Félicité (Véro Tshanda Beya) est chanteuse dans un bar de nuit de Kinshasa. Elle donne de la voix pour rythmer la vie de l’établissement, charmant les clients pour obtenir de généreux pourboires tout en sachant repousser leurs avances quand, ivres, ils se montrent trop entreprenants.
Elle aime cette vie nocturne qui lui garantit une certaine liberté et une indépendance, notamment vis-à-vis des hommes. Evidemment, ce choix n’a pas que des avantages. Quand, par exemple, son frigo tombe en panne et qu’elle se fait arnaquer par des dépanneurs peu scrupuleux. Pour autant, elle ne veut pas se mettre en ménage avec un nouveau mari. Le précédent lui a laissé trop de mauvais souvenirs. Le seul homme qu’elle tolère dans sa vie, c’est son fils unique, Samo (Gaetan Claudia).
Alors forcément, quand ce dernier est victime d’un grave accident de la route, Félicité est complètement désemparée. Il lui faut vite retrouver ses esprits pour réunir la somme d’argent nécessaire pour opérer son fils. Elle est obligée de faire ce qu’elle déteste le plus : demander de l’aide, mendier, supplier. Elle n’a pas le choix, car à Kinshasa, le serment d’Hippocrate n’a aucune valeur, seul compte le dieu Dollar… Ses pourboires, aussi généreux soient-ils ne suffisent pas à couvrir le montant des soins. Aussi, elle doit demander le soutien au conseil du quartier, récupérer par la force s’il le faut, les salaires que ne lui ont jamais été versés et les sommes d’argent prêtées, se mettre plus bas que terre pour obtenir l’aumône d’un gangster local…
Chaque billet obtenu est crucial, chaque minute compte…
Difficile de ne pas penser, avec ce début de récit, au cinéma social des frères Dardenne ou aux héroïnes de Brillante Mendoza, prêtes à tout pour aider leurs familles. Forcément, ce genre de cinéma ne peut que toucher le spectateur, surtout s’il est correctement filmé et porté par des comédiens intenses comme Véro Tshanda Beya, la révélation du film. Cependant, le sentiment de déjà-vu est très présent, trop présent, pour que l’on s’enthousiasme vraiment pour le quatrième long-métrage d’Alain Gomis.
La seconde partie aurait pu être plus originale et plus personnelle, mais le film bascule presque dans le cinéma expérimental quand Félicité, devant l’incapacité de son fils à guérir, perd la voix et se lance dans de longues errances nocturnes, dans une Kinshasa onirique et inquiétante. La mise en scène, jusque-là très sobre, accumule alors les effets de style alambiqués – ralentis esthétisants, éclairages stoboscopiques, etc. – et l’accumulation de musiques en tout genre finit par agacer sérieusement. Le tout est beaucoup trop long, ennuyeux et assez pénible à suivre.
On aurait préféré qu’Alain Gomis prenne plus le temps de développer la meilleure idée du film, le drôle de trio que forment Félicité, Samo et Tabu (Papi Mpaka), l’un des courtisans de la chanteuse. L’homme est porté sur la boisson et, de ce fait, un indécrottable coureur de jupons, mais il est volontaire, fiable et solide, et le jour, il trouve les ressources pour s’occuper de Samo et lui redonner l’envie de vivre. Ce trio d’éclopés est assez emblématique d’une société congolaise essayant tant bien que mal de recoller les morceaux après plusieurs années de plomb. Mais le cinéaste n’en fait pas grand chose. Il en tire juste une symbolique assez lourdingue – la réparation du frigo, pièce par pièce, qui accompagne la guérison de Samo, pas à pas – et une morale finale qui sape quelque peu le message féministe entrevu tout au long du récit.
L’impression laissée par le film est, au finale, assez mitigée. On aurait souhaité que, pour le spectateur, Félicité soit synonyme de joie, mais ce n’est pas tout à fait le cas…