déplacées, sevrés par un cinéma français trop frileux pour s'aventurer dans ces univers. Il n'en reste pas moins que Seuls est à nos yeux une grosse déception et que si l'on parle de film français qui tente (et y parvient) de faire de la SF avec peu de moyens, Arès de Jean-Patrick Benes était autrement plus convaincant.
PAS D'ACCORD
Par Fred TeperL'adaptation de bandes dessinées en France est une vraie gageure. Combien de réussites notables parmi les incontournables passées sous les fourches caudines des " spécialistes ", les " vrais " fans de la BD originale qui ne trouvent rien de mieux à faire que de piétiner les rêves de millions de lecteurs en faisant des choix en dépit du bons sens? Il vaut parfois mieux arriver vierge de tout à priori et sans connaitre le matériau d'origine pour pouvoir peut-être se faire un avis qui ne sera pas parasité par des espérances forcément inassouvies. C'était le cas de l'auteur de ces lignes en découvrant Seuls et même si il est ainsi plus délicat de juger de la pertinence de certains choix, du casting aux coupes choisies par rapport à la BD en passant par les partis pris de mise en scène, il n'en reste pas moins que la découverte du film, libéré de tous ces filtres, a permis une vraie et bonne surprise. Seuls n'est pas un film parfait et il n'en a pas la prétention mais dans le paysage cinématographique français il a déjà le don d'offrir une véritable proposition dans un genre qui n'est que trop peu abordé. Si le budget du film limite sans doute l'ambition du réalisateur David Moreau ( Ils, 20 ans d'écart) il n'en demeure pas moins que ce dernier parvient à instiller une véritable atmosphère et une ambiance mystérieuse et opaque en nous embarquant dans le monde qu'il met en place. Cette immersion doublée du plaisir de voir la bande se constituer et se souder au fil des épreuves, le rythme plutôt efficace, les rebondissements surprenants et une surprise totalement inattendue permettent de passer vraiment un bon moment. Sofia Lessafre est vraiment très très bien en lead de la bande, les autres jeunes comédiens qui l'entourent forment un ensemble plutôt cohérent (si l'on excepte un jeu parfois à côté de la plaque de Stéphane Bak ) et si la fin est vraiment le point faible du film, il n'empêche que Seuls est une tentative plutôt réussie de film de genre. On en voit bien trop peu en France pour bouder notre plaisir en dépit de certains défauts heureusement jamais rédhibitoires.
Titre Original: SEULS
Réalisé par: David Moreau
Genre: Fantastique
Sortie le: 08 février 2017
Distribué par: StudioCanal
PAS GÉNIAL
BIEN