A la suite de la mort d'un Président d'un Etat fictif, le procureur Henri Volney qui s'est penché sur ce décès refuse les conclusions de l'enquête. Il parvient à interroger un témoin qui lui dévoile la part d'ombre de cette histoire, mais les auteurs du meurtre ne souhaitent pas qu'il découvre la vérité.
I comme Icare - 19 Décembre 1979 – Réalisé par Henri Verneuil
Découvrir un film cela tient parfois à peu de choses, à l'envie, un nom ou alors une conversation. C'est ainsi qu'il y a quelques mois, après avoir découvert l'excellent film de Costa-Gavras « Z », on m'a conseillé au détour d'un échange sur twitter de me pencher sur un film de Henri Verneuil qui pourrait me plaire, car étant de la même veine que « Z ». C'est « I comme Icare », un film qui reprend à sa manière les grandes lignes sur l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy, soit 12 ans avant le chef d’œuvre de Oliver Stone « JFK ».
Marc Jarry est le président fraîchement réélu d'un pays dont on ne connaît le nom, mais qui rappelle fortement les USA. Une parade se prépare pour fêter sa réélection et pour aller à la rencontre de ses administrés. Tout se passe bien jusqu'au moment ou le président est atteint de trois balles dans le corps. Une enquête est vite diligentée, un suspect arrêté et des conclusions rendues promptement. Une chose qui convient à tout le monde sauf au procureur Henri Volney qui ne croit pas dans les affirmations de la commission. De ce fait on lui attribue les pleins pouvoirs pour enquêter sur la mort du président et faire la lumière sur cet événement tragique. Pour ça, il va reprendre avec ses collaborateurs les investigations au début, des témoins oculaires, aux images amateurs de vidéastes se trouvant sur le parcours du président défunt.
« I comme Icare » est au final un film assez bluffant ! Car au delà de la première impression qu'il nous laisse, c'est à dire une interprétation de l'assassinat de JFK et des différents éléments attachés à cette affaire, c'est aussi un film qui nous interroge sur notre capacité à croire ou non ce que l'on nous montre et à faire confiance à des vérités que l'on nous impose comme une évidence.
Henri Verneuil travaille son scénario avec le romancier Didier Decoin et livre une histoire qui synthétise à merveille ce fait tragique qu'est la mort de JFK. On retrouve un grand nombre d'éléments connus de tous, une enquête rapide et bâclée par une commission, un « coupable idéal », des preuves truquées, le film d'un témoin (Celui d'Abraham Zapruder), l'homme au parapluie, la possible participation des services secrets … Une connaissance du sujet qui ne fait aucun doute et en ne le nommant pas, en éludant le nom des USA, Henri Verneuil rend ça encore plus universel, car on a aucun mal à s'imaginer à la place des différents protagonistes et à voir cela arriver chez nous en France ou ailleurs. Par ce biais on ressent tout le trouble qui agite le monde dans les années 70, des différents coups d'états qui ont eu lieu à travers le monde, comme en Amérique du sud par exemple; mais on peut aussi citer l'affaire du Watergate qui a ébranlé les USA en leurs temps ou alors l'assassinat d'Aldo Moro en Italie. Des actes qui ont toujours remis en cause notre regard critique sur les pouvoirs qui nous gouvernent. Un changement que le personnage principal du film incarne !
Toute l’enquête est une remise en question permanente, chaque pas que fais Volney nous oblige comme lui à voir les faits d'une façon différente, à accepter que trois douilles ne se rangent pas cote a cote après trois coups de feu, à ne pas croire en l'authenticité d'une photo qui à l'air pourtant authentique, à envisager qu'un tel assassinat ne peut pas être le fait d'un seul homme.
Tout comme notre rapport à l'autre qui s'en trouve changé quand on assiste à une reconstitution de l'expérience de Milgram. Une ultime mise en garde avant de faire comme Icare. C'est un scénario extrêmement bien ficelé que Verneuil s'empare pour livrer un film au suspense indéniable et à la réalisation soignée. Le réalisateur privilégie même une forme d'épure à l'écran, rien n'est superflu et seul les décors essentiels sont là. Un travail remarquable tant on se croit dans un Dallas imaginaire. Puis peu à peu, la tension va aller crescendo, le suspense se resserrer sur notre procureur, c'est précis, admirablement rythmé et sans concession. Une ambiance amenée avec tact par Verneuil, qui peut faire confiance aux gens qui l'entourent, comme avec Ennio Morricone à la musique, Jean-Louis Picavet à la photographie ou encore le compétent Jacques Saulnier aux décors.
Quant au casting, je ne retiendrais qu'Yves Montand. Cet acteur habite son rôle avec beaucoup de talent et de force; un procureur opiniâtre qui à ne pas en douter, inspirera certainement Oliver Stone pour "J.F.K".
Un excellent film !
Poster par Leszek Drzewinski