Si un réalisateur est toujours aussi attendu c'est bien lui, Martin Scorcese qui revient après "Le Loup de Wall Street" (2013) avec un nouveau film déjà auréolé d'une presse critique dithyrambique... Fini les thrillers voilà le maestro de retour avec une 3ème incursion "frontale" dans le religieux après "La dernière tentation du Christ" (1988) et "Kundun" (1997). Croyant le cinéaste est connu pour sa foi et il n'hésite d'ailleurs pas à placer divers symboles plus ou moins appuyés dans tous ses films. Le film est la seconde adaptation (film éponyme en 1971 de Masahiro Shinoda) du livre "Silence" (1966) de Shusaku Endo (écrivain japonais catholique) très inspiré de la vie du jésuite Cristovao Ferreira ici incarné par Liam Neeson. D'un point de vue historique le film relate parfaitement le destin de ce jésuite. Mais les héros sont joués par le duo Andrew Garfield (qui joue coup sur coup dans deux grands films, avec "Tu ne tueras point" en 2016 de Mel Gibson qui le détache définitivement de Spiderman !), et Adam Driver (muse du ciné indé qui change de cap après être devenu le Kylo Ren dans "Le Réveil de la Force" en 2015) de J.J. Abrams). A noter que ce projet est dans les tablettes de Scorcese depuis plus de 20 ans notamment avec le scénariste Jay Cocks qui a déjà travaillé avec Scorcese sur "Le temps de l'Innocence" (1993) et "Gangs of New-York" (2002). Dans un premier temps les rôles principaux devaient être tenu par Daniel Day-Lewis, Gael Garcia Bernal et Benicio Del Toro, une autre "gueule" que le trio Neeson-Garfield-Driver...
Un trio pourtant talentueux (mais pas génial) avec les deux jeunes inspirés et investis (dont un Andrew Garfield parti 1 an au Pays de Galles dans une retraite spirituelle avec voeu de silence et l'étude du livre "Exercices Spirituels" du fondateur des Jésuites !), tandis que Liam Neeson qui avait déjà tourné pour Scorcese dans "Gangs of New-York" (2002) retrouve un rôle qui rappelle forcément sa participation au chef d'oeuvre "Mission" (1986) de Roland Joffé. Un casting judicieux malgré tout grâce à ce qu'en fait Scorcese. En effet le duo Garfield-Driver interprète de jeune prêtre minces, ambitieux (pour l'Eglise !) et impulsifs, deux jeunes auxquels on contraste avec le duo de leurs supérieurs joués d'abord par Ciaran Hinds et ensuite par Liam Neeson, tous deux plus âgés, plus expérimentés, plus gras, plus "sages". Excellent casting japonais également avec surtout la présence de Tadanobu Asano dans "Ichi the Killer" en 2001 de Takashi Miike et en ce moment en salle avec également "Harmonium" de Kaji Fukada. Outre l'apport biographique du personnage central Ferreira (Neeson) la reconstitution du Japon des années 1630 est absolument magnifique à tous points de vue bien mis en valeur par un des meilleurs directeur photo, Rodrigo Prieto déjà sur "Le Loup de Wall Street"). Tourné à Taïwan (avec l'aide du réalisateur Ang Lee) en pellicule 35mm (alors que les derniers films de Scorcese était en numérique) le film se dote d'une esthétique à la fois réaliste et classieuse de toute beauté. Dans la forme on est dans une fresque historique de haute volée sans aucun doute.
Par contre on sera plus mitigé sur le fond, avec une durée de 02h40 qui n'arrange rien. En effet, on suit deux jeunes prêtres qui partent au Japon pour continuer vaille que vaille la conquête spirituelle et religieuse du Japon mais aussi, et surtout, pour retrouver leur mentor, le jésuite Ferreira (est-il mort ?! Est-il apostat ?!...), le récit partant du roman qui est une oeuvre littéraire façon journal intime et de lettres envoyées. Résultat des voix Off et un déploiement de foi important sur l'ensemble du film. Plus de deux heures d'apologie de la chrétienté selon Rome c'est long ! Surtout quand au final l'intrigue est assez mince. Entre la ferveur des japonais catholiques et la mission des deux prêtres c'est une succession de dialogues religieux entrecoupés de tortures qui elles-mêmes tournent en rond (pourquoi perdre du temps pour une demande si vaine ?! D'un côté comme de l'autre). Sur ce dernier point on se demande pourquoi un seul des prêtres semblent avoir de l'importance pour le Shogun ?! Sur les 02h40 on s'aperçoit que la partie la plus intéressantes restent l'épilogue et que c'est celle qui est la plus bâclée. Un prologue un peu plus court, facile 45 minutes de moins pour le ventre mou et une fin un peu plus exploitée voilà qui aurait sans doute dynamisé le propos sans endormir avec une messe catholique un peu lourde. Dommage car quel film ! On ne peut nier l'intérêt et la puissance du film mais qu'il aurait été bon d'être moins didactique et plus viscéral. Une petite déception...
Note :