Quelques notes sur le personnage principal

Par William Potillion @scenarmag

Une belle intrigue est excitante parce qu’elle relate ce que des gens intéressants font. Un grand personnage est inoubliable parce qu’il dérange et retient l’attention.

Mais un grand personnage n’est pas celui qui représente la raison contre un obscurantisme revêche. Il n’est pas celui qui ramène l’harmonie après le désordre.

Un personnage tel que Hamlet est entouré d’un élément de mystère qui lui ajoute de la profondeur. Il y a toujours une ambiguïté chez un grand personnage.

Alors qu’un héros intrépide est quelque peu prévisible, on ne sait jamais ce que Hamlet va faire. Les frères Coen par exemple créent des personnages qui sont fascinants parce qu’ils sont excentriques. C’est leur excentricité qui dérange et fascine à la fois.

Le personnage principal

Il doit non seulement se joindre au combat mais il doit le mener aussi.

Au fil de l’histoire, le héros changera. Il sera autre à la fin de celle-ci. Il doit aussi aller de l’avant lorsqu’il apprend quelque chose de nouveau (sur lui-même ou sur l’intrigue) qui altère significativement le déroulement des choses et partant, assure la progression de l’intrigue.

Comment définir un personnage principal ?
Nombre d’histoires nous ont habituées au héros qui souffrait de sa situation. Force est de constater, cependant, que ce héros est devenu celui qui fait souffrir.

La violence a de nombreuses formes. Si elle est si photogénique, c’est peut-être que cela réponds à un désir secret du lecteur frustré d’être dans une contrainte constante.
Voir un héros enfreindre des règles, se livrer à des actes immoraux, oser des choses… permet peut-être une catharsis.

Le héros moderne est un personnage qui sait ce qui est mal et comment le corriger. Mais surtout, c’est quelqu’un qui apprend, change et évolue au cours d’une histoire.

Le personnage principal a besoin de déférence de la part des autres personnages. C’est ce que traduit la théorie narrative Dramatica  par une qualité majeure du personnage principal : Consider.
C’est-à-dire que l’action de ce personnage va consister essentiellement à convaincre les autres personnages de considérer le bien-fondé de son objectif. Et partant, des moyens qu’il utilise pour y parvenir.

Somme toute, il concrétise le pouls d’une société démocratique où le respect doit être gagné.

Comment élaborer un personnage ?

En lui assignant des caractéristiques ou des traits de caractère qui lui assureront une individualité. Un personnage est un assemblage de qualités bonnes et mauvaises.

L’auteur définit sa fonction dans l’histoire. Il lui conçoit ensuite une structure, c’est-à-dire qu’il lui donne une conscience et des traits de personnalité.
On pourrait croire qu’il y a un déterminisme dans la création d’un personnage. Mais vous vous êtes certainement déjà aperçus que ce qu’il fait dans l’histoire ou dans les moments les plus tendus de l’intrigue vous échappait.

En fait, le personnage se définit par ses actions et il vous les impose presque. L’auteur a définit la fonction (être un héros est une fonction spécifique) et il sait probablement où il veut emmener son personnage, mais ce que ce dernier fera dans l’histoire n’est pas déterminé d’avance.
Le personnage jouit d’une liberté et il ne faut pas aller contre.

Ce qui est important, c’est de lui permettre d’assumer son individualisme. Il est certes un rouage de l’histoire dans laquelle il assume une fonction. Mais c’est d’abord un individu responsable de ses décisions.

Par exemple, Richard Kimble dans Le Fugitif est acculé dans un hôpital par ceux qui le pourchassent. Et pourtant, il va tout risquer pour sauver la vie d’un enfant.
Faites toujours la démonstration des qualités que vous attribuez à vos personnages. Surtout pour un scénario, votre lecteur n’est pas dans leur tête (ni dans la vôtre, d’ailleurs).

Dans Des hommes sont nés de  John Meehan, Dore Schary et Eleanore Griffin, une scène montre le père Flanagan prendre une gorgée d’eau, s’interrompre et puis traverser la salle pour verser le reste du verre sur une plante. C’est symbolique de sa volonté de prendre soin des enfants.

Dans Lawrence d’Arabie, Lawrence se brûle les doigts avec une allumette. Cette action sert à démontrer chez Lawrence sa volonté à surmonter la souffrance qui est sa grande peur, sa faille.
Si l’on ne tient pas compte de cette peur, cette scène semble hors de propos, à distance du contexte. Pourtant, elle fait sens pour établir qu’il devra surmonter l’épreuve du désert en luttant ou plutôt en endurant la souffrance qui le brûlera.

Ces exemples sont plus que de brefs mouvements. Ce sont des détails capables d’exprimer à peu près tout ce que vous souhaitez communiquer sur un personnage.

Quelques types de héros

Un des héros les plus communs est celui qui cherche les problèmes. Il est en quelque sorte attiré par la mort (à considérer symboliquement). Comme s’il cherchait et se délectait d’un destin funeste.
Ce que dans la vraie vie, le commun des mortels évite. Mais un personnage de fiction est quelqu’un d’ordinaire qui devient extraordinaire par ses propres actes.
Frank Horrigan de Dans la ligne de mire de Jeff Maguire à l’âme plombée pour ne pas avoir pu éviter l’assassinat de Kennedy. Frank joue un jeu morbide avec la mort (représentée par le tueur qui cherche à s’en prendre au président actuel) en s’exposant inutilement au danger.
Ce qu’il n’avait pas su faire dans la situation précédente (analogue à la situation actuelle).

C’est ainsi que ce type de héros recherche les situations périlleuses afin de revivre une défaite antérieure qui l’a dévasté. Il prend des risques afin de trouver sa rédemption. Il ne cache pas sa souffrance pour éviter de la revivre comme le ferait d’autres personnages.
Car il la recherche volontairement pour intégrer cette blessure qui depuis a orienté sa vie vers l’erreur.
C’est le principe de la seconde chance. Notez que la blessure a souvent lieu avant le début de l’histoire.
Lorsque le personnage nous est introduit, elle le hante déjà.

Un autre type de héros, assez commun, est celui qui cherche à réparer un tord, une injustice. Prêt à se sacrifier pour le bien de la communauté comme Jeanne d’Arc sans qui la France serait devenue un vassal de l’Angleterre.

Et puis il y a le héros malgré lui dont la destinée et les difficultés sont jetées sur lui par des forces extérieures.
Dans le western Femme ou démon de Felix Jackson, Gertrude Purcell et Henry Myers d’après une histoire de Felix Jackson et du roman Destry Rides Again de Max Brand, Tom Destry, shérif-adjoint dans une ville de l’Ouest américain où règne la corruption, entreprend de faire respecter la loi sans tirer un coup de feu.
Mais lorsque tout échoue, il se résout à la violence qu’il abhorre pour restaurer la tranquillité de cette ville qu’il aime.

Structurer un personnage

Elaborer une conscience (ce que sont vos personnages), c’est inventer une structure.
D’habitude, il est préférable de commencer par son protagoniste. Parce que toute l’histoire s’enroule autour de lui. Il n’est pas suffisant qu’il se joigne au combat. Mais il doit le refouler aussi.

De plus, les autres personnages se tournent vers lui. Et il réussit assez souvent à les joindre à son objectif.

Le protagoniste doit être engagé. Il s’implique dans le problème soulevé par l’histoire. Cet un être qui est engagé dans la situation (une définition qui conviendrait à Sartre).

Il est peut-être plus facile de le faire tenir au-dessus de la foule tumultueuse tandis que les tourments et les catastrophes s’abattent. Indemne, à distance, non impliqué, cela signifie un être froid à l’activité essentiellement cérébrale ou philosophique.
Des qualités certes admirables mais qui doivent être subordonnées à la persona du personnage, surtout s’il est le héros.
C’est-à-dire que ces qualités-là doivent participer à son apparition. Autrui perçoit ces qualités.

Mais la substance, l’essence d’un personnage de fiction est sa capacité effective à ressentir et à agir lorsqu’il est confronté à l’amour, à la haine, à la joie, à la tristesse, au courage ou à l’endurance ou encore à la peur…

En d’autres mots, le feu qui brûle chez un personnage est d’abord émotionnel. Vous pourriez avoir un personnage froid, très professoral dans son attitude et vous avez cependant besoin que l’empathie du lecteur se porte sur lui.
Car c’est votre personnage principal.

Quelle que soit l’intrigue, vous pourriez décrire des circonstances où ce personnage est amoureux fou mais que son amour n’est pas récompensé.
Et l’empathie s’instaurera car aucun d’entre nous n’est immunisé devant la peine et la stérilité d’aimer et de ne pas être aimé en retour.

Impliquer le protagoniste

Lorsque l’empathie est installée, elle ne l’est jamais définitivement. Si vous montrez un héros qui compatit envers ceux qui sont autour de lui en danger mais que lui est préservé, cette empathie sera rapidement viciée.

Cela ne servira à rien de le montrer souffrant par sympathie envers ceux qui sont en péril parce que cette sensibilité devant la misère d’autrui n’interpelle pas le lecteur.
C’est en fait à la sensibilité du lecteur que l’auteur fait appel. Il doit lui montrer son héros dans le pétrin, en grandes difficultés, en tout cas dans une situation difficile s’il souhaite maintenir l’empathie de son lecteur envers son héros.