La première fois, la toute première fois j’avais onze ans. C’était un soir probablement un samedi soir parce qu’il y avait Patrick Sébastien à la télé. Déjà à l’époque, y avait pas grand chose à regarder. Mes cousins-cousine et moi, on a sans doute zappé sans rien à trouver à se mettre sous la dent. Eux ont fini par s’en accommoder se laissant tenter par les cascades des invités du show privé.
C’est ça qui est super quand on est jeune, on est pas difficile. Moi, j’étais trop âgée peut-être. Vous savez comme Peter et Susan dans Le monde de Narnia quand Aslan prévient qu’ils ne pourront plus y revenir. Parce qu’ils sont trop grands; parce que, la magie n’opère plus. Enfin, c’est ce que je croyais…
» Rubeus Hagrid avait des mains de la taille de couvercle de poubelles. Et ses mouchoirs, de la dimension d’une nappe ». Et une passion hors du commun pour les bêtes dangereuses…
J’étais sûrement dans une de mes phases favorises du genre: » Maman, je m’ennuie! « . Sauf que c’était moi l’adulte ce soir-là. A moi de surveiller cousins et cousine; et, de trouver une solution. Eux, la télé ça les allait; rester que moi vous voyez.
Je ne sais comment Harry Potter à l’école des sorciers a atterri dans mes mains. Est-ce le livre qui est venu à moi ou bien l’inverse? Pour être honnête, je ne me rappelle plus. Un de mes cousins – Corentin nous dirons pour les besoins de mon histoire- aimait lui aussi beaucoup lire. Peut-être qu’il me l’avait conseillé ou peut-être qu’au fil de mes pérégrinations, j’étais tombée sur le roman par hasard. Posé là sur le bureau n’attendant que moi. Un lecteur.
Remarquez que les grandes aventures commencent généralement à la nuit tombée. Aussi bien dans le monde réel que celui des livres. En étais-je pour autant convaincue quand je me suis lancée dans ma lecture? Ou dépitée faute de mieux, je m’y suis mise ? Là encore, aucun souvenir désolé.
» Le visage de Rogue est encadré par un rideau de cheveux noirs et gras ainsi qu’un nez crochu ».
Je me vois surtout allongée sur un lit superposé dans la couchette du bas. Tournée face au mur, je m’en souviens parce que j’entendais la télé de l’autre côté. Mais cela ne dura pas, car un certain Mr Dursley et une certaine Mme Dursley » qui habitaient au 4 Privet Drive » m’aspirèrent tout entière dans leur univers.
Il s’était passé quelques secondes ou peut-être une éternité lorsque je fus contrainte de déposer le roman. J’en avais lu plus de la moitié; j’avais eu l’intention de le finir mais mes responsabilités de baby sitter m’ont rattrapé. Moi, j’avais l’esprit en alerte; eux, voulaient dormir.
Ai-je réussi à m’endormir ce soir-là? Ou bien ai-je rêvé d’Harry et ses amis, peut-être même de balai magique. Ce que je souviens en revanche c’est que je voulais absolument le terminer le lendemain. Je l’empruntais donc à mon cousin pour le finir quelques heures plus tard.
Pour finir aussi frustrée que la veille parce je n’en avais toujours pas assez. Quelle fut mon horreur de constater qu’il me faudrait encore attendre un an avant de connaître la suite des aventures du célèbre Harry Potterrrr! Entre-temps, j’ai acheté mon propre livre parce que déjà je sentais que je les voulais tous. Peut-être même relire le premier tome en attendant les autres. Moi qui pourtant n’aime pas relire des romans même ceux que pourtant j’adore. En soi, c’était déjà un signe.
Vient ensuite l’attente fébrile renouvelée chaque année. Des enfants, des adultes hystériques faisant la queue devant les librairies. Des pré-commandes, l’ancêtre des goodies comme ce marque page que j’adorais tant et sur lequel on pouvait lire: » Avec eux, nous avons ri et pleuré! ».
Albus Dumbledore, les cheveux argentés. Un regard pénétrant surmonté de lunettes en forme de demi lune ».
Eh comment! Les parents ont du entendre leurs gamins parler d’un vocabulaire bien étrange. C’est quoi un moldu? Les plus téméraires voulaient à tout prix une cicatrice en forme d’éclair. C’est trop cool, qu’ils disaient, je veux la même! Sans parler de jouer au quidditch et de trouver le chemin de Traverse.
Sept ans de magie, de bonheur à l’état pur. Un public qui aura eu l’immense, le trop rare privilège de grandir, de mûrir en même temps que ses héros préférés. Qui pourra encore avoir cette chance aujourd’hui?
Je me souviens de ces nuits blanches passées à lire. A un Noël que j’ai passé chez papi et mamie enfoncée dans un vieux fauteuil en cuir à lire Harry Potter et l’ordre du Phénix. De toutes ces fois, où j’ai eu l’impression de trouver puis de retrouver mes meilleurs amis, ma famille.
D’être acceptée, la bienvenue. Et puis, comme qui dirait notre cher ami Dumbledore: » A Poudlard, une aide sera toujours apportée à ceux qui le demandent ». Aussi simple que ça: prenez un livre. Des valeurs simples comme la famille, l’amitié, l’amour mais tellement essentielles quand on est petit et plus encore, quand on devient adulte. Cette saga c’est la garantie d’un chaleureux foyer qui restera toujours ouvert à tous ceux qui le désirent. Home sweet home comme le Terrier des Weasley!
Mille milliards de gargouilles galopantes! Tofty
La version Harry Potter du mille milliards de mille sabords du Capitaine Haddock.
Ce qui est encore plus magique avec elle c’est qu’elle a suscité l’envie de lire chez certains. Grand comme petit. Comme quoi un livre c’est comme trouver chaussure à son pied. Plus facile à dire qu’à trouver. Mais, une réalité: il y en a au moins une pour chacun d’entre nous. Il n’y a pas d’hasard juste des rendez-vous manqués. Souvenez-vous en!
Moi, ce qui me surprend toujours dans mes relectures c’est de trépigner toujours autant d’impatience. A tout redécouvrir, à imaginer le pire pour eux alors que je sais pertinemment comment ça va finir. J’espère, je ris, je pleure aussi toujours autant. Je veille sur mes amis et les amis de mes amis jusque tard dans la nuit. Avale page après page avec le même engouement que jadis.
Et, le livre en lui-même; l’objet, quel plaisir. L’odeur des vieilles pages jaunies par le temps. Elles semblent renfermer l’enfant que j’étais mais pas que. Qui me l’a offert; où, je l’ai lu pour la première fois. D’autres trésors, d’autres souvenirs dont j’imagine ne pas pouvoir m’en débarrasser un jour. Ça aussi, ça fait partie de moi!
A tout jamais, l’édition Folio Junior mon préféré. Avec ses couleurs vives, ses illustrations; et ses mots mis en valeur sur la quatrième de couverture. Une innocence qui tranchera avec ceux de Gallimard plus volumineux mais plus sombres aussi.
C’était évident que le temps allait passer pour Harry et les siens comme pour nous. L’heure était plus grave; et en même temps, toujours ce soupçon délicieux de l’enfance. On balbutie face à l’amour et on se trompe. On perd, on tombe aussi parfois mais on se relève avec l’aide de ses plus fidèles amis. Qui a dit de toute façon que l’adolescence était facile? Surtout quand celui dont on ne doit pas prononcer le nom est comme les cheveux d’Eleanor. Comme y en a plus y en a encore.
Par la barbe de Merlin,…
Une variante encore mieux surtout quand c’est Hermione qui le dit:
– Par le caleçon de Merlin!
Pas vrai Ron?
Avec le temps aussi, des tomes seront préférés à d’autres comme des personnages. Le mien sera sans nulle hésitation possible Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban. Because Remus Lupin, because Sirius Black. Mon explication devrait suffire. Team Lunard et Patmol forever! Qui m’aime, me suive!
Avec le recul, c’est là aussi que tu te dis qu’un retourneur de temps aurait du faire son apparition. Surtout quand tu prends sept ans à découvrir que le sacrifice et le courage de certains sont au delà de l’inimaginable. Prince de Sang Mêlé si tu m’entends! A jamais l’incompris jusqu’au dernier acte.
Ce qui saisit dans une autre mesure c’est les différents niveaux de lecture qui apparaissent au fil du temps. T’as encore tes rêves d’enfant, ton innocence de Peter Pan quand tu commences cette saga enfin c’est le tout le mal que je vous souhaite. Alors, Voldemort t’apparaitra comme un méchant de plus à combattre. Après tout, le littérature en regorge. Mais lorsqu’on devient plus vieux, l’histoire nous rattrape. Troublante quand même la quête du Seigneur des Ténèbres non?! Elle y ressemble à s’y méprendre à celle d’Adolf Hitler.
Cette obsession de la pureté du sang; d’une élite qui aurait la main mise sur toutes les autres. Celle dont la race, l’origine, la religion, la culture différent. N’est-ce pas aussi ça Harry Potter? Des valeurs de tolérance, de respect de soi et des autres plus importantes que tout le reste. Plus fortes que la haine, l’incompréhension et la violence. Ça me fait penser à la Société d’aide à la libération des elfes qu’avait créé Hermione. Dieu sait ce qui aurait pu être évité si Kreattur et ses semblables avaient été mieux traités?
Mais, l’amour et le bien triomphent toujours d’une manière ou d’une autre. La justice, la vérité tout autant. Mais, le prix à payer est lourd parfois. Peut-être nécessaires quelque part pour en tirer des leçons du passé. C’est à tout ça que me fait penser l’œuvre de J.K. Rowling. Ressentir, aimé et être aimé. C’est ce qui est fabuleux. Des mots qui mit bout à bout vous donnent l’impression d’être quelqu’un qui peut tout changer; qui peut participer. Et, être accepté.
Près d’Harry et de ses amis, il y a toujours une place pour nous. Une raison d’espérer que le meilleur est toujours à venir. A portée dans une main, dans un livre mais surtout en soi. Et qu’il faut continuer d’entretenir ce feu en soi, le cultiver.