C’est la crise!
La crise économique, déjà, qui vient frapper de plein fouet Georg (Josef Hader), influent critique musical dans un quotidien viennois. Le responsable des ressources humaines lui annonce froidement qu’il est licencié. Avec l’économie de son salaire, jugé indécent selon les critères de rentabilité modernes, il sera possible d’embaucher trois pigistes, plus jeunes, plus polyvalents et plus en phase avec le goût des lecteurs.
Puis c’est la crise de la cinquantaine qui vient le frapper, subrepticement. La perte de son emploi, et les conditions de son licenciements, obligent Georg à se poser des milliers de questions. Est-il désormais trop vieux? Est-il fini? Va-t-il décliner inexorablement? Va-t-on l’oublier définitivement? Comment s’en sortir dans un monde de plus en plus morose, rythmé par des actualités toutes plus déprimantes les unes que les autres? Des abîmes s’ouvrent en lui, laissant le doute le submerger et le paralyser totalement.
Pourtant, sa femme, un peu plus jeune que lui, aimerait bien qu’il s’active un peu, notamment pour concevoir cet enfant dont ils parlent depuis des années et qui, bientôt, pourrait bien n’être plus qu’un regret amer, une fois l’horloge biologique arrêtée. Evidemment, Georg n’est pas très motivé par l’idée d’élever un enfant, surtout à son âge et dans sa situation. Et le côté obsessionnel de son épouse n’arrange pas les choses. Elle donne à Georg l’impression d’être plus un donneur de spermatozoïdes qu’un amant. Alors, fatalement, arrive la troisième crise : la crise de couple.
Le pauvre Georg se retrouve ballotté, secoué dans tous les sens, en proie à un profond vertige existentiel. Un peu comme sur les montagnes russes de la fête foraine locale, rebaptisées “Wild Mouse”. C’est là que le quinquagénaire parvient à retrouver un peu de sérénité. Mais, hélas, insuffisamment pour l’empêcher de mettre au point un plan un peu fou pour se venger de celui qu’il a désigné comme état le responsable de ses malheurs : le responsable des Ressources Humaines.
Au-delà de la comédie noire qui lui sert d’écrin, le premier long-métrage de Josef Hader traite surtout d’une société en crise. On y voit des personnages qui ont du mal à vivre ensemble, qui ne se comprennent pas, qui ne communiquent pas entre eux, ou alors très mal. Georg n’est pas le seul touché par ce mal. Son épouse, psychiatre, est dépassée par le cas d’un de ses patients, homosexuel en pleine crise de couple. Le vieux camarade de classe de Georg, XX, entretient une relation compliquée avec une jeune roumaine. Celle-ci semble être une gentille fille, prête à entamer une romance avec lui, mais, même si l’idée le séduit, il refuse de s’engager, de peur de souffrir, et il ne fait aucun effort pour apprendre sa langue, ce qui n’aide pas à la communication…
Tous ces personnages partagent le même espace, mais peinent à cohabiter pacifiquement. Pourtant, il suffirait d’un rien pour que le dialogue s’instaure et que chacun trouve sa place. Le message, en filigrane, n’est pas anodin, surtout dans une Autriche régulièrement tentée, sur le plan politique, par les idées d’extrême droite et le repli communautaire…
Cette dimension politique sous-jacente vient pimenter cette première réalisation, dans laquelle on retrouve un peu de l’humour sarcastique de Josef Hader. Néanmoins, l’ensemble manque d’un brin de folie et surtout d’une mise en scène qui parviendrait à dynamiser le récit.
En l’état actuel des choses, il est peu probable que la souris du titre, fut-elle sauvage, réussisse à se muer en ours.