Bruno Dumont livre ici un neuvième film aussi inclassable que son premier long métrage (« La vie de Jésus »). Une proposition cinématographique atypique dont les spectateurs sortiront conquis ou désemparés, mais une œuvre artistique assurément. En sélection officielle à Cannes, il en repartira bredouille.La Côte d’Opale en 1910, trois familles vont se croiser autour de mystérieuses disparitions de bourgeois de Tourcoing, Roubaix ou Lille :- les Van Peteghem : bourgeois très ampoulés dont chaque membre est une caricature sur pattes limite dégénéré… on se marie entre cousin dans ces familles pour conserver son patrimoine. Eux vivent et surplombent de toute leur grandeur la magnifique baie de Wissant. La Côte d’Opale est magnifiquement filmée, on peut penser au roi des paysages grandioses en Technicolor qu’était David Lean et plus particulièrement à « La fille de Ryan » ;- les Brufort : pêcheurs, cueilleur ; les pauvres cradingues et limites débiles pousser à manger leurs congénères pour avoir leur lot de viande. Outrancier. Eux vivent en bas et n’ont comme lien avec les bourgeois que le fait qu’ils fassent office de passeur pour éviter que ces derniers se mouillent les pieds en traversant la baie ;- le duo de policier : des Laurel et Hardy des temps modernes ; ce duo est la quintessence du burlesque de cette farce noire.Tout ce petit monde revisite le cinéma muet (Tati entre autres avec l’exploitation des bruitages insolites) autour d’une farce féroce, comique et excessive devant laquelle on peut décrocher. On peut aussi voir du Hergé dans ce film avec les Dupont et la Castafiore.Tellement caricatural et primitif qu’il ne faut pas chercher une critique sociale ou alors très basique et ni une approche complexe des personnages. C’est un film audacieux avec une sacrée dose de folie que l’on retrouve peu dans le cinéma moderne. Et pour caser une autre référence dure à porter, les personnages sont aussi maltraités que dans « Affreux sales et méchants » de Scola.Sacré metteur en scène, les plans de Dumont sont de véritables tableaux. Dans sa direction d’acteurs, il a du aussi régaler les comédiens qui avaient matière à s’en donner à cœur joie dans le cabotinage. Lucchini est dans son élément ici.Après on peut déplorer des longueurs et un scénario répétitif qui aurait mérité d’être épuré pour rester sur la lancée d’une première heure très enlevée. Ensuite le film, toujours plaisant, s’enlise et la mécanique comique se grippe. La fin pseudo poétique avec les comédiens volants m’a désarçonné.
A voir pour tous ceux qui cherchent un film hors sentiers battus, les autres risques de se perdre dans la pampa des délires de Dumont.Sorti en 2016Ma note: 14/20