Chère Rachel Weisz,
Cela fera bientôt deux ans que je t’ai croisée au Festival de Cannes, alors que tu venais présenter deux films en Compétition Officielle, The Lobster de Yorgos Lanthimos et Youth de Paolo Sorrentino. Tu descendais une volée de marches, non pas celles du célèbre tapis rouge mais celle de la Salle du Soixantième, où je m’apprêtais à découvrir le film de Lanthimos. Peu de photographes autour de toi, quelques agents de sécurité tout au plus. Cela n’a duré qu’un court instant mais j’ai pu alors réaliser à quel point tu irradiais naturellement, avec cette sincérité intacte qui te caractérise et transparaît dans chacun de tes rôles. C’est effectivement un attachement de longue date qui me lie à toi et a commencé avec le premier volet de La Momie de Stephen Sommers. Cette aventurière intrépide, vaguement ingénue, que tu jouais, m’avait déjà séduit sous bien des aspects, même si je sentais que le personnage n’était pas tout à fait à la hauteur de ton talent.
J’ai réellement pu te découvrir dans The Fountain de Darren Aronofsky, un de mes chocs cinématographiques les plus mémorables. Le réalisateur, ton compagnon à cette période, t’a offert un rôle magnifique et tu t’en es saisie avec une intensité qui ne cesse de me bouleverser. Il y a quelque chose de paisible dans ton interprétation, une force sereine débarrassée de tout effet démonstratif qui touche immédiatement. Puis la confirmation est arrivée avec Agora du grand Alejandro Amenabar. Tu y incarnes cette astronome convaincue qui se bat corps et âme pour faire entendre sa voix et ses idées. Cela reste à mes yeux ta plus belle performance, tant elle fait montre d’une dignité à toute épreuve et rend honneur au combat des femmes face à la tyrannie des hommes à une époque particulièrement obscure. D’autres rôles, parfois secondaires, te permettront d’illuminer l’écran, comme dans My Blueberry Nights de Wong Kar-Wai, où il te suffit d’une poignée de scènes pour exister et émouvoir.
Je l’ai déjà évoqué mais The Lobster semble marquer un nouveau cap dans ta carrière. Je ne saurai trop l’expliquer mais j’ai le sentiment que ton ouverture vers un cinéma de plus en plus auteuriste peut-être, apporte des nuances que je n’avais pas encore soupçonnées chez toi, dont une certaine forme d’ironie. Voilà aussi pourquoi je reste fermement attaché à ton parcours, qui reste à bien des égards aussi troublant qu’évident. Je ne suis pas sûr que le public ou la presse louent ton talent à sa juste valeur. Ce que je sais, c’est que tes choix de rôles témoignent d’un engagement et d’un renouveau permanents. Alors pour toutes ces raisons, je continuerai de te suivre, partout où tu choisiras de m’emmener.
Le Cinéphile Intrépide.