[Berlinale 2017] “Bye bye Germany” de Sam Gabarski

Par Boustoune

Au lendemain de la seconde Guerre Mondiale, nombreux sont ceux qui veulent quitter l’Allemagne. Les nazis cherchent à fuir pour échapper à la justice internationale. Les Juifs rescapés des camps veulent également quitter ce pays maudit où toutes leurs familles ont été exterminées. Nombreux sont ceux qui veulent rejoindre les Etats-Unis pour entamer une nouvelle vie. Mais partir n’est pas si simple. Il faut payer le voyage, le droit d’entrée, et avoir un petit pécule pour pouvoir s’installer. Cela représente environ 25 000 $ par personne. Une fortune pour des hommes et femmes qui ont été dépossédés de tous leurs biens par le régime nazi.
Cela n’effraie pas David Bermann (Moritz Bleibtreu). Il a une idée de business ultra rentable : la vente au porte à porte de linge de maison. Draps, serviettes de bain, rideaux, voilà de quoi séduire la ménagère allemande de l’immédiate après-guerre! Les maisons sont pleines de veuves déboussolées, de mères éplorées, d’amantes inconsolables. Autant en profiter!
Il suffit juste d’un discours bien rôdé et adapté à la cible, d’un peu de bagou, d’un soupçon de charme, d’un brin de cabotinage et de beaucoup d’audace. Pour convaincre leur auditoire, les vendeurs se font passer pour d’anciens camarades de combat de jeunes soldats tombés sur le front russe pour émouvoir leurs parents, de patriotes nostalgiques du IIIème Reich pour flatter les bas instincts du peuple vaincu…
De l’arnaque? Disons un mensonge intéressé. En même temps, il faut supporter de devoir s’abaisser à incarner les bourreaux de leur peuple. Et ce n’est qu’un juste retour des choses, puisque les anciens nazis, pour sauver leur peau, endossent aussi l’identité de ceux qu’ils haïssaient hier, au point de vouloir les exterminer totalement. Comme, par exemple, ce vendeur de journaux en qui un des vendeurs reconnaît un ancien chef SS, responsable d’un camp de concentration.

Dans ce contexte troublé, difficile de savoir qui ment ou qui dit la vérité. David est lui-même un personnage ambigu. Le service des armées américaines, chargé de la traque des nazis et des collaborateurs au régime, enquête sur son passé durant la guerre. L’enquêtrice Sara Simon (Antje Traue) cherche à savoir pourquoi il possède deux passeports avec des identités différentes, et pourquoi il a bénéficié de traitements de faveur quand il était en camp de concentration. Est-il un ancien nazi ayant endossé l’identité d’une victime ou un lâche ayant accepté de collaborer pour sauver sa peau? Ou bien a-t-il eu juste beaucoup de chance, si toutefois on peut qualifier de “chance” le fait d’avoir survécu à la Shoah?
Face à l’enquêtrice dubitative, David raconte son histoire avec sa prestance et son aplomb habituels. Comme on sait l’homme doué pour l’entourloupe et le baratin, on ne peut s’empêcher de mettre en doute, nous aussi, sa version des faits, surtouts que ceux-ci sont de plus en plus improbables à mesure que le récit progresse.
Mais il est vrai que, comme l’affirme David, “Tout ce qui passait dans les camps de concentration était incroyable”

Le film devient alors une belle réflexion sur les apparences, le mensonge et la vérité, mais aussi et surtout un récit qui témoigne des blessures et des traumatismes causés par ce conflit dévastateur et cette barbarie inconcevable, qu’il faut malgré tout surmonter pour se reconstruire.
Sam Gabarski réussit une oeuvre certes assez classique formellement, mais pleine d’humanité, d’humour et de sensibilité, qui devrait toucher le public comme elle a su toucher les festivaliers de la Berlinale.