L’emotion au cœur du scenario

Par William Potillion @scenarmag

Les unités de temps et de lieu ne sont peut-être pas très utiles au scénariste. Ce qui importe est l’unité d’action. C’est cette unité d’action qui est vraiment efficace.

Car sans elle, le hasard et la confusion règnent en maître sur le script. Une ligne dramatique pour porter ce nom ne peut être soumise au hasard. Elle ne serait plus une ligne mais au mieux un pointillé.

Un auteur doit trouver son sujet et s’y cramponner.
Et que signifie s’y cramponner ?

Que l’auteur doit supprimer de ces errements tout ce qui ne participe pas au développement émotionnel de son histoire.

Un développement émotionnel

C’est le développement émotionnel intégré à Lone Star de John Sayles qui permet la pertinence des intrigues secondaires liées à la trame principale.

Lone Star est une histoire complexe et riche où les tensions raciales, l’inaltérabilité de l’amour, les conflits entre père et fils, la solution d’un meurtre sinistre, les rapports entre les affaires et la politique se tissent pour unifier l’action et la vie des personnages d’une petite ville frontalière.

Un auteur a tendance à être bavard et quand on tente de lui faire comprendre qu’il doit couper ses élans d’inspiration pour améliorer son scénario, c’est une tâche douloureuse qui l’attend.
Et de plus, ce on est aussi quelqu’un qui possède ses propres certitudes et ses propres influences.

Pour en revenir à l’unité d’action, cela présuppose que celle-ci devrait précéder les personnages ou du moins que ceux-ci devraient lui être subordonnés.
Ce qui peut laisser entendre que le héros serait la victime de circonstances, le malheureux prétendant d’une infortune qu’il ne mérite pas.

L’action est le personnage

C’est ce qu’affirme Scott Fitzgerald. Ce qu’une personne fait est déterminé par ce qu’elle est. Que le destinée d’un homme est sa personnalité.

Maintenant, chacun possède ses propres certitudes. Ou vous privilégierez l’action pure dans votre fiction (les personnages sont plus enclins à réagir) ou bien vos personnages seront cette action (et en particulier le héros qui sera par nature proactif).

De toutes façons, c’est un faux débat. Car l’action et le personnage sont miscibles dans le chaudron narratif. Unis et inséparables, ils bénéficient tous deux du même traitement.
Pour chaque intrigue, il y a un personnage qui lui corresponds. Mais jamais un personnage sera à lui seul une intrigue (pour rappel, l’intrigue est l’énumération des événements qui se produisent au cours de l’histoire, et plus spécifiquement au milieu de celle-ci).

Et si votre idée est celle d’un personnage, alors vous le plongerez dans une histoire qui mettra en avant au mieux sa personnalité.

Un homme est passé

Dans Un homme est passé de  Don McGuire et Millard Kaufman d’après une histoire de Howard Breslin,  John J. Macreedy se rend à Black Rock en Arizona afin d’y rencontrer Komoko, un Nippo-Américain, afin de lui remettre la médaille de son fils mort au combat en sauvant la vie de Macreedy.

Mais ce qu’il découvrira est le meurtre raciste du vieil homme lynché par la population (du moins par quelques hommes et un silence complice) à la suite de l’attaque sur Pearl Harbor.

L’action exige un personnage d’un courage non commun et d’une force tranquille capable de prouesses martiales afin de faire face aux anfractuosités de l’intrigue. Il faut noter aussi que Macreedy est amputé d’un bras mais que cela ne le rend pas vulnérable et n’entache pas sa détermination (une qualité que devrait posséder n’importe quel protagoniste).
Et que cet handicap n’est pas un frein pour que justice soit rendue à Komoko et la punition infligée à ceux qui la mérite.
Et cette déficience apparente du personnage peut faciliter l’empathie du lecteur.

En somme, ne vous tracassez pas si l’action doit être un accessoire ou si le personnage doit servir l’action. Comme le montre Un homme est passé, écrivez et laissez les choses se produire.

Un personnage sera jugé sur son comportement

A travers ses actes et ses répliques. Même si ses actes sont extérieurs, ils reflètent aussi ses sentiments.

Aucune histoire ne dépend seulement de ses personnages ou de seulement son intrigue. Ce qui constitue la ligne dramatique est la convergence harmonieuse entre personnages et intrigue.

Et cette texture si particulière qui les tisse ensemble, ce sont les émotions.
Les émotions sont le seul véritable fait.

Elles s’expriment essentiellement au-travers du conflit, c’est-à-dire la confrontation d’au moins deux volontés. Et ces volontés sont animées soit par la raison, soit par les émotions.
Les émotions sont évidemment bien plus dramatiques.

Une structure en cinq parties

Afin de mesurer l’efficacité d’un scénario, on peut tenter de l’analyser en cinq étapes.

  1. L’introduction expose l’époque et le lieu de l’action, l’intrigue et les principaux intervenants, amis et ennemis.
  2. La Rising Action est ce mouvement qui décrit une pression continuelle et de plus en plus forte sur le héros et les réponses qu’il apporte en regard de cette pression.
  3. Le climax, c’est-à-dire le point critique du conflit (l’expression maximale de la crise) qui mène à la résolution décisive du problème de l’histoire.
  4. La série d’événements au cours de l’intrigue (l’acte Deux) qui culmine au climax.
  5. Les points majeurs, d’articulation de toute l’histoire y compris l’incident déclencheur.

La construction du conflit c’est-à-dire la formulation de l’antagonisme existant entre le héros et le méchant de l’histoire (et leurs alliés respectifs) évolue aussi en cinq étapes liées :

  1. Un échange de vue suivie par
  2. Une nette différence d’opinion qui mène à
  3. La détermination d’agir qui se concrétise en
  4. L’action elle-même et finalement
  5. Les conséquences de cette action.

La finalité de chaque étape est de rapprocher votre protagoniste de son objectif tout au long de l’histoire.

La structure en cinq parties que nous avons vue au début de ce paragraphe implique que la liberté laissée à l’auteur au début de l’histoire se réduit au fur et à mesure de celle-ci. Il a de moins en moins d’options à sa disposition.

Le point d’arrivée de l’histoire est néanmoins l’objectif du protagoniste. En règle générale, il a un objectif surtout dans l’art scénaristique.
Mais ce n’est pas nécessairement le cas dans toutes les fictions comme par exemple En attendant Godot de Samuel Beckett.

Le conflit est l’énergie vitale d’un scénario. Comme si la lutte était l’état perpétuel de l’humanité prise dans le tumulte, dans le tourment. Le péril est une constante dans un scénario.
Et tous les participants de ce scénario sont des êtres passionnés, pétris d’émotions.